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22/10/2012 | FRANCE | N°325466

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 22 octobre 2012, 325466


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 février et 28 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme B...A..., demeurant...; M. et Mme A... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07BX01174 du 23 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement du 26 avril 2007 du tribunal administratif de Pau rejetant leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont é

té assujettis au titre des années 2001 et 2002, ainsi que des pénalités ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 février et 28 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme B...A..., demeurant...; M. et Mme A... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07BX01174 du 23 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement du 26 avril 2007 du tribunal administratif de Pau rejetant leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2001 et 2002, ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur requête d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Odent Poulet, avocat de M. et MmeA...,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Odent, Poulet, avocat de M. et Mme A...;

1. Considérant que l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige, dispose : " 1. Sous réserve de l'exonération prévue au 22° de l'article 81, constitue une rémunération imposable toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail, à l'exception des indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan social au sens des articles L. 321-4 et L. 321-4-1 du code du travail, des indemnités mentionnées à l'article L. 122-14-4 du même code ainsi que de la fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite qui n'excède pas le montant prévu par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi. (...) / 2. Constitue également une rémunération imposable toute indemnité versée, à l'occasion de la cessation de leurs fonctions, aux mandataires sociaux, dirigeants et personnes visés à l'article 80 ter. Toutefois, en cas de cessation forcée de leurs fonctions, notamment de révocation, seule la fraction des indemnités qui excède les montants définis au deuxième alinéa du 1 est imposable " ; que l'article 81 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose : " Sont affranchis de l'impôt : / (...) 22° Les indemnités de départ en retraite, prévues au premier alinéa de l'article L. 122-14-13 du code du travail, dans la limite de 3 050 euros " ; qu'aux termes de cet article L. 122-14-13, ces indemnités sont versées à " tout salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier du droit à une pension de vieillesse " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A...ont exercé les fonctions, respectivement de président directeur général et de directeur général de la société anonyme Gibil dont ils détenaient ensemble 99,8 % du capital à parts égales, jusqu'au 30 septembre 2003, date à laquelle l'entreprise a fait l'objet d'une reprise par ses salariés ; qu'ils étaient aussi salariés de la société, respectivement en qualité de directeur technique et de directeur ; que leurs contrats de travail ont pris fin respectivement en 2001 et 2002, aux dates de leur départ en retraite ; qu'à l'occasion de leurs départs, M. et Mme A...ont perçu des indemnités ; que l'administration fiscale, ayant constaté à l'issue d'un contrôle sur pièces que ces indemnités n'avaient pas été assujetties à l'impôt sur le revenu, les a réintégrées dans leurs traitements et salaires imposables, sous déduction de l'abattement prévu par le 22° de l'article 81 du code général des impôts, au titre des années correspondantes ;

3. Considérant que, pour rejeter la requête de M. et Mme A...dirigée contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2001 et 2002, ainsi que des pénalités dont elles ont été assorties, la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est fondée sur les dispositions du 2 de l'article 80 duodecies du code général des impôts, citées plus haut, après avoir jugé que leurs départs de la société n'avait pas revêtu de caractère forcé ; qu'il est cependant constant que les indemnités dont il s'agit ont été perçues à l'occasion de la rupture de leurs contrats de travail et non de la cessation de leurs fonctions de dirigeants ; qu'elles entrent, dès lors, dans le champ des dispositions également citées plus haut du 1 de l'article 80 duodecies, alors même que les intéressés étaient aussi mandataires sociaux ; que la cour administrative d'appel a par suite commis une erreur de droit et que son arrêt doit, pour ce motif, être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que c'est à tort que l'administration fiscale a imposé les indemnités versées par la société Gipil à M. et Mme A... sur le fondement du 2 de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans le champ duquel ces indemnités n'entrent pas ; que, toutefois, l'administration peut, à tout moment de la procédure contentieuse y compris pour la première fois en appel, invoquer tout moyen nouveau propre à donner un fondement légal à une imposition contestée devant le juge de l'impôt, à la condition qu'elle ne prive pas le contribuable des garanties de procédure prévues par la loi ; qu'en l'espèce, M. et Mme A...ne sont privés d'aucune garantie ; que, par suite, il y a lieu d'examiner la demande de substitution de base légale présentée par le ministre ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des termes des lettres signées respectivement par Mme A...à l'adresse de M. A...puis par M. A...à l'adresse de Mme A...pour signifier à chacun d'eux, au nom de la société Gipil, sa mise à la retraite, que cette dernière s'est insérée dans un dispositif ordonné de transmission de leur entreprise, dont ils sont demeurés mandataires sociaux après la rupture de leurs contrats de travail et dont ils possédaient la quasi-totalité du capital, à des repreneurs qu'ils ont choisi parmi les salariés de l'entreprise qu'ils avaient eux-mêmes recrutés ; que la cessation des contrats de travail de M. et Mme A...résulte par suite d'une initiative de leur employeur ; qu'en l'espèce, l'administration fiscale n'établit pas que ces actes auraient une autre portée ; qu' il ne ressort pas de l'instruction que la circonstance que M. et Mme A...aient été à la fois les représentants de l'employeur en tant que mandataires sociaux et objets de la mesure de mise à la retraite suffirait à établir que cette mise à la retraite n'aurait pas été décidée en vue des intérêts de l'entreprise, dont il n'est pas contesté qu'elle en a retiré bénéfice, en répartissant les fonctions exercées auparavant par M. et Mme A...entre plusieurs autres salariés sans remplacer les intéressés dans les emplois qu'ils occupaient ; que, dès lors, les indemnités qu'ils ont perçues à l'occasion de leurs départs ne constituent une rémunération imposable, au sens et pour l'application des dispositions du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts, qu'à l'exception de la fraction qui n'excède pas le montant défini par les dispositions législatives citées plus haut ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'accueillir la substitution de base légale présentée par le ministre, qui ne soutient pas que l'une ou l'autre des indemnités dont il s'agit excèderait ce montant ; que M. et Mme A...sont donc fondés à demander la décharge des impositions supplémentaires en litige ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros demandée par M. et Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 23 décembre 2008 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : Les bases de l'impôt sur le revenu assigné à M. et Mme A...au titre des années 2001 et 2002 sont réduites des montants des indemnités perçues à l'occasion de la rupture de leurs contrats de travail et réintégrées par l'administration fiscale.

Article 3 : M. et Mme A...sont déchargés des droits et pénalités correspondant à cette réduction des bases d'imposition.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 26 avril 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera à M. et Mme A...la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 325466
Date de la décision : 22/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LE REVENU - DÉTERMINATION DU REVENU IMPOSABLE - INDEMNITÉS DE MISE À LA RETRAITE - EXONÉRATION PARTIELLE PLAFONNÉE (ART - 80 DUODECIES DU CGI) - CHAMP D'APPLICATION - MISE À LA RETRAITE RÉSULTANT D'UNE INITIATIVE DE L'EMPLOYEUR - SEULE CIRCONSTANCE QUE LE CONTRIBUABLE AIT PAR AILLEURS ÉTÉ ÉGALEMENT MANDATAIRE SOCIAL - INCIDENCE - ABSENCE.

19-04-01-02-03 En vertu du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts (CGI) : « sous réserve de l'exonération prévue au 22° de l'article 81 (en faveur des indemnités de départ en retraite versées à tout salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier du droit à une pension de vieillesse, dans la limite de 3 050 euros), constitue une rémunération imposable toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail, à l'exception (...) de la fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite qui n'excède pas le montant prévu par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi (...) ». Pour ouvrir droit au bénéfice de l'exonération prévue par le 1 de l'article 80 duodecies pour la fraction de l'indemnité de mise à la retraite ainsi déterminée, la cessation du contrat de travail de l'intéressé par mise à la retraite doit résulter d'une initiative de l'employeur. La seule circonstance que l'intéressé ait été à la fois représentant de l'employeur en tant que mandataire social et objet de la mesure de mise à la retraite ne suffit pas à établir que cette mise à la retraite n'aurait pas été décidée en vue des intérêts de l'entreprise.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - TRAITEMENTS - SALAIRES ET RENTES VIAGÈRES - INDEMNITÉS DE MISE À LA RETRAITE - EXONÉRATION PARTIELLE PLAFONNÉE (ART - 80 DUODECIES DU CGI) - CHAMP D'APPLICATION - MISE À LA RETRAITE RÉSULTANT D'UNE INITIATIVE DE L'EMPLOYEUR - SEULE CIRCONSTANCE QUE LE CONTRIBUABLE AIT PAR AILLEURS ÉTÉ ÉGALEMENT MANDATAIRE SOCIAL - INCIDENCE - ABSENCE.

19-04-02-07 En vertu du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts (CGI) : « sous réserve de l'exonération prévue au 22° de l'article 81 (en faveur des indemnités de départ en retraite versées à tout salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier du droit à une pension de vieillesse, dans la limite de 3 050 euros), constitue une rémunération imposable toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail, à l'exception (...) de la fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite qui n'excède pas le montant prévu par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi (...) ». Pour ouvrir droit au bénéfice de l'exonération prévue par le 1 de l'article 80 duodecies pour la fraction de l'indemnité de mise à la retraite ainsi déterminée, la cessation du contrat de travail de l'intéressé par mise à la retraite doit résulter d'une initiative de l'employeur. La seule circonstance que l'intéressé ait été à la fois représentant de l'employeur en tant que mandataire social et objet de la mesure de mise à la retraite ne suffit pas à établir que cette mise à la retraite n'aurait pas été décidée en vue des intérêts de l'entreprise.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 oct. 2012, n° 325466
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Claude Hassan
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:325466.20121022
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