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06/12/2012 | FRANCE | N°342215

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 06 décembre 2012, 342215


Vu le pourvoi, enregistré le 5 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de la défense et des anciens combattants ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 09/02822 du 15 juin 2010 par lequel la cour régionale des pensions de Bordeaux a annulé le jugement n° 05/124 du 27 mars 2009 par lequel le tribunal départemental des pensions de la Gironde a rejeté la demande d'annulation de la décision opposant un refus à la demande de Mme E...A..., veuveB..., tendant à obtenir le versement d'un supplément de pension en sa quali

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Vu le pourvoi, enregistré le 5 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de la défense et des anciens combattants ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 09/02822 du 15 juin 2010 par lequel la cour régionale des pensions de Bordeaux a annulé le jugement n° 05/124 du 27 mars 2009 par lequel le tribunal départemental des pensions de la Gironde a rejeté la demande d'annulation de la décision opposant un refus à la demande de Mme E...A..., veuveB..., tendant à obtenir le versement d'un supplément de pension en sa qualité de mère, tutrice de l'enfant, né le 22 janvier 1980 de son union avec M. C...B..., militaire titulaire d'une pension d'invalidité, décédé le 12 avril 1985, et lui a accordé le bénéfice de l'allocation spéciale prévue par le sixième alinéa de l'article L. 54 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre à compter du 17 février 2005 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 62 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 ;

Vu la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 ;

Vu la décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Michel Thenault, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme E...A...a épousé le 5 août 1958 M C...B..., militaire de nationalité marocaine ayant servi dans l'armée française du 19 août 1950 au 18 août 1958, titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 70% ; que de cette union est né, le 22 janvier 1980, M. D...B...; qu'après le décès de son époux, le 12 avril 1985, Mme B...a bénéficié d'une pension de réversion ; qu'en qualité de tutrice de son fils atteint d'une infirmité incurable, elle a demandé le 17 février 2005 au ministre de la défense et des anciens combattants de lui attribuer un supplément de pension au titre de l'article L. 54 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; que le ministre lui a opposé un refus, confirmé par un jugement du tribunal départemental des pensions de Gironde du 27 mars 2009 ; que par un arrêt du 15 juin 2010, contre lequel le ministre se pourvoit en cassation, la cour régionale des pensions de Bordeaux a annulé ce jugement ainsi que la décision du ministre et lui a accordé le bénéfice de l'allocation spéciale prévue au paragraphe six de l'article L. 54 précité à compter du 17 février 2005, date de sa demande ;

2. Considérant que pour écarter l'application des dispositions du VI de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 et de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 qui avaient été opposées à la demande de la requérante, la cour s'est fondée sur leur contrariété aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, toutefois, par une décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, antérieure à l'arrêt attaqué, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificatives pour 2002, à l'exception de celles de son paragraphe VII ; qu'il a jugé que : " afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, l'abrogation des dispositions précitées prendra effet à compter du 1er janvier 2011 ; afin de préserver l'effet utile de la présente décision à la solution des instances actuellement en cours, il appartient, d'une part, aux juridictions de surseoir à statuer jusqu'au 1er janvier 2011 dans les instances dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et, d'autre part, au législateur de prévoir une application des nouvelles dispositions à ces instances en cours à la date de la présente décision " ; qu'en statuant sur l'appel dont elle était saisie sans attendre le 1er janvier 2011 et alors qu'aucune nouvelle disposition législative n'était applicable à l'instance en cours devant elle à la date de son arrêt, la cour a méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attache tant à la décision du 28 mai 2010 qu'aux motifs qui en constituent le support nécessaire;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense est fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 15 juin 2010 ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Bordeaux du 15 juin 2010 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour régionale des pensions de Toulouse.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de la défense et des anciens combattants et à MmeF... A..., veuveB....


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Analyses

PROCÉDURE - JUGEMENTS - CHOSE JUGÉE - CHOSE JUGÉE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL - EFFET DES DÉCLARATIONS D'INCONSTITUTIONNALITÉ - ABROGATION DIFFÉRÉE AVEC INJONCTION AUX JURIDICTIONS DE SURSEOIR À STATUER SUR LES INSTANCES EN COURS DANS LE DÉLAI LAISSÉ AU LÉGISLATEUR POUR PRÉVOIR DE NOUVELLES DISPOSITIONS - JURIDICTION ADMINISTRATIVE ÉCARTANT POUR INCONVENTIONNALITÉ LA LOI CENSURÉE AVANT L'EXPIRATION DU DÉLAI EN L'ABSENCE D'INTERVENTION DU LÉGISLATEUR - MÉCONNAISSANCE DE L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE PAR LE CONS - CONST - EXISTENCE [RJ1].

54-06-06 Décision du Conseil constitutionnel (Cons. const.) reportant l'effet de l'abrogation d'une disposition législative à une date ultérieure et imposant aux juridictions de surseoir à statuer dans l'intervalle sur les instances dont l'issue dépend de l'application de la disposition censurée afin de permettre l'intervention de nouvelles dispositions applicables à ces instances. Une juridiction administrative ne peut, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée par le Cons. const., régler un litige dont l'issue dépend de l'application de la loi censurée en écartant cette dernière pour inconventionnalité avant la date butoir fixée par la déclaration d'inconstitutionnalité et alors qu'aucune nouvelle disposition législative applicable à l'instance en cours n'est encore intervenue.

PROCÉDURE - ABROGATION DIFFÉRÉE AVEC INJONCTION AUX JURIDICTIONS DE SURSEOIR À STATUER SUR LES INSTANCES EN COURS DANS LE DÉLAI LAISSÉ AU LÉGISLATEUR POUR PRÉVOIR DE NOUVELLES DISPOSITIONS - JURIDICTION ADMINISTRATIVE ÉCARTANT POUR INCONVENTIONNALITÉ LA LOI CENSURÉE AVANT L'EXPIRATION DU DÉLAI EN L'ABSENCE D'INTERVENTION DU LÉGISLATEUR - MÉCONNAISSANCE DE L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE PAR LE CONS - CONST - EXISTENCE [RJ1].

54-10-09 Décision du Conseil constitutionnel (Cons. const.) reportant l'effet de l'abrogation d'une disposition législative à une date ultérieure et imposant aux juridictions de surseoir à statuer dans l'intervalle sur les instances dont l'issue dépend de l'application de la disposition censurée afin de permettre l'intervention de nouvelles dispositions applicables à ces instances. Une juridiction administrative ne peut, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée par le Cons. const., régler un litige dont l'issue dépend de l'application de la loi censurée en écartant cette dernière pour inconventionnalité avant la date butoir fixée par la déclaration d'inconstitutionnalité et alors qu'aucune nouvelle disposition législative applicable à l'instance en cours n'est encore intervenue.


Références :

[RJ1]

Comp., pour l'absence d'incidence d'une déclaration d'inconstitutionnalité sur une décision juridictionnelle antérieure écartant la loi pour inconventionnalité, CE, 20 juin 2012, Mme Ouarie, n° 349216, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation: CE, 06 déc. 2012, n° 342215
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Michel Thenault
Rapporteur public ?: Mme Suzanne Von Coester

Origine de la décision
Formation : 6ème / 1ère ssr
Date de la décision : 06/12/2012
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 342215
Numéro NOR : CETATEXT000027225163 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2012-12-06;342215 ?
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