Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 décembre 2007 et 6 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme C...A..., demeurant ...en Polynésie française ; M. et Mme A...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 06PA00969, du 2 octobre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, ne faisant que partiellement droit à leur appel et réformant le jugement du 13 décembre 2005 du tribunal administratif de la Polynésie française, a porté à 5 000 euros la somme que l'Etat a été condamné à leur verser en première instance ;
2°) réglant l'affaire au fond, de condamner l'Etat à leur verser la somme de 967 330,44 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2004 et la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 9 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 mars 2012, présentée pour M. et Mme A... ;
Vu le décret n° 67-600 du 23 juillet 1967 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Tanneguy Larzul, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. et Mme A...,
- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. et MmeA... ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., ingénieur principal des études et de l'exploitation de l'aviation civile, a été affecté, à sa demande, le 5 décembre 1992, en Polynésie française, territoire dans lequel il s'est établi avec sa future épouse, infirmière titulaire du cadre d'emplois de la fonction publique territoriale ; qu'au terme de deux séjours de trois ans, il a été informé de la décision de le mettre en congé administratif pour douze mois à compter du 4 mars 1999 et de l'ouverture de la vacance de son poste, puis de la nomination d'un successeur ;
Considérant que par un arrêt du 10 juillet 2002, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 11 mai 1999 du tribunal administratif de la Polynésie Française, les décisions du directeur général de l'aviation civile mettant fin à l'affectation de M. A...en Polynésie Française, déclarant son poste vacant et organisant la nomination d'un autre agent pour pourvoir cet emploi, ainsi que la décision du 7 août 1998 rejetant le recours gracieux formé par M. A...contre l'ensemble de ces mesures ; que par un nouvel arrêt rendu le 10 avril 2003, la cour administrative d'appel de Paris à enjoint au ministre de l'équipement, sous astreinte de 500 euros par jour, de procéder au réexamen de la demande de M. A...de réintégration en Polynésie Française ; que par un nouvel arrêté du 26 mai 2003, le directeur général de l'aviation civile a cependant confirmé la décision de refus de renouvellement d'affectation de M. A...en Polynésie Française ; que par un arrêt du 7 août 2007, la cour administrative d'appel de Paris a liquidé l'astreinte et prononcé une nouvelle injonction assortie d'une nouvelle astreinte de 1000 euros par jour ; que le 1er septembre 2003, le ministre de l'équipement a prononcé l'affectation, à compter du 15 décembre 2003, de M. A...au service de l'aviation civile de la Polynésie Française ;
Considérant que, par lettre du 13 mai 2004, M. et Mme A...ont saisi le ministre de l'équipement d'une demande tendant à l'indemnisation des différents préjudices subis en raison des décisions illégales ayant affecté M. A...; que cette demande ayant été implicitement rejetée, M. et Mme A...ont saisi le tribunal administratif de la Polynésie Française en vue de faire condamner l'Etat à leur verser une somme totale de 967 330,44 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 13 mai 2004, au titre des différents préjudices subis ; que par un jugement du 13 décembre 2005, le tribunal administratif de la Polynésie Française a condamné l'Etat à verser à M. et Mme A...la somme de 1 000 euros en réparation des préjudices subis ; que M. et Mme A...se pourvoient en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris, ne faisant que partiellement droit à leur appel et réformant le jugement du 13 décembre 2005, a porté à 5 000 euros la somme que l'Etat a été condamné à leur verser en première instance ;
Considérant, en premier lieu, que l'application aux traitements des fonctionnaires du coefficient de majoration régi par le décret du 23 juillet 1967 relatif au régime des rémunérations des magistrats et fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer est subordonné à l'exercice effectif des fonctions dans le territoire ou la collectivité où ce coefficient est susceptible de s'appliquer ; qu'en relevant que M.A..., après le refus illégal de renouveler son affectation, ne pouvait prétendre à être indemnisé de la perte du produit de l'application de ce coefficient à son traitement dès lors qu'il n'avait pas exercé de fonctions en Polynésie durant cette période, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande d'indemnisation présentée par Mme A...est consécutive à la perte de rémunération qu'elle a subie en raison de l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de quitter son emploi d'infirmière titulaire en Polynésie Française, pour rejoindre en métropole son mari successivement et illégalement affecté à Juvisy-sur-Orge puis à Toulouse ; que le préjudice lié à cette perte de rémunération, dès lors qu'il a un caractère certain et est directement imputable aux décisions fautives de l'administration, eu égard notamment à la distance entre la Polynésie française et les nouvelles affectations de M.A..., est de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que s'il était loisible à la cour de rechercher à partir de quel moment la carence de l'intéressée à entreprendre des démarches en vue d'obtenir un emploi pouvait être regardée comme de nature à exonérer l'administration de sa responsabilité ou à atténuer celle-ci, elle ne pouvait sans commettre d'erreur de droit, pour écarter la demande d'indemnisation de Mme A..., se borner à relever que celle-ci n'établissait pas avoir cherché un emploi au cours de son séjour en métropole entre 1999 et 2003 ;
Considérant, en troisième lieu, que les frais de justice, s'ils ont été exposés en conséquence directe d'une faute de l'administration, sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de l'illégalité fautive imputable à l'administration ; que toutefois, lorsque l'intéressé a fait valoir devant le juge une demande fondée sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le préjudice est intégralement réparé par la décision que prend le juge sur ce fondement ; qu'il n'en va autrement que dans le cas où le demandeur ne pouvait légalement bénéficier de ces dispositions ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, M. et Mme A...ayant pu bénéficier de ces dispositions durant les diverses instances engagées, les frais exposés pour leur défense ont fait l'objet d'une appréciation d'ensemble dans ce cadre qui exclut toute demande indemnitaire de ce chef sur un autre fondement juridique ; qu'il suit de là que la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en refusant de réparer le préjudice constitué par les frais exposés lors des précédentes instances engagées par M. et Mme A...;
Considérant, en quatrième lieu, que la cour administrative d'appel a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine en évaluant à 5 000 euros le préjudice résultant des troubles subis dans leurs conditions d'existence ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué uniquement dans la mesure où il a statué sur le préjudice résultant de la perte d'emploi de Mme A...; qu'il y lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 2 octobre 2007 est annulé en tant qu'il a statué sur le préjudice résultant de la perte d'emploi de MmeA....
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A...la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. C...A..., à Mme B...A...et au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.