Vu le pourvoi, enregistré le 12 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. et Mme B...A..., demeurant...,; M. et Mme A...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07MA05131 du 15 décembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, annulé le jugement n° 0305854 du tribunal administratif de Nice du 11 janvier 2007 en tant qu'il avait prononcé une réduction de la base d'imposition et des droits afférents au titre de l'année 1998 et les a rétablis au rôle de l'impôt sur le revenu à hauteur du montant dont ils avaient été déchargés par le jugement du tribunal administratif et, d'autre part, rejeté le surplus de leurs conclusions ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. et MmeA...,
- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. et Mme A...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...exploite deux boulangeries-pâtisseries à Nice ; que son entreprise individuelle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle, la comptabilité ayant été regardée comme non probante, des compléments d'impôt sur le revenu ont été mis à la charge de M. et Mme A...au titre des années 1997 à 1999 ; qu'ils se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 15 décembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille les a rétablis au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1998 et a rejeté le surplus de leurs conclusions ;
2. Considérant que s'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et à tout moment avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour établir les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, cette obligation, qui s'applique à des renseignements provenant de tiers et relatifs à la situation particulière du contribuable, ne s'étend pas aux données utilisées par l'administration lorsqu'elle assoit des redressements en procédant à une comparaison entre, d'une part, la situation du contribuable et, d'autre part, celle d'une ou plusieurs autres personnes, celle du secteur d'activité dont le contribuable relève ou encore celle d'un secteur d'activité voisin ou analogue ; que l'administration demeure soumise, dans cette dernière hypothèse, aux obligations de motivation des notifications de redressement ou de notification des bases et du calcul des impositions d'office que prévoient respectivement, selon que les impositions ont été établies suivant la procédure contradictoire ou d'office, les articles L. 57 et L. 76 du livre des procédures fiscales ;
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation " ; que, lorsque l'administration entend fonder au moins en partie un redressement, non sur des pratiques habituelles à la profession ou au secteur d'activité, mais sur des éléments de comparaison issus de données chiffrées provenant d'autres entreprises, elle doit, pour assurer le caractère contradictoire de la procédure sans méconnaître le secret professionnel protégé par l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, désigner nommément ces entreprises mais ne fournir au contribuable que des moyennes ne lui permettant pas de connaître, fût-ce indirectement, les données propres à chacune d'elles ; que cette obligation, dont le respect constitue une garantie pour le contribuable, s'impose à l'administration même si ce dernier disposait d'éléments relatifs à sa propre situation pour contester les évaluations du vérificateur et si la recherche par l'administration d'informations relatives à d'autres entreprises était la conséquence du refus du contribuable de communiquer des informations dont il disposait ;
4. Considérant que, pour écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la notification de redressement du 19 octobre 2000, la cour administrative d'appel de Marseille a jugé que, faute pour M. A...d'avoir communiqué à l'administration fiscale tous les éléments dont il disposait, notamment la composition de ses produits, pour lesquels il s'était refusé à communiquer ses recettes, l'intéressé ne pouvait reprocher à l'administration d'avoir dû rechercher à l'extérieur les éléments nécessaires à la reconstitution de ses recettes, ni d'avoir tu l'identité des deux entreprises auprès desquelles elle a collecté l'information manquante ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la cour a, ce faisant, commis une erreur de droit ; que, par suite, son arrêt doit, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour procéder à la reconstitution des recettes des commerces de boulangerie-pâtisserie que M. A...exploite à Nice, le vérificateur a calculé le taux de rendement au quintal de la farine utilisée ; qu'il s'est fondé, pour déterminer la composition des produits que le requérant s'était refusé à communiquer, sur des constatations opérées à l'occasion de la vérification de deux établissements du centre-ville de Nice regardés comme similaires à ceux du requérant ; que si, ainsi que le soutient le ministre en défense, M. A...disposait de certains éléments relatifs à sa propre situation pour contester les évaluations du vérificateur et si c'est à la suite du refus de celui-ci de communiquer la composition de certains de ses produits que l'administration a dû recourir à des informations recueillies dans d'autres entreprises, ce contribuable, faute que l'administration ait nommément désigné ces entreprises, sans pour autant en révéler les données individuelles, n'a pas été mis à même de s'assurer que les éléments de comparaison proposés par l'administration étaient pertinents, dès lors que l'homogénéité des produits dont il s'agit n'est pas établie, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient le ministre, que l'administration aurait pris la même décision en ne retenant que des éléments d'information propres à l'entreprise de M. A...; qu'ainsi, la notification de redressement n'était pas suffisamment motivée ; que M. et Mme A...sont, par suite, fondés à soutenir que la procédure d'imposition était irrégulière et à demander, pour ce motif, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu laissées à leur charge par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille qu'ils attaquent, ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties ;
7. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros à M. et Mme A...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 15 décembre 2009 est annulé.
Article 2 : M. et Mme A...sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités laissés à leur charge au titre des années 1997 à 1999 par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 15 décembre 2009.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. et Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B...A...et au ministre de l'économie et des finances.