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11/02/2013 | FRANCE | N°357348

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 11 février 2013, 357348


Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société Daunat Bretagne, dont le siège est ZI de Bellevue à Saint-Agathon (22200) et pour la société Daniel Dessaint, dont le siège est Zone Artoipôle, 620 boulevard de l'Europe à Monchy-le-Preux (62118) ; elles demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les paragraphes 46 et 48 de l'instruction 3-C-1-12 du 8 février 2012, parue au Bulletin officiel des impôts n° 14 du 10 février 2012, en ce qu'ils prescrivent l'application systématique

du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 7 % prévu à l'article 279...

Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société Daunat Bretagne, dont le siège est ZI de Bellevue à Saint-Agathon (22200) et pour la société Daniel Dessaint, dont le siège est Zone Artoipôle, 620 boulevard de l'Europe à Monchy-le-Preux (62118) ; elles demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les paragraphes 46 et 48 de l'instruction 3-C-1-12 du 8 février 2012, parue au Bulletin officiel des impôts n° 14 du 10 février 2012, en ce qu'ils prescrivent l'application systématique du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 7 % prévu à l'article 279 du code général des impôts aux ventes de sandwichs et aux ventes de salades avec assaisonnement séparé ou couverts, sans réserver le cas où la vente n'est pas faite au consommateur final ni le cas où les caractéristiques du produit, notamment la recette ou l'emballage, impliquent qu'il peut ne pas être consommé immédiatement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;

Vu la décision n° 2011-645 DC du 28 décembre 2011 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Daunat Bretagne et de la société Daniel Dessaint,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Daunat Bretagne et de la société Daniel Dessaint ;

1. Considérant que les sociétés Daunat Bretagne et Daniel Dessaint, qui exercent une activité de production industrielle de sandwichs emballés pour la première et de salades individuelles emballées pour la seconde, commercialisés exclusivement auprès de professionnels de la distribution ou de la restauration, demandent l'annulation pour excès de pouvoir des paragraphes 46 et 48 de l'instruction référencée 3-C-1-12 du 8 février 2012, parue au Bulletin officiel des impôts n° 14 du 10 février 2012, paragraphes par ailleurs repris au Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts aux paragraphes 440 et 460 sous l'intitulé BOI-TVA-LIQ-30-10-10-20121119, qui commentent les dispositions du n. de l'article 279 du code général des impôts, en tant qu'ils prévoient l'application systématique du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 7 % aux ventes de sandwichs et aux ventes de salades avec assaisonnement séparé ou couverts, sans réserver le cas où les caractéristiques du produit, notamment la recette ou l'emballage, impliquent qu'il peut ne pas être consommé immédiatement ni celui dans lequel la vente n'est pas faite au consommateur final ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) " ; qu'aux termes de l'article 278 du même code : " Le taux normal de taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 19,60 % " ; qu'aux termes de l'article 278-0-bis de ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne : A. - Les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur : 1° L'eau et les boissons non alcooliques ainsi que les produits destinés à l'alimentation humaine (...) " ; qu'en vertu du n. de l'article 279 du même code, issu de l'article 13 de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 7 % en ce qui concerne les ventes à emporter ou à livrer de produits alimentaires préparés en vue d'une consommation immédiate, à l'exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques, qui relèvent du taux prévu à l'article 278 ;

3. Considérant, en premier lieu, que, pour l'application de ces dernières dispositions, les produits alimentaires préparés en vue d'une consommation immédiate s'entendent des produits dont la nature, le conditionnement ou la présentation induisent leur consommation dès l'achat ; que les sandwichs, quel que soit leur conditionnement, doivent être regardés comme des produits préparés en vue d'une consommation immédiate ; qu'il en va de même pour les salades vendues avec couverts ou avec un assaisonnement séparé, en raison de leur conditionnement et de leur présentation ; que, dès lors, en précisant au point 46 de l'instruction attaquée, que les sandwichs et les salades vendues avec assaisonnement séparé ou couverts sont réputés être toujours des produits alimentaires préparés en vue d'une consommation immédiate, quel que soit leur emballage, l'instruction ne méconnaît pas la portée des dispositions du n. de l'article 279 du code général des impôts et n'est entachée d'aucune incompétence ;

4. Considérant, en second lieu, que les dispositions du n. de l'article 279 du code général des impôts, qui ont pour objet, ainsi qu'il ressort des motifs de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 dont elles sont issues, d'unifier le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable à la restauration et à la vente à emporter de produits alimentaires préparés en vue d'une consommation immédiate, visent les seules ventes de ces produits au consommateur final et non les ventes réalisées par des producteurs industriels de produits alimentaires à des distributeurs ou des détaillants ; que, par suite, en précisant au paragraphe 48 de l'instruction attaquée que les sandwichs et les salades vendues avec assaisonnement séparé ou couverts sont taxés au taux de 7 % dès leur vente par le fabricant au distributeur ou au détaillant, le ministre de l'économie et des finances, qui a d'ailleurs précisé au même paragraphe que, pour tous les autres produits alimentaires visés au n. de l'article 279 du code général des impôts, le taux de 7 % ne s'appliquerait qu'au produit fini lors de sa vente au consommateur final en vue d'une consommation immédiate, ne s'est pas borné à expliciter la loi mais y a ajouté des dispositions nouvelles qu'aucun texte ne l'autorisait à édicter ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Daunat Bretagne et la société Daniel Dessaint sont fondées à demander, dans cette mesure, l'annulation des dispositions du paragraphe 48 de l'instruction référencée 3 C-1-12 du 8 février 2012 ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à chacune des deux sociétés requérantes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le paragraphe 48 de l'instruction 3 C-1-12 du 8 février 2012 publiée au Bulletin officiel des impôts est annulé en tant qu'il prescrit l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 7 % prévu à l'article 279 du code général des impôts aux ventes de sandwichs et aux ventes de salades avec assaisonnement séparé ou couverts dès le stade de la vente par le fabricant au distributeur ou au détaillant, sans réserver l'application de ce taux aux ventes au consommateur final.

Article 2 : L'Etat versera à chacune des deux sociétés Daunat Bretagne et Daniel Dessaint la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Daunat Bretagne et de la société Daniel Dessaint est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Daunat Bretagne, à la société Daniel Dessaint et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 357348
Date de la décision : 11/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 fév. 2013, n° 357348
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:357348.20130211
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