La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/10/2012 | FRANCE | N°348856

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 22 octobre 2012, 348856


Vu le pourvoi, enregistré le 29 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la société Toupargel, venant aux droits de la société Agrigel, dont le siège est 13 chemin des prés secs à Civrieux-d'Azergues (69380) ; la société Toupargel demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de l'arrêt n° 10LY02421 du 22 février 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir annulé l'ordonnance n° 0908180 du 17 août 2010 du président de la IVe chambre du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande de restitution

des droits de taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittés au titre de...

Vu le pourvoi, enregistré le 29 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la société Toupargel, venant aux droits de la société Agrigel, dont le siège est 13 chemin des prés secs à Civrieux-d'Azergues (69380) ; la société Toupargel demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de l'arrêt n° 10LY02421 du 22 février 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir annulé l'ordonnance n° 0908180 du 17 août 2010 du président de la IVe chambre du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande de restitution des droits de taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittés au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, a rejeté cette demande ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à la demande qu'elle a présentée devant le tribunal administratif de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le code général des impôts et de le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,

- les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la société Toupargel,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la société Toupargel ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Toupargel, venant aux droits de la société Agrigel, a sollicité la restitution des droits de taxe sur les achats de viande que cette dernière société avait acquittés pour les années 2002 et 2003 ; que l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement de ces droits par une décision du 22 septembre 2004 en ce qui concerne l'année 2002 et par une décision du 16 septembre 2004 en ce qui concerne l'année 2003 ; que l'administration fiscale a en conséquence restitué les sommes perçues, augmentées des intérêts moratoires ; que, toutefois, l'administration a estimé s'être méprise sur la portée de la décision n° 264494 du 15 juillet 2004 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux et a informé la contribuable, par deux lettres des 12 et 15 novembre 2004, qu'elle persistait dans sa volonté de l'imposer au titre des années 2002 et 2003 ; qu'elle a adressé à cette société, sur le fondement de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, deux propositions de rectification les 10 et 20 décembre 2004 ; que les droits de taxe sur les achats de viande au titre des années 2002 et 2003, augmentés des intérêts moratoires restitués par l'administration, ont été mis en recouvrement par deux avis de mise en recouvrement du 16 octobre 2007 ; que la société Toupargel se pourvoit en cassation contre l'article 2 de l'arrêt du 22 février 2011 de la cour administrative d'appel de Lyon qui, après avoir annulé l'ordonnance du 17 août 2010 du président de la IVe chambre du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande, a rejeté sa demande de décharge ;

2. Considérant, en premier lieu, que lorsque l'administration, saisie d'une réclamation en ce sens, prononce le dégrèvement d'une imposition, sa décision a pour effet d'annuler le titre fondant le paiement de cette imposition, que ce titre résulte d'un acte de l'administration ou, si les dispositions applicables le prévoient, d'une simple déclaration du redevable ; que lorsque l'administration estime ultérieurement avoir consenti un tel dégrèvement à tort, il lui appartient, après avoir averti le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer, d'émettre un nouveau titre en vue de procéder au recouvrement des impositions qu'elle entend rétablir ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, la cour, qui a relevé que l'administration avait procédé à une telle information par deux lettres des 12 et 15 novembre 2004, a pu, sans erreur de droit, juger que la circonstance que l'administration avait suivi la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, alors même qu'elle n'était pas tenue de le faire, n'était pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure de rétablissement des taxes en litige ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'après avoir rappelé qu'il n'existait, à compter du 1er janvier 2001, aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe sur les achats de viande et le service public de l'équarrissage ni aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que la taxe sur les achats de viande n'entrait plus, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations des articles 87 et 88 du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat et qu'elle ne constituait pas une aide d'Etat ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la date du dégrèvement prononcé par l'administration fiscale : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. / Lorsque les sommes consignées à titre de garanties en application des articles L. 277 et L. 279 doivent être restituées, en totalité ou en partie, la somme à rembourser est augmentée des intérêts prévus au premier alinéa. Si le contribuable a constitué des garanties autres qu'un versement en espèces, les frais qu'il a exposés lui sont remboursés dans les limites et conditions fixées par décret. " ;

6. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales n'autorisent pas l'administration fiscale, lorsqu'elle rétablit, par une nouvelle décision, des impositions dégrevées, à exiger du contribuable la restitution des intérêts moratoires que l'Etat lui a versés à l'occasion du dégrèvement ; que, dès lors, la cour a commis une erreur de droit en jugeant, après avoir rejeté la demande de décharge des droits de taxe sur les achats de viande présentée par la société, que celle-ci devait également restituer les intérêts moratoires que l'Etat lui avait versés à l'occasion du dégrèvement ; que l'arrêt attaqué doit donc être annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la société Toupargel tendant à la décharge de la somme correspondant au montant des intérêts moratoires que l'Etat lui a versés lors du dégrèvement des droits de taxe sur des achats de viande qu'il a prononcé par des décisions des 16 et 22 septembre 2004 et dont il a mis à sa charge la restitution ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'administration ne pouvait pas, sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, demander, lors du rétablissement des impositions précédemment dégrevées, la restitution des intérêts moratoires versés par l'Etat ; qu'il suit de là que la société est fondée à demander la décharge de la somme correspondant aux intérêts moratoires dont la restitution a été mise à sa charge ;

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 22 février 2011 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la société Toupargel tendant à la décharge de la somme correspondant aux intérêts moratoires que l'Etat lui a versés lors du dégrèvement des droits de taxe sur des achats de viande qu'il a prononcé par des décisions des 16 et 22 septembre 2004 et dont la restitution a été mise à sa charge.

Article 2 : La société Toupargel est déchargée du paiement de la somme mentionnée à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société Toupargel est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Toupargel et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 348856
Date de la décision : 22/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - DÉGRÈVEMENT - REMBOURSEMENT POUR CAUSE DE DÉGRÈVEMENT - DROIT AUX INTÉRÊTS MORATOIRES (ART - L - 208 DU LPF) - RÉTABLISSEMENT DE L'IMPOSITION DÉGREVÉE PAR UNE NOUVELLE DÉCISION - EXIGIBILITÉ - PAR L'ADMINISTRATION - DE LA RESTITUTION DES INTÉRÊTS MORATOIRES - ABSENCE.

19-01-03-06 Les dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales (LPF) n'autorisent pas l'administration fiscale, lorsqu'elle rétablit, par une nouvelle décision, des impositions dégrevées, à exiger du contribuable la restitution des intérêts moratoires que l'Etat lui a versés à l'occasion du dégrèvement.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RECOUVREMENT - PAIEMENT DE L'IMPÔT - QUESTIONS DIVERSES - REMBOURSEMENT POUR CAUSE DE DÉGRÈVEMENT - DROIT AUX INTÉRÊTS MORATOIRES (ART - L - 208 DU LPF) - RÉTABLISSEMENT DE L'IMPOSITION DÉGREVÉE PAR UNE NOUVELLE DÉCISION - EXIGIBILITÉ - PAR L'ADMINISTRATION - DE LA RESTITUTION DES INTÉRÊTS MORATOIRES - ABSENCE.

19-01-05-02-03 Les dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales (LPF) n'autorisent pas l'administration fiscale, lorsqu'elle rétablit, par une nouvelle décision, des impositions dégrevées, à exiger du contribuable la restitution des intérêts moratoires que l'Etat lui a versés à l'occasion du dégrèvement.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - DIVERS - REMBOURSEMENT POUR CAUSE DE DÉGRÈVEMENT - DROIT AUX INTÉRÊTS MORATOIRES (ART - L - 208 DU LPF) - RÉTABLISSEMENT DE L'IMPOSITION DÉGREVÉE PAR UNE NOUVELLE DÉCISION - EXIGIBILITÉ - PAR L'ADMINISTRATION - DE LA RESTITUTION DES INTÉRÊTS MORATOIRES - ABSENCE.

19-01-06 Les dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales (LPF) n'autorisent pas l'administration fiscale, lorsqu'elle rétablit, par une nouvelle décision, des impositions dégrevées, à exiger du contribuable la restitution des intérêts moratoires que l'Etat lui a versés à l'occasion du dégrèvement.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 oct. 2012, n° 348856
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Matthieu Schlesinger
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:348856.20121022
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award