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28/12/2012 | FRANCE | N°335552

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 28 décembre 2012, 335552


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 janvier et 9 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SAS SIA Industrie, dont le siège est 150 rue de l'Angevinière au Mans (72027 Cedex 2), représentée par son président-directeur général; la SAS SIA Industrie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08NA03295 du 9 novembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de dégrèvements accordés en cours d'instance, a rejeté le sur

plus de sa requête tendant à l'annulation du jugement n°s 04-2746 et 07-3700 ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 janvier et 9 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SAS SIA Industrie, dont le siège est 150 rue de l'Angevinière au Mans (72027 Cedex 2), représentée par son président-directeur général; la SAS SIA Industrie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08NA03295 du 9 novembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de dégrèvements accordés en cours d'instance, a rejeté le surplus de sa requête tendant à l'annulation du jugement n°s 04-2746 et 07-3700 du 12 novembre 2008 du tribunal administratif de Nantes en tant que celui-ci n'a que partiellement fait droit à sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2003 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment ses articles 87, 88 et 249 ;

Vu la décision n° 2004/343/CE du 16 décembre 2003 de la Commission européenne ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,

- les observations de la SCP Odent, Poulet, avocat de la SAS SIA Industrie,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Odent, Poulet, avocat de la SAS SIA Industrie ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SAS SIA Industrie, qui a pour activité la fabrication de pièces techniques à base de matière plastique, a repris l'activité de la société SIA Dumortier en exécution d'un plan de cession arrêté par un jugement du tribunal de commerce du Mans du 9 septembre 2003 ; qu'en réponse à une question de sa part, l'administration fiscale a indiqué à la SAS SIA Industrie, par un courrier du 21 avril 2004, qu'elle ne pouvait prétendre au bénéfice du dispositif d'exonération temporaire d'impôt sur les sociétés prévu par l'article 44 septies du code général des impôts en cas de reprise d'une entreprise industrielle en difficulté qui a fait l'objet d'une cession ordonnée par le tribunal de commerce dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, dès lors que, par une décision n° 2004/343/CE du 16 décembre 2003, la Commission européenne avait déclaré que ce dispositif constituait une aide d'Etat mise en oeuvre en méconnaissance des stipulations de l'article 88, paragraphe 3, du traité instituant la Communauté européenne et qu'elle avait ordonné sa suppression, sous réserve des aides d'un montant inférieur au seuil fixé par le règlement CE n° 70/2001 du 12 janvier 2001 et des aides compatibles au titre des régimes applicables aux aides à finalité régionale et aux aides en faveur des petites et moyennes entreprises ; que, par une notification de redressement du 6 mai 2004, l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de l'exonération de l'article 44 septies du code général des impôts dont la société avait néanmoins estimé pouvoir faire application dans ses déclarations de bénéfices au titre de son exercice clos le 31 décembre 2003 ;

2. Considérant que la SAS SIA Industrie a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande de décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge à l'issue de cette procédure de redressement ; que, par un jugement du 12 novembre 2008, ce tribunal n'a que partiellement fait droit aux conclusions qui lui étaient soumises ; que, par l'arrêt attaqué du 9 novembre 2009, la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir prononcé un non-lieu à hauteur d'un dégrèvement accordé par l'administration en cours d'instance d'appel, a, d'une part, rejeté les conclusions principales de la société, tendant au bénéfice du régime d'exonération de l'article 44 septies du code général des impôts dans sa version antérieure à sa modification par la loi de finances rectificative pour 2004, au motif que l'administration était tenue, en exécution de la décision de la Commission européenne, de ne pas faire application de ce texte, d'autre part, rejeté les conclusions subsidiaires de la société, tendant au bénéfice du régime d'exonération dans sa version postérieure à cette modification, au motif que l'administration y avait entièrement fait droit par le dégrèvement qu'elle avait consenti ;

3. Considérant que l'article 41 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004 a, d'une part, par le 1° de son paragraphe I, substitué à l'article 44 septies du code général des impôts alors en vigueur une nouvelle version du même article, en vue de tirer les conséquences de la décision de la Commission européenne du 16 décembre 2003, d'autre part, prévu, par son paragraphe II, que les dispositions du1° du paragraphe I seraient applicables aux résultats des exercices clos à compter du 16 décembre 2003 et jusqu'au 31 décembre 2006 inclus ;

4. Considérant, en premier lieu, que le moyen, soulevé par la société requérante devant la cour, tiré de l'incompétence de l'administration pour abroger, par une instruction 4H-2-04 du 4 mars 2004, le régime d'exonération de l'article 44 septies du code général des impôts, dont la Commission européenne avait constaté l'incompatibilité avec le droit communautaire, n'était pas inopérant ; que la cour a par suite entaché son arrêt d'une erreur de droit en se fondant sur ce motif pour l'écarter ;

5. Considérant, toutefois, que l'instruction du 4 mars 2004 se bornait à commenter la décision de la Commission européenne dont les conséquences ont été tirées, comme il a été dit ci-dessus, par l'article 41 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que l'administration aurait incompétemment abrogé des dispositions législatives par voie d'instruction ne pouvait qu'être écarté ; que ce motif, qui répond à un moyen invoqué devant les juges du fond et dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif, retenu à tort par l'arrêt attaqué, tiré du caractère inopérant du moyen soulevé par la société requérante ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que si, comme l'a jugé à bon droit la cour, la décision de la Commission européenne du 16 décembre 2003 constatant l'incompatibilité du régime d'exonération de l'article 44 septies du code général des impôts avec le droit communautaire et ordonnant sa suppression, était directement applicable dans l'ordre juridique interne et imposait à l'administration, en vertu des articles 10 et 249 du traité instituant la Communauté européenne et aussi longtemps que la juridiction communautaire n'avait pas constaté son invalidité, de ne pas appliquer les dispositions litigieuses, le moyen, soulevé par la société requérante devant la cour administrative d'appel, tiré de ce que le législateur, en donnant, par l'article 41 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, une portée rétroactive aux nouvelles dispositions de l'article 44 septies du code général des impôts, avait méconnu la Constitution n'était pas inopérant du fait de l'intervention de la décision de la Commission ; que la cour a ainsi entaché son arrêt d'erreur de droit en écartant, pour ce motif, le moyen de la société;

7. Considérant, toutefois, que la cour ayant statué avant l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution relatives à la question prioritaire de constitutionnalité, il n'appartenait pas à la juridiction administrative d'examiner un moyen tiré de la méconnaissance, par une disposition législative, de la Constitution, la conformité aux droits et libertés garanties par la Constitution de cette disposition législative n'ayant, par ailleurs et en tout état de cause, pas été contestée dans un mémoire distinct ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'article 41 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004 méconnaissait les principes constitutionnels relatifs à la rétroactivité de dispositions législatives ne pouvait qu'être écarté; que ce motif, qui répond à un moyen d'ordre public et dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif erroné retenu par l'arrêt attaqué ;

8. Considérant, en troisième lieu, que la cour s'est bornée à juger que l'administration était tenue, en application de la décision de la Commission européenne du 16 décembre 2003, de cesser de mettre en oeuvre le régime d'exonération litigieux en tant seulement que celui-ci avait été déclaré, par cette décision, incompatible avec le droit communautaire ; qu'elle a d'ailleurs relevé qu'il avait été fait droit par l'administration à la demande subsidiaire de la société tendant à bénéficier de ce régime en tant qu'il prévoyait des aides d'un montant inférieur au seuil fixé par le règlement CE n° 70/2001 du 12 janvier 2001 et des aides compatibles au titre des régimes applicables aux aides à finalité régionale et aux aides en faveur des petites et moyennes entreprises ; que la société n'est par suite pas fondée à soutenir que la cour aurait entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant que la décision de la Commission européenne impliquait qu'il soit mis fin en totalité à l'application du dispositif de l'article 44 septies du code général des impôts ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la SAS SIA Industrie est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SAS SIA Industrie et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 335552
Date de la décision : 28/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2012, n° 335552
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Matthieu Schlesinger
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:335552.20121228
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