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28/12/2012 | FRANCE | N°340253

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 28 décembre 2012, 340253


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juin et 30 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; il demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n°s 0801860, 0801861, 0801862, 0801863, 0801979, 0900561, 0900562, 0901069 et 0901070 du 30 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Rouen, statuant sur les demandes du grand port maritime du Havre (anciennement port autonome du Havre) a déchargé ce dernier des cotisations de taxe foncière sur les pr

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 juin et 30 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; il demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n°s 0801860, 0801861, 0801862, 0801863, 0801979, 0900561, 0900562, 0901069 et 0901070 du 30 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Rouen, statuant sur les demandes du grand port maritime du Havre (anciennement port autonome du Havre) a déchargé ce dernier des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties restant en litige auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 et 2008 dans les rôles des communes du Havre, de Saint-Jouin-Bruneval, d'Oudalle, de Rogerville et de Gonfreville-l'Orcher ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat du grand port maritime du Havre,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat du grand port maritime du Havre ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le Port autonome du Havre a été assujetti au titre des années 2007 et 2008 à la taxe foncière sur les propriétés bâties sur l'ensemble de ses immeubles ; qu'il a contesté ces impositions et a obtenu un dégrèvement pour les locaux affectés à l'exploitation portuaire proprement dite, à l'exception des constructions situées en dehors de l'emprise du port et de celles situées dans son enceinte mais utilisées à d'autres fins par leurs exploitants respectifs telles que des activités de location d'automobiles, de commerce de gros, de restauration et d'hébergement, d'ingénierie et d'études techniques ou de transports ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat se pourvoit en cassation contre le jugement du 30 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge des impositions restant en litige ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 31 janvier 1942 : " En exécution de l'article 4 de la loi du 28 juin 1941 sont supprimés les exemptions et régimes spéciaux énumérés ci-après : (...) II. - Exemption de la contribution foncière sur les propriétés bâties prévues par l'article 159 (2° et 3°) du code général des impôts directs en faveur : / Des installations qui, dans les ports maritimes (...) font l'objet de concessions d'outillage public accordées par l'Etat aux chambres de commerce ou aux municipalités et sont exploitées dans les conditions fixées par les cahiers des charges " ; qu'une décision ministérielle du 11 août 1942, publiée au bulletin officiel des contributions directes de la même année, indique que l'arrêté du 31 janvier 1942 a prévu que les ports autonomes seraient passibles à compter du 1er janvier 1942 de tous les impôts et taxes dus par les entreprises privées similaires mais reporte " à titre exceptionnel, au 1er janvier de l'année suivant celle de la cessation des hostilités l'application de l'arrêté du 31 janvier 1942 en tant qu'il est susceptible de modifier le régime des impôts directs applicables aux chambres de commerce maritimes et aux ports autonomes " ; que la réponse faite par le ministre du budget à M. Porelli, député, publiée au Journal officiel de l'Assemblée Nationale du 23 février 1981, rappelle que, si " les terrains affectés à l'exploitation portuaire, de même que les constructions et installations appartenant aux ports autonomes sont, en principe, imposables à la taxe foncière sur les propriétés bâties (...) des décisions ministérielles prises après 1945, et maintenant une solution arrêtée pendant la seconde guerre mondiale, ont suspendu l'application de ces règles aux installations portuaires " ; qu'enfin, selon la documentation administrative de base référencée 6 C-121 du 15 décembre 1988, relative aux exonérations de taxe foncière sur les propriétés publiques applicable aux impositions en litige : " en vertu de décisions ministérielles des 11 août 1942 et 27 avril 1943, le régime d'exonération des propriétés publiques antérieur au régime actuel qui résulte de l'article 4 de la loi du 28 juin 1941, continue de s'appliquer aux immeubles et installations dépendant des ports gérés par des ports autonomes ou des chambres de commerce " ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le bénéfice de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties prévue par la décision ministérielle du 11 août 1942, reprise par la réponse ministérielle à M. Porelli et par la documentation administrative, s'applique aux immeubles des ports autonomes sans distinction quant à leur destination ;

4. Considérant, d'une part, qu'après avoir relevé que les immeubles des ports autonomes productifs de revenus sont imposables à la taxe foncière sur les propriétés bâties sur le fondement de la loi fiscale, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement de contradiction de motifs ni commis d'erreur de droit en jugeant que le grand port maritime du Havre, anciennement port autonome du Havre, pouvait se prévaloir de l'interprétation formelle de la loi fiscale dont la portée est rappelée au point 3 ; que, par voie de conséquence, le ministre ne peut utilement soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'erreur de qualification juridique et de dénaturation dans la détermination de ceux des locaux concernés qui devraient, selon lui, être privés du bénéfice de l'exonération ;

5. Considérant, d'autre part, qu'en jugeant que l'administration ne pouvait se prévaloir, pour soutenir que l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties ne doit porter que sur les installations qui n'auraient pas vocation à être utilisées ailleurs que dans un port, du paragraphe n° 50 de l'instruction fiscale référencée 6 E-7-75 du 30 octobre 1975, relative à la taxe professionnelle, laquelle exonère les activités exercées dans les ports de commerce affectés au trafic de marchandises ou de voyageurs et liées à l'exploitation des ports proprement dite et notamment celle de leur outillage public, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit, en l'absence, dans les énonciations de cette instruction, de mention ou de renvoi susceptible d'être regardé comme une interprétation formelle de la loi fiscale relative à la détermination des bases imposables de la taxe foncière sur les propriétés bâties ;

6. Considérant, enfin, que les moyens tirés de ce que l'interprétation de la loi fiscale ainsi retenue par le tribunal administratif méconnaîtrait les principes d'égalité devant la loi et de spécialité des établissements publics sont nouveaux en cassation et sont, par suite et en tout état de cause, sans influence sur le bien-fondé du jugement attaqué ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser au grand port maritime du Havre au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera au grand port maritime du Havre une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et au grand port maritime du Havre.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 340253
Date de la décision : 28/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2012, n° 340253
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:340253.20121228
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