La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/02/2013 | FRANCE | N°356008

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 11 février 2013, 356008


Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la Fédération Force ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 4 de l'arrêté du 21 octobre 2011 du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement portant création d'une instance de concertation régionale au ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, en tant qu'il fixe les moda

lités de désignation des représentants du personnel au sein de cette nouv...

Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la Fédération Force ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 4 de l'arrêté du 21 octobre 2011 du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement portant création d'une instance de concertation régionale au ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, en tant qu'il fixe les modalités de désignation des représentants du personnel au sein de cette nouvelle instance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Maxime Boutron, Auditeur,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

1. Considérant que le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement a, par un arrêté du 21 octobre 2011, créé, auprès de chaque directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement, une " instance régionale de concertation de zone de gouvernance " ; que la Fédération Force ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 4 de cet arrêté, en tant qu'il fixe les modalités de désignation des représentants du personnel au sein de cette nouvelle instance ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie :

2. Considérant que le ministre soutient que l'arrêté attaqué constitue une mesure d'organisation du service qui ne fait pas grief et n'est donc pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'il soutient en particulier que l'instance de concertation créée n'est qu'un lieu d'information, d'échange et de débat, dont l'avis n'est jamais requis et qui ne procède à aucun vote, et qu'elle ne peut être regardée comme un des organismes consultatifs mentionnés à l'article 9 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

3. Considérant qu'en vertu de l'article 1er de l'arrêté attaqué, l'instance qu'il crée a pour mission, auprès de chaque directeur régional de l'environnement de l'aménagement et du logement, de favoriser la concertation et l'information du personnel sur les questions mentionnées à l'article 2 ; qu'aux termes de l'article 2 : " L'instance de concertation régionale est compétente pour débattre des questions touchant à la mise en oeuvre des politiques relevant du ministère chargé de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement qui font l'objet d'une coordination ou d'une harmonisation à l'échelle de la zone de gouvernance : - le document de stratégie régionale et ses évolutions ; / - la programmation budgétaire et la répartition des effectifs ; / - la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences ; - la politique régionale et le plan de formation ; - la déclinaison régionale des orientations ministérielles en matière de prévention des risques professionnels. " ; qu'aux termes de l'article 4 : " (...) Les représentants du personnel sont librement désignés par les organisations syndicales, parmi les agents en fonction dans la direction régionale ou les services situés dans la zone de gouvernance compte tenu du nombre total de voix obtenues dans les services concernés aux dernières élections professionnelles pour la désignation des représentants du personnel au comité technique ministériel du ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. / Chaque organisation syndicale a droit à autant de sièges de représentants titulaires du personnel que le nombre de voix recueillies par elle aux élections mentionnées au deuxième alinéa contient de fois le quotient électoral, qui est obtenu en divisant le nombre de suffrages obtenus par le nombre de représentants du personnel titulaire à désigner. Les sièges de représentants titulaires restant éventuellement à pourvoir sont attribués suivant la règle de la plus forte moyenne. / A cet effet, une décision du directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement signe la liste des organisations syndicales habilitées à désigner les représentants du personnel ainsi que le nombre de sièges auxquelles elles ont droit " ;

4. Considérant que l'arrêté attaqué prévoit ainsi que les représentants du personnel au sein de l'instance de concertation qu'il crée sont désignés par les organisations syndicales conformément aux règles qu'il précise, en s'inspirant de règles applicables à la composition d'organismes au sein desquels les agents publics exercent leur droit à participer à la détermination collective de leurs conditions de travail ; que, dès lors, le ministre ne saurait soutenir que l'organisation syndicale requérante n'est pas recevable à contester la légalité des modalités de désignation prévues par les dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté attaqué, au seul motif que l'instance en cause n'est qu'une instance de concertation et non un organisme consultatif ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre doit être rejetée ;

Sur la légalité de l'article 4 de l'arrêté attaqué, en tant qu'il fixe les modalités de désignation des représentants du personnel au sein de l'instance régionale de concertation de zone de gouvernance :

5. Considérant que le principe de représentativité, principe général du droit applicable à l'ensemble des relations collectives de travail, notamment dans la fonction publique et dans les entreprises publiques à statut, impose au pouvoir réglementaire, lorsqu'il crée une instance de concertation composée de représentants du personnel désignés par les organisations syndicales en fonction de leur représentativité, d'apprécier celle-ci au niveau où l'instance concernée est appelée à siéger ;

6. Considérant qu'en vertu de l'article 18 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat, les agents ne sont électeurs, pour les comités techniques ministériels, qu'aux élections organisées par le département ministériel en charge de leur gestion statutaire ; que les agents des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement qui relèvent d'un autre ministère que le ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ne participent donc pas aux élections au comité technique de ce ministère ; que les suffrages qu'ils expriment lors des élections au comité technique ministériel dont ils relèvent ne sont pas pris en considération pour déterminer quelles organisations syndicales sont représentatives au niveau de la zone de gouvernance, où est créée l'instance de concertation régionale, alors même qu'ils forment avec les agents relevant du ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement une communauté de travail pour la mise en oeuvre de sa politique régionale et qu'ils ont le droit de participer, par l'intermédiaire de leurs représentants, au débat sur les questions relevant de la compétence de l'instance régionale de concertation de zone de gouvernance ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la fédération requérante est fondée à soutenir qu'en retenant les modalités de désignation des représentants du personnel énoncées à l'article 4 de l'arrêté attaqué, le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, qui ne peut valablement arguer de l'impossibilité de prendre en considération d'autres résultats électoraux que ceux qui sont prévus par l'arrêté attaqué, a méconnu le principe général de représentativité ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, l'article 4 de l'arrêté du 21 octobre 2011 doit être annulé, en tant qu'il fixe les modalités de désignation des représentants du personnel au sein de l'instance régionale de concertation ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la Fédération Force ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 4 de l'arrêté du 21 octobre 2011 du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement est annulé, en tant qu'il fixe les modalités de désignation des représentants du personnel au sein de l'instance régionale de concertation de zone de gouvernance.

Article 2 : L'Etat versera à la Fédération Force ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération Force ouvrière de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 356008
Date de la décision : 11/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 fév. 2013, n° 356008
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Maxime Boutron
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:356008.20130211
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award