Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Abderrahim B, demeurant au ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 23 décembre 2011 rapportant le décret du 14 septembre 2007 ayant procédé à sa naturalisation ;
2°) d'enjoindre au ministre chargé des naturalisations de lui rétablir le bénéfice de la nationalité française, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Célia Verot, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Damien Botteghi, Rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai de deux ans à compter de leur publication au Journal Officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou par fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B, ressortissant marocain, a déposé une demande de naturalisation le 3 décembre 2005 par laquelle il a indiqué qu'il était célibataire et s'est engagé sur l'honneur à signaler tout changement qui viendrait à survenir dans sa situation personnelle et familiale ; qu'au vu de ces déclarations, il a été naturalisé par décret du 14 septembre 2007 ; que, le 11 janvier 2009, le ministre des affaires étrangères et européennes a informé le ministre chargé des naturalisations que l'intéressé avait épousé au Maroc, le 27 octobre 2006, Mme C, ressortissante marocaine résidant habituellement au Maroc ; que, par le décret attaqué, le Premier ministre a rapporté le décret ayant prononcé la naturalisation de M. B au motif qu'il avait été pris au vu d'indications mensongères données par l'intéressé sur sa situation familiale ;
Considérant, en premier lieu, que le décret attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il comporte par suite une motivation qui satisfait aux exigences des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Considérant, en deuxième lieu, que si M. B soutient que son union avec Mme C, née d'un arrangement familial, célébrée devant des autorités religieuses, n'aurait aucun caractère civil, il ressort des pièces du dossier que cette union a fait l'objet d'un acte dressé le 27 octobre 2006 par deux notaires près le tribunal de première instance d'Oujda et constituait un acte de mariage opposable en France ; que ce mariage contracté le 27 octobre 2006, a constitué un changement dans la situation personnelle et familiale de l'intéressé que ce dernier aurait dû porter à la connaissance des services instruisant sa demande de naturalisation, ce qu'il n'a pas fait ; que l'intéressé, qui maîtrise la langue française, ne pouvait se méprendre sur la portée de la déclaration sur l'honneur qu'il a signée en déposant sa demande de naturalisation ; qu'il doit ainsi être regardé comme ayant sciemment dissimulé sa situation matrimoniale ; que, par suite, en rapportant dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, la naturalisation de M. B, le Premier ministre n'a pas fait une inexacte application de l'article 27-2 du code civil ;
Considérant, en troisième lieu, que le décret qui rapporte une naturalisation ne porte, par lui-même, aucune atteinte au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, enfin, que la circonstance que l'intéressé a divorcé après l'intervention du décret attaqué est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de ce décret ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 23 décembre 2011 rapportant le décret du 14 septembre 2007 en tant qu'il prononçait sa naturalisation ; que ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Abderrahim B et au ministre de l'intérieur.