Vu la requête, enregistrée le 6 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la commune du Rove, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité à l'Hôtel de Ville au Rove (13740) ; la commune demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
- d'annuler l'ordonnance n° 1204828 du 21 juillet 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, lui a enjoint de laisser libre l'accès à l'allée des Girelles, calanque de Vesse, à Mme A sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
- de rejeter la demande de Mme A ;
- de mettre à la charge de Mme A le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée ne satisfait pas à l'exigence de motivation ;
- le premier juge des référés, en concluant à l'existence d'une situation d'urgence, a commis une erreur d'appréciation ;
- Mme A doit être regardée comme étant à l'origine de l'urgence qu'elle invoque ;
- aucune atteinte grave et manifestement illégale n'a été portée aux libertés de Mme A ;
- les mesures d'exécution de l'arrêté du 16 septembre 2009 n'ont méconnu ni les dispositions de cet arrêté ni celles des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales ;
- l'ordonnance litigieuse est entachée d'une erreur de droit dès lors que la nécessité et la proportionnalité de la pose du cadenas ont été appréciées indépendamment des mesures d'évacuation et d'interdiction d'habiter édictées par l'arrêté du 16 septembre 2009 ;
- le juge des référés, en ordonnant une mesure ayant des effets identiques à ceux qui auraient résulté de l'exécution par la commune d'un jugement annulant l'arrêté du 16 septembre 2009, a excédé sa compétence ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 août 2012, présenté par Mme A, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- la condition d'urgence était remplie à la date de la saisine du juge des référés ;
- en l'absence de mise en oeuvre d'une procédure d'expropriation, la commune ne pouvait interdire l'accès à l'allée des Girelles sans porter une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir ;
- la commune a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de propriété, au droit à la protection du domicile et au droit à mener une vie privée et familiale normale ;
- la commune a méconnu le principe de dignité de la personne humaine ;
- l'arrêté du 16 septembre 2009 est entaché de détournement de pouvoir et de procédure et méconnaît les dispositions de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 13 août 2012, présenté pour la commune du Rove, qui reprend les conclusions de sa requête ; elle soutient, en outre, que la pose des cadenas ne saurait être considérée comme une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale dès lors qu'elle a été réalisée en exécution de l'arrêté du 16 septembre 2009 qui n'a pas été annulé ou déclaré illégal ;
Vu les nouvelles observations, enregistrées le 13 août 2012, présentées par Mme A, qui reprend les conclusions de son mémoire en défense, et les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, et notamment son préambule ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la commune du Rove et, d'autre part, Mme A ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 13 août 2012 à 14 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Haas, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la commune du Rove ;
- Me Colin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a prolongé l'instruction jusqu'au 13 août 2012 à 18 heures ;
Vu les observations complémentaires, enregistrées le 13 août 2012, présentées pour Mme A, qui reprend les conclusions de son mémoire en défense ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) " ;
2. Considérant qu'en raison de la chute de rochers sur l'allée des Girelles de la commune du Rove, dont sont riveraines plusieurs petites maisons de plaisance situées sous la paroi rocheuse qui s'éboule, le maire du Rove a, par arrêté du 16 septembre 2009, interdit l'accès à ces propriétés et leur habitation ; que, en exécution de cet arrêté, il a fait procéder à la pose de barrières empêchant l'accès, sur lesquelles ont été apposés des cadenas ; que Mme A, usufruitière d'une des constructions riveraines, a demandé, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, qu'il soit enjoint à la commune du Rove de permettre l'accès à cette construction de toute personne et qu'il lui soit remis un jeu de clefs du cadenas, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ; que, par ordonnance du 21 juillet 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a enjoint à la commune de permettre l'accès demandé et de remettre les clefs à la requérante, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ; que la commune du Rove relève appel de cette ordonnance ;
3. Considérant qu'il résulte de plusieurs rapports administratifs datant de 2010 et 2011, produits par la commune, qu'un risque d'éboulement de la paroi rocheuse surplombant les habitations riveraines de l'allée des Girelles existe, présentant un danger grave pour les personnes et les biens, danger dont Mme A ne critique pas utilement la réalité en se bornant à soutenir, d'une part, qu'il ne s'est pas concrétisé à nouveau depuis 2009, d'autre part, qu'il n'a pas fait obstacle à ce que diverses personnes accèdent aux lieux sans que la commune s'y oppose ; que l'obstruction par une barrière cadenassée de l'accès à l'unique allée desservant les propriétés riveraines est la seule mesure immédiate et possible de nature à prévenir le risque élevé d'atteinte aux personnes, alors même que différents travaux confortatifs partiels visant à le prévenir ont été effectués ; que, si cette interdiction de l'accès à la propriété met en cause le droit d'accès à la voie publique des riverains, la propriété privée et la liberté d'aller et venir, elle constitue, au regard des risques avérés et alors même que le bien dont Mme A a l'usufruit serait sa résidence principale, ce qu'elle allègue sans l'établir, une mesure proportionnée dont elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle porterait une atteinte grave et manifestement illégale à ses droits et libertés fondamentales ; qu'en ayant estimé que cette mesure n'était ni justifiée, ni utile et, par suite, constituait une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une erreur de droit ; que la commune du Rove est donc fondée à en demander l'annulation ;
4. Considérant qu'il appartient au juge des référés du Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mme A devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille ;
5. Considérant qu'il y a lieu, pour les motifs exposés ci-dessus, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande présentée par Mme A, de rejeter sa requête, dès lors qu'aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ne résulte des agissements critiqués ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A le versement à la commune du Rove de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de la commune du Rove, qui n'est pas la partie perdante, les sommes que Mme A demandait tant devant le tribunal administratif que devant le Conseil d'Etat sur leur fondement ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance n° 1204828 du 21 juillet 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : Les conclusions de la requête de Mme A devant le tribunal administratif de Marseille sont rejetées ainsi que ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Mme A versera une somme de 3 000 euros à la commune du Rove sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune du Rove et à Mme Marie-Thérèse A.