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28/12/2012 | FRANCE | N°329138

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 28 décembre 2012, 329138


Vu le pourvoi, enregistré le 23 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la SA Wastiaux, dont le siège est zone industrielle de Malambas à Haunoncourt (57280) ; la SA Wastiaux demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08NC00016 du 23 avril 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0500694 du 8 novembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle aux

quelles elle a été assujettie au titre des années 2001, 2002 et 2003 à...

Vu le pourvoi, enregistré le 23 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la SA Wastiaux, dont le siège est zone industrielle de Malambas à Haunoncourt (57280) ; la SA Wastiaux demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08NC00016 du 23 avril 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0500694 du 8 novembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2001, 2002 et 2003 à raison de biens donnés en location à une société installée au Luxembourg ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 49 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SA Wastiaux,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SA Wastiaux ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA Wastiaux, qui exerce une activité de vente et de location de matériel, notamment de grues et de camions-grues, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a, sur le fondement du 3° de l'article 1469 du code général des impôts, inclus dans ses bases de taxe professionnelle des années 2001, 2002 et 2003 la valeur locative des grues données en location au titre des mêmes années à la société Gemat, établie au Luxembourg, qui les utilisait pour ses propres opérations sur le territoire de cet Etat ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 avril 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, confirmant le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 novembre 2007, a rejeté sa requête aux fins de décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle mises à sa charge ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1448 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur pour les années d'imposition en litige : " La taxe professionnelle est établie suivant la capacité contributive des redevables, appréciée d'après des critères économiques en fonction de l'importance des activités exercées par eux sur le territoire de la collectivité bénéficiaire ou dans la zone de compétence de l'organisme concerné " ; qu'aux termes de l'article 1467 du même code, dans sa rédaction applicable pour les années d'imposition en litige : " La taxe professionnelle a pour base : / 1° (...) a) La valeur locative (...) des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle (...) " ; qu'aux termes du 3° de l'article 1469 du même code dans sa rédaction en vigueur pour les années d'imposition en litige : " La valeur locative est déterminée comme suit : (...) 3° Pour les autres biens (...) / (...) les biens donnés en location sont imposés au nom du propriétaire lorsque la période de location est inférieure à six mois ; il en est de même si le locataire n'est pas passible de la taxe professionnelle (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, que s'il découle des dispositions de l'article 1467 précité du code général des impôts que les immobilisations dont un contribuable dispose pour les besoins de son activité professionnelle et dont la valeur locative est, par suite, intégrée dans les bases de sa taxe professionnelle sont, en principe, les biens placés sous son contrôle et qu'il utilise matériellement pour la réalisation des opérations qu'il effectue, les dispositions du 3° de l'article 1469 prévoient, par dérogation à cette règle générale, que la valeur locative des biens non passibles de taxe foncière donnés en location à une personne non passible de la taxe professionnelle est incluse dans les bases de taxe professionnelle de leur propriétaire, alors même que celui-ci ne les utilise pas matériellement pour les besoins de son activité de location ; qu'il en résulte que la cour administrative d'appel n'a entaché son arrêt ni d'erreur de droit, ni d'erreur de qualification juridique des faits en jugeant que la valeur locative des grues données en location par la SA Wastiaux à la société Gemat pouvait être incluse dans les bases de taxe professionnelle de la première alors même que celle-ci ne les utilisait pas matériellement pour la réalisation de ses propres opérations ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions du 3° de l'article 1469 du code général des impôts prévoient, comme il vient d'être dit, par dérogation à la règle posée par l'article 1467, le rattachement des biens non passibles de taxe foncière données en location à une personne non passible de la taxe professionnelle aux bases de la taxe professionnelle due par le propriétaire à raison de son activité de location ; que la cour administrative d'appel n'a par suite entaché son arrêt ni d'erreur de droit, ni d'erreur de qualification juridique des faits en jugeant que, dès lors qu'il n'était pas établi que la SA Wastiaux posséderait au Luxembourg un établissement où seraient concentrées l'ensemble des tâches de direction et de gestion relatives à une activité de location dans cet Etat, la circonstance que les biens loués aient été matériellement utilisés au Luxembourg par le preneur ne pouvait conduire à regarder les prestations délivrées à la société Gemat comme relevant d'une activité exercée en dehors du champ d'application territorial de la taxe professionnelle ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 49 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des Etats membres établis dans un Etat membre autre que celui du destinataire de la prestation. (...) " ; que les dispositions du 3° de l'article 1469 du code général des impôts ont notamment pour conséquence qu'une entreprise, ayant pour activité la location de biens non passibles de la taxe foncière pour une durée de plus de six mois à une entreprise qui les utilise matériellement pour ses propres activités, est tenue d'inclure dans ses propres bases de taxe professionnelle la valeur locative de ces biens lorsque le preneur est établi dans un autre Etat membre, alors que tel n'est pas le cas lorsque le preneur est établi en France et y est lui-même passible de la taxe professionnelle ; que, toutefois, une telle différence de traitement, qui a pour seul objet de modifier, pour tenir compte des règles de territorialité de la taxe professionnelle, le redevable légal de la cotisation due à raison de l'utilisation de ces biens pour les besoins d'une activité économique, ne constitue pas à l'égard du prestataire, qui loue un bien à un preneur établi à l'étranger qui ne supporte pas la taxe, une différence de traitement incompatible avec la libre prestation de services au sein de l'Union européenne ; que, dès lors, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en écartant le moyen de la société requérante tiré de l'incompatibilité des dispositions du 3° de de l'article 1469 du code général du traité avec les stipulations de l'article 49 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA Wastiaux n'est pas fondée à demande l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la SA Wastiaux est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SA Wastiaux et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 329138
Date de la décision : 28/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - LIBERTÉS DE CIRCULATION - LIBRE PRESTATION DE SERVICES - INTÉGRATION DANS LES BASES DE LEUR PROPRIÉTAIRE DE LA VALEUR LOCATIVE DES BIENS NON PASSIBLES DE TAXE FONCIÈRE DONNÉS EN LOCATION À UNE PERSONNE NON PASSIBLE DE LA TAXE PROFESSIONNELLE (3° DE L'ART - 1469 DU CGI) - DIFFÉRENCE DE TRAITEMENT EN RÉSULTANT ENTRE ENTREPRISES AYANT POUR ACTIVITÉ LA LOCATION DE TELS BIENS SELON QUE LE PRENEUR EST ÉTABLI EN FRANCE ET Y EST LUI-MÊME PASSIBLE DE LA TAXE PROFESSIONNELLE OU EST ÉTABLI DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE - MÉCANISME AYANT POUR SEUL OBJET DE MODIFIER LE REDEVABLE LÉGAL DE LA COTISATION DE TAXE POUR TENIR COMPTE DES RÈGLES DE TERRITORIALITÉ DE LA TAXE PROFESSIONNELLE - CONSÉQUENCE - COMPATIBILITÉ AVEC LA LIBRE PRESTATIONS DE SERVICES AU SEIN DE L'UE - EXISTENCE [RJ1].

15-05-01-04 Si les dispositions du 3° de l'article 1469 du code général des impôts (CGI) ont notamment pour conséquence qu'une entreprise, ayant pour activité la location de biens non passibles de la taxe foncière pour une durée de plus de six mois à une entreprise qui les utilise matériellement pour ses propres activités, est tenue d'inclure dans ses propres bases de taxe professionnelle la valeur locative de ces biens lorsque le preneur est établi dans un autre Etat membre, alors que tel n'est pas le cas lorsque le preneur est établi en France et y est lui-même passible de la taxe professionnelle, une telle différence de traitement, qui a pour seul objet de modifier, pour tenir compte des règles de territorialité de la taxe professionnelle, le redevable légal de la cotisation due à raison de l'utilisation de ces biens pour les besoins d'une activité économique, ne constitue pas à l'égard du prestataire, qui loue un bien à un preneur établi à l'étranger qui ne supporte pas la taxe, une différence de traitement incompatible avec la libre prestation de services au sein de l'Union européenne (UE).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES - TAXE PROFESSIONNELLE - ASSIETTE - IMMOBILISATIONS CORPORELLES - IMMOBILISATIONS ENTRANT DANS L'ASSIETTE DE LA TAXE - 1) RÈGLE GÉNÉRALE - IMMOBILISATIONS CORPORELLES DONT LE REDEVABLE A DISPOSÉ POUR LES BESOINS DE SON ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE (ART - 1467 DU CGI) - DÉROGATION - INTÉGRATION DANS LES BASES DE LEUR PROPRIÉTAIRE DE LA VALEUR LOCATIVE DES BIENS NON PASSIBLES DE TAXE FONCIÈRE DONNÉS EN LOCATION À UNE PERSONNE NON PASSIBLE DE LA TP (3° DE L'ART - 1469 DU CGI) - EXISTENCE - 2) DIFFÉRENCE DE TRAITEMENT EN RÉSULTANT ENTRE ENTREPRISES AYANT POUR ACTIVITÉ LA LOCATION DE TELS BIENS SELON QUE LE PRENEUR EST ÉTABLI EN FRANCE ET Y EST LUI-MÊME PASSIBLE DE LA TP OU EST ÉTABLI DANS UN AUTRE ETAT MEMBRE - MÉCANISME AYANT POUR SEUL OBJET DE MODIFIER LE REDEVABLE LÉGAL DE LA COTISATION DE TAXE POUR TENIR COMPTE DES RÈGLES DE TERRITORIALITÉ DE LA TP - CONSÉQUENCE - COMPATIBILITÉ AVEC LA LIBRE PRESTATIONS DE SERVICES AU SEIN DE L'UE - EXISTENCE [RJ1].

19-03-04-04 1) Par dérogation à la règle générale, posée à l'article 1467 du code général des impôts (CGI), suivant laquelle les immobilisations dont un contribuable dispose pour les besoins de son activité professionnelle et dont la valeur locative est, par suite, intégrée dans les bases de sa taxe professionnelle sont, en principe, les biens placés sous son contrôle et qu'il utilise matériellement pour la réalisation des opérations qu'il effectue, la valeur locative de biens non passibles de taxe foncière donnés en location à une personne non passible de la taxe professionnelle (TP) est, en vertu du 3° de l'article 1469 du CGI, incluse dans les bases de TP de leur propriétaire, alors même que celui-ci ne les utilise pas matériellement pour les besoins de son activité de location.,,2) Si les dispositions du 3° de l'article 1469 du CGI ont notamment pour conséquence qu'une entreprise, ayant pour activité la location de biens non passibles de la taxe foncière pour une durée de plus de six mois à une entreprise qui les utilise matériellement pour ses propres activités, est tenue d'inclure dans ses propres bases de TP la valeur locative de ces biens lorsque le preneur est établi dans un autre Etat membre, alors que tel n'est pas le cas lorsque le preneur est établi en France et y est lui-même passible de la TP, une telle différence de traitement, qui a pour seul objet de modifier, pour tenir compte des règles de territorialité de la TP, le redevable légal de la cotisation due à raison de l'utilisation de ces biens pour les besoins d'une activité économique, ne constitue pas à l'égard du prestataire, qui loue un bien à un preneur établi à l'étranger qui ne supporte pas la taxe, une différence de traitement incompatible avec la libre prestation de services au sein de l'Union européenne (UE).


Références :

[RJ1]

Rappr., pour l'absence d'atteinte à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services des dispositions du 3° bis de l'article 1469 du CGI s'agissant des sous-traitants d'outillages, CE, 3 novembre 2006, Organisations professionnelle Les Fondeurs de France et autres, n°s 277322 277323 277628 277629, inédite au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2012, n° 329138
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Matthieu Schlesinger
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:329138.20121228
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