Vu la requête, enregistrée le 13 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société SYNGENTA SEEDS SAS, représentée par son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social, 12 chemin de l'Hobit à Saint-Sauveur (31790) ; la société demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 24 juillet 2012 du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt relatif à l'interdiction d'utilisation et de mise sur le marché pour utilisation sur le territoire national des semences de crucifères oléagineuses traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active thiamethoxam ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que la décision litigieuse porte une atteinte grave et immédiate à l'intérêt public qui s'attache à l'économie agricole et à la préservation de l'environnement, à sa situation financière ainsi qu'à celle des agriculteurs français utilisant le produit insecticide Cruiser ;
- le ministre n'établit pas l'urgence qui s'attacherait à l'interdiction de l'utilisation des semences traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant du thiamethoxam ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- l'arrêté litigieux est entaché d'incompétence faute d'avoir été signé conjointement par les ministres chargés de la santé, de l'environnement et de la consommation ;
- en l'absence de consultation préalable de l'Agence nationale de sécurité alimentaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), l'arrêté contesté doit être regardé comme ayant été pris au terme d'une procédure irrégulière ; en tout état de cause, en ne respectant pas la procédure contradictoire, le ministre a commis une erreur de droit ;
- la décision litigieuse est entachée d'un défaut de base légale ;
- le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'ANSES a estimé que l'étude publiée dans la revue Science n'était pas de nature à remettre en cause les résultats des essais qu'elle avait fournis ;
Vu l'arrêté dont la suspension de l'exécution est demandée ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation de l'arrêté contesté ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2012, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :
- la condition d'urgence n'est pas remplie ;
- l'interdiction de la substance active thiamethoxam ne porte pas d'atteinte grave et immédiate à l'environnement, à l'économie agricole ainsi qu'à la situation financière de la filière colza en France et de la société SYNGENTA SEEDS SAS ;
- l'urgence qui s'attache au maintien de l'arrêté litigieux est caractérisée dès lors que dans son avis du 31 mai 2012, l'ANSES n'a pas exclu que l'utilisation du Cruiser puisse avoir un impact négatif sur le retour à la ruche des abeilles butineuses ;
- il était seul compétent pour prendre la décision contestée ;
- l'arrêté du 24 juillet 2012 a été adopté au terme d'une procédure régulière ;
- l'arrêté litigieux n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'utilisation du thiamethoxam présentait un risque inacceptable pour l'environnement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement et du Conseil du 21 octobre 2009 ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société SYNGENTA SEEDS SAS, d'autre part, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 4 septembre 2012 à 10 heures, au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Vexliard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société SYNGENTA SEEDS SAS ;
- les représentants de la société SYNGENTA SEEDS SAS ;
- les représentants du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ;
et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;
2. Considérant que, par arrêté du 24 juillet 2012, le ministre le l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a interdit l'utilisation et la mise sur le marché pour utilisation sur le territoire national des semences de crucifères oléagineuses traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active thiamethoxam ; que la société SYNGENTA SEEDS SAS, qui produit notamment des graines d'oléagineux enrobées de sa spécialité Cruiser qui contient du thiamethoxam demande la suspension de cet arrêté sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;
3. Considérant que pour établir l'urgence qui s'attache à la suspension qu'elle demande, la société requérante invoque le dommage économique qu'il créerait pour l'activité agricole, le risque pour la pérennité de l'entreprise et l'absence d'urgence à prévenir un risque environnemental ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des articles 49 et 71 du règlement CE n° 1107/2009 du Parlement et du Conseil du 21 octobre 2009, les mesures d'interdiction de l'utilisation d'une semence traitée par un produit phytopharmaceutique sont conservatoires et provisoires ; que l'interdiction à laquelle procède l'arrêté contestée n'a pu légalement intervenir que jusqu'à ce que les instances communautaires compétentes statuent sur son bien-fondé et la confirment, la modifient ou demandent son abrogation, décision que le comité prévu à l'article 79 du même règlement doit examiner dans sa réunion des 27 et 28 septembre prochains ; que l'arrêté n'a ainsi d'effet que sur la campagne de semis d'oléagineux en cours ; que l'impossibilité pour l'entreprise requérante de commercialiser pour cette campagne les semences enrobées de son produit Cruiser, à supposer même fondées les hypothèses de vente qu'elle retient, n'aurait d'impact significatif qu'en fonction d'hypothèses sur les cours, les risques, les modes alternatifs au produit interdit de traitement de ces risques, reposant sur des combinaisons d'aléas et de choix qui ne permettent pas de regarder comme établi l'impact sur la production ou le chiffre d'affaires de la culture des oléagineux concernés ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté n'interdit pas à la société de continuer à produire des semences enrobées de Cruiser en vue de leur commercialisation dans des pays qui en autorisent l'utilisation ; que n'affectant qu'un faible pourcentage de son chiffre d'affaires, il n'est pas de nature à réduire son activité de façon telle qu'elle en serait significativement affectée ;
6. Considérant, en troisième lieu, que l'intérêt public s'attachant à la protection contre les risques environnementaux, pour incertain que soit en l'état des investigations scientifiques le risque environnemental, pour les populations d'abeilles, sur lequel s'est fondé le ministre, pouvait justifier qu'il prît des mesures provisoires et conservatoires de la nature de celles prévues par le règlement de 2009 ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'au regard de l'impact de l'arrêté sur l'agriculture et sur la société requérante ainsi que des risques environnementaux pris en considération, aucune urgence au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne s'attache à la suspension de l'arrêté critiqué ; que la requête de la société SYNGENTA SEEDS SAS doit ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner le caractère sérieux des moyens critiquant la légalité de l'arrêté, être rejetée ; que l'Etat n'étant pas la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que la somme que demandait la société sur leur fondement lui soit allouée ;
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de la société SYNGENTA SEEDS SAS est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société SYNGENTA SEEDS SAS et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.