Vu la requête enregistrée le 18 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par M. Driss B, demeurant au ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 6 février 2012 rapportant le décret du 20 mars 2009 ayant procédé à sa naturalisation ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Célia Verot, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Damien Botteghi, Rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal Officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou par fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B, ressortissant marocain, a déposé une demande de naturalisation le 18 décembre 2007 par laquelle il a indiqué qu'il était divorcé et s'est engagé sur l'honneur à signaler tout changement qui viendrait à survenir dans sa situation personnelle et familiale ; qu'au vu de ces déclarations, il a été naturalisé par décret du 20 mars 2009 ; que le 22 février 2010, le ministre des affaires étrangères et européennes a informé le ministre chargé des naturalisations que l'intéressé avait épousé au Maroc, le 8 août 2008, Mme C, ressortissante marocaine résidant habituellement au Maroc ; que par le décret attaqué, le Premier ministre a rapporté le décret ayant prononcé la naturalisation de M. B, au motif qu'il avait été pris au vu d'indications mensongères données par l'intéressé sur sa situation familiale ;
Considérant, en premier lieu, que le décret attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il comporte par suite une motivation qui satisfait aux exigences de l'article 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; que l'avis émis par la section de l'intérieur du Conseil d'Etat sur le projet de décret n'avait pas à être joint à l'expédition du décret attaqué ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces versées au dossier que M. B a déposé le 18 décembre 2007 à la préfecture du Gard une demande de naturalisation et s'est engagé sur l'honneur à signaler toute modification de sa situation personnelle ou familiale, en déposant un formulaire à cette fin à la préfecture de son domicile ; que si l'intéressé soutient qu'il aurait informé la préfecture du Gard de son remariage avant l'intervention du décret qui a prononcé sa naturalisation, cette allégation n'est assortie d'aucun élément de nature à l'établir ; que la lettre du 3 mars 2009 par laquelle le service central de l'état-civil relevant de la direction des Français à l'étranger et des étrangers en France du ministère des affaires étrangères et européennes lui a retourné l'exemplaire original de son acte de mariage n'est pas davantage de nature à établir qu'il aurait dûment signalé à l'administration en charge de l'instruction de sa demande de naturalisation la modification de sa situation familiale résultant de son mariage au Maroc le 8 août 2008 avec Mme C ; que l'intéressé doit ainsi être regardé comme ayant sciemment dissimulé sa situation matrimoniale avant l'intervention du décret prononçant sa naturalisation ; que par suite, en rapportant, dans le délai de deux ans à compter de la découverte de cette fraude, la naturalisation de M. B, le Premier ministre n'a pas fait une inexacte application de l'article 27-2 du code civil ;
Considérant, en troisième lieu, que le décret qui rapporte une demande de naturalisation, ne porte, par lui-même, aucune atteinte au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 6 février 2012 rapportant le décret du 20 mars 2009 en tant qu'il prononçait sa naturalisation ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Driss B et au ministre de l'intérieur.