Vu le pourvoi, enregistré le 19 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07PA04570, 07PA04571, 07PA04572 du 19 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir joint les trois requêtes de la société Sonavi, a annulé les ordonnances du 3 octobre 2007 par lesquelles le tribunal administratif de Paris avait rejeté pour irrecevabilité ses demandes tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été notifiés au titre des périodes couvrant respectivement les années 2000, 2001 et 2002, et renvoyé la société devant le tribunal administratif de Paris pour qu'il soit statué sur ses demandes ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les requêtes d'appel de la société Sonavi ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Gilles Pellissier, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 421 5 du code de justice administrative : "Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision" ; que l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales dispose que : "Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects dont dépend le lieu d'imposition (...)" ; que selon l'article R. 196-1 du même livre : "Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexées à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a. De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement / b. Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement / c. De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (...)" ; qu'enfin aux termes de l'article R. 196-3 du même livre : "Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de redressement de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'avis par lequel l'administration porte les impositions à la connaissance du contribuable doit mentionner l'existence et le caractère obligatoire, à peine d'irrecevabilité d'un éventuel recours juridictionnel, de la réclamation, adressée au service compétent de l'administration fiscale, prévue à l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, ainsi que les délais dans lesquels le contribuable doit exercer cette réclamation ; que l'absence de l'une de ces mentions n'est cependant de nature à faire obstacle à ce que les règles prévues par le livre des procédures fiscales soient opposables au contribuable que si l'irrecevabilité qui pourrait lui être opposée résulte de cette absence d'information ; que tel est notamment le cas lorsque le contribuable, qui n'a pas été informé du caractère obligatoire, à peine d'irrecevabilité d'un éventuel recours juridictionnel, de la réclamation préalable prévue par l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, conteste directement devant le juge l'impôt mis à sa charge ; qu'en revanche dès lors que le contribuable, qui a été régulièrement informé du service auquel il devait présenter sa réclamation et des délais dont il disposait pour ce faire, a effectué cette réclamation avant de saisir le juge mais hors des délais fixés, la circonstance qu'il n'ait pas été informé du caractère obligatoire de cette réclamation préalable est sans incidence sur l'opposabilité des délais dans lesquels elle devait être formée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les avis de mise en recouvrement adressés à la société Sonavi les 10 janvier 2002, 15 octobre 2002 et 30 septembre 2003, relatifs à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, indiquaient que toute réclamation contre le bien-fondé ou le montant des sommes mises en recouvrement devait être adressée au service des impôts désigné ainsi que les délais dans lesquels une telle réclamation devait être présentée pour être recevable ; qu'en revanche ces avis n'indiquaient pas l'irrecevabilité d'une saisine directe du juge administratif ; que la société Sonavi, qui n'a pas saisi directement le juge de l'impôt, a formé une réclamation au-delà des délais dont elle avait ainsi été régulièrement informée ;
Considérant que si, contrairement à ce que soutient le ministre, la cour administrative d'appel de Paris a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger insuffisantes les mentions figurant sur les avis de mise en recouvrement au motif qu'elles n'indiquaient pas l'irrecevabilité d'une saisine directe du juge administratif, elle ne pouvait, pour annuler les ordonnances du tribunal administratif de Paris qui avaient rejeté comme tardives les demandes de la société Sonavi, déduire l'inopposabilité au contribuable des délais prévus par les articles R. 196-1 et R. 196-3 précités du livre des procédures fiscales de la seule absence de l'indication du caractère obligatoire de la réclamation préalable, dès lors que l'irrecevabilité qui lui avait été opposée était fondée sur la méconnaissance d'une règle de recevabilité dont il avait été régulièrement informé et dont le respect ne dépendait pas de la connaissance de l'irrecevabilité d'une saisine directe du juge ; que le MINISTRE DU BUDGET est, par suite, fondé à soutenir que la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'erreur de droit et à en demander, par suite, l'annulation ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la circonstance que les avis de mise en recouvrement des impositions litigieuses ne comportaient pas la mention de l'irrecevabilité d'une saisine directe du juge administratif était sans incidence sur l'irrecevabilité de la réclamation formée par la société Sonavi hors des délais dont elle avait été régulièrement informée ; que, par suite, cette société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les ordonnances attaquées, le vice-président de section du tribunal administratif de Paris a rejeté comme tardives ses demandes tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes correspondant aux années 2000, 2001 et 2002 ; que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 19 décembre 2008 est annulé.
Article 2 : Les requêtes présentées par la société Sonavi devant la cour administrative d'appel de Paris sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à la société Sonavi.