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22/10/2012 | FRANCE | N°327363

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 22 octobre 2012, 327363


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 avril et 23 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société SNDA-Touzalin, dont le siège est ZI République III, 2, rue Louis Proust BP 1112 à Poitiers Cedex (86061) ; la société SNDA-Touzalin demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07BX00593 du 26 février 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 18 janvier 2007 du tribunal administratif de Poitiers rejetant

sa demande tendant à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajou...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 avril et 23 juillet 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société SNDA-Touzalin, dont le siège est ZI République III, 2, rue Louis Proust BP 1112 à Poitiers Cedex (86061) ; la société SNDA-Touzalin demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07BX00593 du 26 février 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 18 janvier 2007 du tribunal administratif de Poitiers rejetant sa demande tendant à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, d'autre part, à la décharge des impositions contestées ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Berriat, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société SNDA-Touzalin,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société SNDA-Touzalin ;

1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause la déduction par la société SNDA-Touzalin, concessionnaire automobile, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat de véhicules de démonstration et de véhicules de prêt, ainsi que la taxe ayant grevé les dépenses d'entretien, de réparation et d'équipement de ces véhicules ; que pour rejeter la requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Poitiers rejetant la demande de la société tendant à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés pour l'achat de ces véhicules, la cour a substitué aux dispositions de l'article 237 de l'annexe II du code général des impôts qui ne s'appliquait qu'aux véhicules de démonstration, les dispositions relatives à la " livraison à soi même " au sens du b du 1 du 8° de l'article 257 du code général des impôts, dont elle a estimé qu'elles pouvaient s'appliquer aux deux catégories de véhicules ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 257, 8°, b du code général des impôts : " Sont (...) soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : b) l'affectation par un assujetti aux besoins de son entreprise d'un bien produit, construit, extrait, transformé, acheté, importé ou ayant fait l'objet d'une acquisition intracommunautaire dans le cadre de son entreprise lorsque l'acquisition d'un tel bien auprès d'un autre assujetti, réputée faite au moment de l'affectation, ne lui ouvrirait pas droit à déduction complète parce que le droit à déduction de la taxe afférente au bien fait l'objet d'une exclusion ou d'une limitation ou peut faire l'objet d'une régularisation " ; que la cour a déduit de ces dispositions que lorsque le concessionnaire prélève sur son stock destiné à la vente à l'état neuf des véhicules qu'il affecte à un usage de démonstration ou de prêt, il est tenu de constater une livraison à soi-même, ce qui a pour effet en principe d'obliger l'entreprise à reverser la taxe sur la valeur ajoutée, si, comme en l'espèce, elle a été déduite au moment de l'achat ; que, conformément au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, ces dispositions ont pour objet de faire obstacle à ce qu'un assujetti qui a déduit la taxe sur la valeur ajoutée sur un bien, au moment de l'achat de celui-ci, échappe au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, s'il affecte ce bien à des besoins internes à l'entreprise ; que par suite, en estimant que l'affectation de ces véhicules au prêt ou à la démonstration était une opération de livraison à soi même, qu'ils doivent ou non être regardés comme des immobilisations, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit ou d'inexacte qualification juridique des faits ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 261 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 3. (Biens usagers. Déchets neufs d'industrie et matières de récupération) : 1° a. sous réserve le cas échéant, des dispositions des 13° et 15° de l'article 257, les ventes de biens usagers faites par les personnes qui les ont utilisés pour les besoins de leur exploitation " ; qu'aux termes de l'article 241 de l'annexe II du même code : " Les services de toute nature afférents à ces biens, produits ou marchandises exclus du droit à déduction n'ouvrent pas droit à déduction " ; que pour estimer que l'administration fiscale était fondée à s'opposer à ce que la société déduise la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses d'équipement des véhicules de démonstration ou de prêt qui ont été revendus, la cour a relevé que ces dépenses ne sont qu'accessoires à la vente de ces véhicules et se rattachent à une opération elle-même exonérée sur le fondement du a du 1° du 3 de l'article 261 ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par l'article 26 bis de la directive 77/138 du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, modifiée, qui définit les biens d'occasion comme " des biens meubles corporels susceptibles de remploi en l'état ou après réparation, autres que des objets d'art ou d'antiquité " que les véhicules de démonstration ou de prêt appartenant à un concessionnaire automobile peuvent recevoir la qualification de biens d'occasion dans la stricte mesure où ces biens ont été utilisés par l'entreprise et sont susceptibles de l'être à nouveau après leur revente ; que, par suite, en retenant cette qualification et en faisant application aux dépenses d'équipement des véhicules en cause des dispositions combinées du a du 1° du 3 de l'article 261 et de l'article 241 de l'annexe II, sans examiner si eu égard à la durée de conservation de ces biens par l'entreprise, elles ne pourraient être rangées parmi les immobilisations, la cour n'a pas commis d'erreur de droit, nonobstant le fait que la société ait en l'espèce déduit la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat de véhicules de démonstration et de véhicules de prêt ;

5. Considérant, toutefois, que pour estimer que la société ne pouvait se prévaloir de l'instruction 3-D-6-86, complétée par une instruction 3 D-10-86 du 12 septembre 1986, par laquelle l'administration a admis que les concessionnaires qui ont déduit la taxe lors de l'acquisition du véhicule ne la reversent pas lorsque le véhicule est affecté à la démonstration dès lors que lors de la revente, la taxe est acquittée sur la totalité du prix de vente, la cour a relevé que cette instruction ne visait pas les véhicules de démonstration ayant le caractère d'immobilisation ; que pour déterminer si les véhicules de démonstration en cause relevaient de la catégorie des immobilisations et ne pouvaient donc entrer dans le champ d'application de cette doctrine administrative, la cour a retenu le seuil de durée de conservation des véhicules dans l'entreprise au-delà d'un an ; qu'en retenant un critère de cette nature alors que les concessionnaires peuvent selon les termes de l'instruction déduire la taxe sur la valeur ajoutée sur l'achat des véhicules dès leur acquisition, sans avoir à la reverser, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que, dès lors, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens relatifs à l'application de la doctrine administrative, la société SNDA-Touzalin n'est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué qu'en tant qu'il a statué sur les conclusions relatives aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur les véhicules de démonstration et sur les frais d'entretien, de réparation et d'équipement de ces véhicules ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société SNDA-Touzalin de la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt en date du 26 février 2009 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé en tant qu'il a statué sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée assignés à la société SNDA-Touzalin sur les véhicules de démonstration et sur les frais d'entretien, de réparation et d'équipement de ces véhicules.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la société SNDA-Touzalin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société SNDA-Touzalin est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société SNDA Touzalin et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 327363
Date de la décision : 22/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - RÈGLES APPLICABLES - FISCALITÉ - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - EXONÉRATION DES VENTES DE BIENS USAGÉS (ART - 261 - 3 - 1° A DU CGI - ÉCLAIRÉ PAR L'ART - 26 BIS DE LA DIRECTIVE 77/138/CEE) - NOTION DE BIEN D'OCCASION - BIEN UTILISÉ PAR L'ENTREPRISE ET SUSCEPTIBLE DE L'ÊTRE À NOUVEAU APRÈS SA REVENTE - CIRCONSTANCE QUE SA DURÉE DE CONSERVATION PAR L'ENTREPRISE PERMETTE OU NON DE LE RANGER PARMI LES IMMOBILISATIONS - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE [RJ1].

15-05-11-01 L'article 261 du code général des impôts (CGI) prévoit que : Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (…) 3. (Biens usagers. Déchets neufs d'industrie et matières de récupération) : 1° a. sous réserve le cas échéant, des dispositions des 13° et 15° de l'article 257, les ventes de biens usagés faites par les personnes qui les ont utilisés pour les besoins de leur exploitation . Il résulte de ces dispositions, éclairées par l'article 26 bis de la directive 77/138/CEE du 17 mai 1977, qui définit les biens d'occasion comme des biens meubles corporels susceptibles de remploi en l'état ou après réparation, autres que des objets d'art ou d'antiquité, qu'un bien meuble corporel tel qu'un véhicule de démonstration ou de prêt appartenant à un concessionnaire automobile peut recevoir la qualification de bien d'occasion relevant du régime prévu par ces dispositions dans la mesure où ce bien a été utilisé par l'entreprise et est susceptible de l'être à nouveau après sa revente, sans qu'ait d'incidence sur cette qualification la circonstance que sa durée de conservation par l'entreprise permette ou non de le ranger parmi les immobilisations.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - EXEMPTIONS ET EXONÉRATIONS - EXONÉRATION DES VENTES DE BIENS USAGÉS (ART - 261 - 3 - 1° A DU CGI) - NOTION DE BIEN D'OCCASION - BIEN UTILISÉ PAR L'ENTREPRISE ET SUSCEPTIBLE DE L'ÊTRE À NOUVEAU APRÈS SA REVENTE - CIRCONSTANCE QUE SA DURÉE DE CONSERVATION PAR L'ENTREPRISE PERMETTE OU NON DE LE RANGER PARMI LES IMMOBILISATIONS - CIRCONSTANCE SANS INCIDENCE [RJ1].

19-06-02-02 L'article 261 du code général des impôts (CGI) prévoit que : Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (…) 3. (Biens usagers. Déchets neufs d'industrie et matières de récupération) : 1° a. sous réserve le cas échéant, des dispositions des 13° et 15° de l'article 257, les ventes de biens usagés faites par les personnes qui les ont utilisés pour les besoins de leur exploitation . Il résulte de ces dispositions, éclairées par l'article 26 bis de la directive 77/138/CEE du 17 mai 1977, qui définit les biens d'occasion comme des biens meubles corporels susceptibles de remploi en l'état ou après réparation, autres que des objets d'art ou d'antiquité, qu'un bien meuble corporel tel qu'un véhicule de démonstration ou de prêt appartenant à un concessionnaire automobile peut recevoir la qualification de bien d'occasion relevant du régime prévu par ces dispositions dans la mesure où ce bien a été utilisé par l'entreprise et est susceptible de l'être à nouveau après sa revente, sans qu'ait d'incidence sur cette qualification la circonstance que sa durée de conservation par l'entreprise permette ou non de le ranger parmi les immobilisations.


Références :

[RJ1]

Rappr., pour l'état antérieur de la jurisprudence exigeant que le bien puisse être regardé comme un élément durable d'exploitation et faisant de l'immobilisation un critère pour le bénéfice de l'exonération, CE, Plénière fiscale, 25 novembre 1981, Société anonyme des eaux minérales de Ribeauvillé, n° 11930, p. 449 ;

CE, 7 octobre 1985, S.A. Solidiam, n° 52012, p. 273 ;

CE, 4 décembre 1985, Ministre des finances c/ S.A. Le Mans Auto 24, n° 63962, T. p. 611 ;

CE, 10 juin 1998, Ministre de l'économie et des finances c/ S.A. garage Charpentier, n° 167972, inédite au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 oct. 2012, n° 327363
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne Berriat
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:327363.20121022
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