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22/10/2012 | FRANCE | N°325215

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 22 octobre 2012, 325215


Vu le pourvoi, enregistré le 13 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) de réformer l'arrêt n° 06MA00002 du 18 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille déchargeant partiellement la société Servilink, devenue Seamobile Europe, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titr

e de la période du 1er janvier au 31 décembre 1996 et des pénalités d...

Vu le pourvoi, enregistré le 13 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) de réformer l'arrêt n° 06MA00002 du 18 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille déchargeant partiellement la société Servilink, devenue Seamobile Europe, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1996 et des pénalités dont ils ont été assortis ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la société Seamobile Europe,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la Société seamobile Europe ;

1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a notifié à la société Servilink, devenue Geolink puis Seamobile Europe, des rappels en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1996 au 30 juin 1997, assortis des intérêts de retard et des pénalités de l'article 1788 septies du code général des impôts ; que, par un jugement du 12 septembre 2005, le tribunal administratif de Marseille a déchargé la société de celles de ces impositions relatives à la période du 1er janvier au 31 décembre 1996 et rejeté le surplus des conclusions de la demande ; que, sur appel principal du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et sur appel incident de la société, la cour administrative d'appel de Marseille, par un arrêt du 18 décembre 2008, a confirmé ce jugement ; que le ministre se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a confirmé la décharge prononcée par le tribunal des suppléments d'impositions, intérêts et pénalités relatifs à la période du 1er janvier au 31 décembre 1996 ;

2. Considérant que, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1996, la société Servilink, qui exerçait une activité de prestations de services dans le domaine des télécommunications, était, en application des dispositions de l'article 259 du code général des impôts, redevable en France de la taxe sur la valeur ajoutée sur l'ensemble de ses prestations ; qu'en application des dispositions du c) du 2 de l'article 269 du même code, la taxe sur la valeur ajoutée est exigible, pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix et de la rémunération du service ou de la prestation ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour mettre à la charge de la société Seamobile Europe des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1996, le vérificateur, qui n'a pas remis en cause la comptabilité de la société dont il a admis le caractère régulier, sincère et probant, a reconstitué les sommes encaissées par la société à partir du chiffre d'affaires comptabilisé corrigé des variations des comptes clients et assimilés entre l'ouverture et la clôture de cette période ; qu'il a ensuite comparé le montant ainsi reconstitué à celui déclaré en matière de taxe sur la valeur ajouté et calculé les rappels de taxe sur la différence entre ces deux montants ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant que la méthode suivie par l'administration avait conduit à des résultats nécessairement moins précis que ceux qui auraient été obtenus en se fondant sur les encaissements effectivement réalisés par la société contribuable, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt, s'est livrée, sans les dénaturer, à une appréciation souveraine des faits insusceptible d'être discutée en cassation ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'en l'absence de remise en cause du caractère régulier, sincère et probant de la comptabilité, l'administration fiscale ne peut, pour apporter la preuve qui lui incombe de ce que la société n'aurait pas déclaré la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'ensemble des recettes encaissées, recourir à une méthode d'évaluation moins précise que les écritures comptabilisées ; qu'il lui est en revanche loisible de procéder à des tests de cohérence des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée en les rapprochant d'autres éléments tirés de la comptabilité de la société, tels les soldes des comptes de produits et ceux des comptes des clients, corrigés de leurs variations entre l'ouverture et la clôture de la période considérée ; que, par suite, en jugeant que, du fait de l'absence de remise en cause du caractère régulier, sincère et probant de la comptabilité, l'administration ne pouvait pas, pour reconstituer le montant des recettes encaissées, utiliser une méthode qui conduit à des résultats nécessairement moins précis que ceux qui auraient été obtenus en se fondant sur les encaissements effectivement réalisés par la contribuable, la cour administrative d'appel, qui n'a pas subordonné la régularité des redressements opérés en matière de taxe sur la valeur ajoutée au rejet préalable de la comptabilité, n'a pas commis d'erreur de droit ;

5. Considérant, en dernier lieu, que lorsque le contribuable n'est pas en situation d'imposition d'office et qu'il peut se prévaloir d'une comptabilité régulière, sincère et probante, la charge de la preuve du caractère insuffisant des déclarations du contribuable pèse sur l'administration ; qu'une méthode susceptible de révéler l'existence d'anomalies dans les déclarations de la société contribuable, ne saurait apporter, faute d'établir que la source des écarts ainsi révélés résulte d'une dissimulation de recettes et non de pratiques commerciales régulières pouvant les expliquer, la preuve que les écarts ainsi relevés doivent faire l'objet de rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; que le recours exclusif à une telle méthode aux résultats imprécis pour fonder les impositions supplémentaires en litige, comme en l'espèce, ne peut qu'entraîner la décharge des impositions supplémentaires mises sur ce seul fondement à la charge du contribuable ; qu'ainsi, en prononçant la décharge des impositions supplémentaires mises à la charge de la société, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ni méconnu son office ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que son pourvoi doit, par suite, être rejeté ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Seamobile Europe de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Seamobile Europe une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la société Seamobile Europe.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 325215
Date de la décision : 22/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - CONTRÔLE FISCAL - VÉRIFICATION DE COMPTABILITÉ - POUVOIRS DE L'ADMINISTRATION - INSUFFISANCES DE DÉCLARATION DE TVA - MODALITÉS DE PREUVE PAR L'ADMINISTRATION - EN L'ABSENCE DE REMISE EN CAUSE DU CARACTÈRE RÉGULIER - SINCÈRE ET PROBANT DE LA COMPTABILITÉ - POSSIBILITÉ DE RECOURIR À UNE MÉTHODE D'ÉVALUATION MOINS PRÉCISE QUE LES ÉCRITURES COMPTABILISÉES - ABSENCE - POSSIBILITÉ DE PROCÉDER À DES TESTS DE COHÉRENCE DES DÉCLARATIONS DE TVA EN LES RAPPROCHANT D'AUTRES ÉLÉMENTS TIRÉS DE LA COMPTABILITÉ DE LA SOCIÉTÉ - EXISTENCE.

19-01-03-01-02-05 En l'absence de remise en cause du caractère régulier, sincère et probant de la comptabilité de la société, l'administration fiscale ne peut, pour apporter la preuve qui lui incombe de ce que celle-ci n'aurait pas déclaré la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) grevant l'ensemble des recettes encaissées, recourir à une méthode d'évaluation moins précise que les écritures comptabilisées. En particulier, le recours exclusif à une méthode susceptible de révéler l'existence d'anomalies dans les déclarations de la société contribuable ne saurait apporter, faute d'établir que la source des écarts ainsi révélés résulte d'une dissimulation de recettes et non de pratiques commerciales régulières pouvant les expliquer, la preuve que les écarts ainsi relevés doivent faire l'objet de rappels de taxe. Il est en revanche loisible à l'administration de procéder à des tests de cohérence des déclarations de TVA en les rapprochant d'autres éléments tirés de la comptabilité de la société, tels les soldes des comptes de produits et ceux des comptes des clients, corrigés de leurs variations entre l'ouverture et la clôture de la période considérée.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - PROCÉDURE DE TAXATION - PROCÉDURE DE RECTIFICATION (OU REDRESSEMENT) - INSUFFISANCES DE DÉCLARATION - MODALITÉS DE PREUVE PAR L'ADMINISTRATION - EN L'ABSENCE DE REMISE EN CAUSE DU CARACTÈRE RÉGULIER - SINCÈRE ET PROBANT DE LA COMPTABILITÉ - POSSIBILITÉ DE RECOURIR À UNE MÉTHODE D'ÉVALUATION MOINS PRÉCISE QUE LES ÉCRITURES COMPTABILISÉES - ABSENCE - POSSIBILITÉ DE PROCÉDER À DES TESTS DE COHÉRENCE DES DÉCLARATIONS DE TVA EN LES RAPPROCHANT D'AUTRES ÉLÉMENTS TIRÉS DE LA COMPTABILITÉ DE LA SOCIÉTÉ - EXISTENCE.

19-06-02-07-03 En l'absence de remise en cause du caractère régulier, sincère et probant de la comptabilité de la société, l'administration fiscale ne peut, pour apporter la preuve qui lui incombe de ce que celle-ci n'aurait pas déclaré la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) grevant l'ensemble des recettes encaissées, recourir à une méthode d'évaluation moins précise que les écritures comptabilisées. En particulier, le recours exclusif à une méthode susceptible de révéler l'existence d'anomalies dans les déclarations de la société contribuable ne saurait apporter, faute d'établir que la source des écarts ainsi révélés résulte d'une dissimulation de recettes et non de pratiques commerciales régulières pouvant les expliquer, la preuve que les écarts ainsi relevés doivent faire l'objet de rappels de taxe. Il est en revanche loisible à l'administration de procéder à des tests de cohérence des déclarations de TVA en les rapprochant d'autres éléments tirés de la comptabilité de la société, tels les soldes des comptes de produits et ceux des comptes des clients, corrigés de leurs variations entre l'ouverture et la clôture de la période considérée.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 oct. 2012, n° 325215
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Claude Hassan
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:325215.20121022
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