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22/10/2012 | FRANCE | N°323687

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 22 octobre 2012, 323687


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 décembre 2008 et 30 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Mettler Toledo Holding, dont le siège est 18-20, avenue de la Pépinière à Viroflay (78220) ; la société Mettler Toledo Holding demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08DA00008 du 28 octobre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 11 octobre 2007 du tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendan

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 décembre 2008 et 30 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Mettler Toledo Holding, dont le siège est 18-20, avenue de la Pépinière à Viroflay (78220) ; la société Mettler Toledo Holding demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08DA00008 du 28 octobre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 11 octobre 2007 du tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 1999 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de commerce, notamment son article L. 123-13 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Mettler Toledo Holding,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Mettler Toledo Holding ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par acte du 7 mai 1999, la société anonyme Testut SA a cédé son fonds de commerce à la société NS Mettler Toledo, devenue la société NS Testut ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la société NS Testut, filiale du groupe intégré dont la société Mettler Toledo Holding est la société mère, l'administration fiscale a notifié à cette société un redressement de son résultat imposable pour l'exercice 1999 faisant suite à des rectifications d'écritures relatives à des provisions portant sur des engagements de retraite ainsi que sur des dépréciations de prêts à la construction et de stocks de pièces détachées ; que la société Mettler Toledo Holding se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 octobre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, confirmant le jugement du tribunal administratif de Lille du 11 octobre 2007, a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 1999 ;

2. Considérant, en premier lieu, que, pour demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille du 11 octobre 2007, la société requérante soutenait que la société NS Testut s'était bornée à constater, dans un compte de provision, la dépréciation, qu'avait opérée la société cédante, de la valeur nominale de prêts à la construction consentis au personnel en raison de l'absence d'intérêts à percevoir jusqu'au remboursement de ces prêts, sans que cette inscription au passif de son bilan puisse avoir une incidence sur le résultat de la société NS Testut, étant donné que celle-ci n'avait pas déduit de provision supplémentaire ; qu'en relevant que la société Mettler Toledo Holding ne faisait état d'aucune circonstance rendant probable la réalisation de ces prêts à une valeur inférieure à leur valeur nominale, faute de quoi une provision ne pouvait être valablement constituée, la cour n'a pas entaché son arrêt de défaut de réponse à moyen ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) / 5° (...) Toutefois, ne sont pas déductibles les provisions que constitue une entreprise en vue de faire face au versement d'allocations en raison du départ à la retraite ou préretraite des membres ou anciens membres de son personnel, ou de ses mandataires sociaux. (...) " ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 123-13 du code du commerce : " Le montant des engagements de l'entreprise en matière de pension, de compléments de retraite, d'indemnités et d'allocations en raison du départ à la retraite ou avantages similaires des membres ou associés de son personnel et de ses mandataires sociaux est indiqué dans l'annexe. Par ailleurs, les entreprises peuvent décider d'inscrire au bilan, sous forme de provision, le montant correspondant à tout ou partie de ces engagements. " ; qu'il résulte de ces dispositions que si, en application de l'article 39 du code général des impôts, les entreprises ne sont pas autorisées à déduire les provisions pour versement d'allocations de retraite de leur bénéfice imposable, les règles comptables instaurées par l'article L. 123-13 du code de commerce leur donnent la faculté d'inscrire de telles provisions dans leurs comptes ; que dès lors, en relevant dans l'arrêt attaqué que " la constitution d'une provision pour versement d'allocations de retraite est interdite par l'effet même des dispositions légales précitées du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts " et que " la somme de 2 933 000 francs ne pouvait être comptabilisée au passif du bilan de la société NS Testut ", sans distinguer les obligations résultant des règles fiscales, qui ne régissent en la matière que la déductibilité, de celles résultant des règles comptables auxquelles sont soumises les sociétés commerciales, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, la société Mettler Toledo Holding est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la prise en compte de la provision pour versement d'allocations de retraite ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en application de l'acte de cession du 7 mai 1999, le prix de cession des éléments corporels et incorporels du fonds de commerce de la société Testut SA, évalué à la somme de 4 686 922 francs, a été réglé par le versement d'une somme de seulement 1 753 922 francs, dégageant un solde positif de 2 933 000 francs au profit de la société NS Testut ; que cette dernière s'est en contrepartie engagée à verser des allocations de retraite pour un montant égal en faveur du personnel qu'elle avait repris de la société Testut ; qu'en application des dispositions citées plus haut du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, une provision correspondant à ces engagements ne pouvait être déduite du résultat fiscal ; que la société NS Testut ne pouvait ni se prévaloir de ce qu'elle n'a pas provisionné en dotation la somme litigieuse sur le compte de charges, ni soutenir que la méthode de détermination du résultat fiscal par variation de l'actif net aurait abouti à un résultat différent au regard du 5° du 1 de l'article 39, dès lors que la société a déduit la somme litigieuse de son bénéfice imposable ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a rehaussé d'un montant de 2 933 000 francs le bénéfice de la société NS Testut soumis à l'impôt sur les sociétés ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration fiscale a procédé à ce redressement sur le seul fondement des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts, sans remettre en question la valeur réelle du fonds de commerce repris par la société NS Testut ; que, par suite, la société Mettler Toledo Holding n'est pas fondée à soutenir que l'administration a procédé à une substitution de base légale qui l'aurait privée de la garantie de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande présentée aux premiers juges, que la société Mettler Toledo Holding n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt, en tant qu'il a statué sur les conclusions relatives à la réintégration de la provision pour versement d'allocations de retraite inscrite dans les comptes de l'exercice 1999 de la société NS Mettler Toledo ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que la société Mettler Toledo Holding demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 28 octobre 2008 est annulé, en tant qu'il statue sur la prise en compte de la provision pour versement d'allocations de retraite.

Article 2 : Le surplus des conclusions d'appel de la société Mettler Toledo Holding, ainsi que ses conclusions devant le Conseil d'Etat tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Mettler Toledo Holding et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 323687
Date de la décision : 22/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 oct. 2012, n° 323687
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Thierry Tuot
Rapporteur ?: M. Jean-Claude Hassan
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:323687.20121022
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