Vu la requête, enregistrée le 21 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'UNION DES SYNDICATS DE L'IMMOBILIER (UNIS), dont le siège est situé 60 rue Saint-Lazare à Paris (75009), représentée par son président en exercice ; l'UNIS demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 13 juillet 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé portant extension d'avenants à la convention collective nationale de l'immobilier ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que la condition d'urgence est remplie dès lors que l'arrêté litigieux porte une atteinte grave et immédiate à ses intérêts et à ceux de l'ensemble des entreprises et des salariés du secteur de l'immobilier dont elle défend les intérêts ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ; que le ministre du travail, de la santé et de l'emploi était incompétent pour signer seul cet arrêté, en application des dispositions de l'article L. 911-3 du code de la sécurité sociale ; que l'arrêté litigieux ne prévoit pas les mesures transitoires nécessaires à l'adaptation ou à la dénonciation des contrats en cours, portant ainsi atteinte au respect du principe de sécurité juridique ; qu'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 2261-19 et L. 2121-2 du code du travail, en ce que les organisations patronales signataires ne répondaient pas à la condition de représentativité ; que l'organisme assureur a été désigné en méconnaissance du droit de la concurrence et de la finalité sociale visant l'obtention de la meilleure offre possible par l'effet de la mutualisation prévue par l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale ; que les règles de loyauté découlant de l'article L. 2261-19 du code du travail n'ont pas été respectées ; que l'extension litigieuse méconnaît le principe de non chevauchement avec un autre texte conventionnel déjà étendu, la convention collective nationale des cadres du 14 mars 1947 prévoyant des dispositions propres aux VRP en matière de prévoyance ;
Vu l'arrêté dont la suspension de l'exécution est demandée ;
Vu la copie de la requête à fin d'annulation de l'arrêté contesté ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 novembre 2011, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'aucune atteinte grave et immédiate aux intérêts de la requérante ou des entreprises et salariés dont elle défend les intérêts ne peut être établie ; qu'il était compétent pour signer seul l'arrêté litigieux en application des dispositions de l'article L. 2261-15 du code du travail, dès lors que les avenants en cause ne relèvent pas de l'article L. 911-3 du code de la sécurité sociale ; qu'aucune atteinte n'est portée au principe de sécurité juridique dans la mesure où une période de transition est prévue et où aucun préjudice excessif aux intérêts des entreprises concernées n'est caractérisé ; que le moyen tiré de la violation de l'article L. 2261-19 du code du travail du fait de l'absence de représentativité des organisations signataires est inopérant ; que le moyen tiré de l'atteinte portée par la clause de désignation au droit de la concurrence doit être écarté ; que le processus de négociation des avenants s'est déroulé dans le respect des règles de loyauté telles qu'elles résultent des dispositions du code du travail ; que les VRP étant exclus des dispositions de l'avenant n° 48, aucun chevauchement entre le régime de branche et la convention collective nationale des cadres du 14 mars 1947 ne peut être opposé ;
Vu les mémoires, enregistrés les 8 et 9 novembre 2011, présentés pour le syndicat national des résidences de tourisme (SNRT), le syndicat national des professionnels immobiliers (SNPI), la fédération des sociétés immobilières et foncières (FSIF) et le syndicat national de l'urbanisme, de l'habitat et des administrateurs de biens CFE-CGC (SNUHAB CFE-CGC), qui concluent au rejet de la requête par des moyens identiques à ceux exposés par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, et à ce que la somme de 4 500 euros soit mise à la charge de l'UNIS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent, en outre, que le recours en annulation déposé par l'UNIS est irrecevable ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 10 novembre 2011, présenté pour l'UNIS, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 14 novembre 2011, présenté pour le SNRT, le SNPI, la FSIF et le SNUHAB CFE-CGC, qui reprennent leurs précédentes écritures et soutiennent, en outre, que le moyen tiré de l'atteinte au principe de sécurité juridique est inopérant s'agissant des contrats de droit privé souscrits par des partenaires sociaux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'UNION DES SYNDICATS DE L'IMMOBILIER et, d'autre part, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé ainsi que le syndicat national des résidences de tourisme (SNRT), le syndicat national des professionnels immobiliers (SNPI), la fédération des sociétés immobilières et foncières (FSIF) et le syndicat national de l'urbanisme, de l'habitat et des administrateurs de biens CFE-CGC (SNUHAB CFE-CGC) ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 14 novembre 2011 à 11 heures, au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Blancpain, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'UNION DES SYNDICATS DE L'IMMOBILIER (UNIS) ;
- les représentants de l'UNIS ;
- les représentants du ministre du travail, de l'emploi et de la santé ;
- Me Gatineau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du syndicat national des résidences de tourisme (SNRT), du syndicat national des professionnels immobiliers (SNPI), de la fédération des sociétés immobilières et foncières (FSIF) et du syndicat national de l'urbanisme, de l'habitat et des administrateurs de biens CFE-CGC (SNUHAB CFE-CGC) ;
- les représentants du SNPI et de la FSIF ;
et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;
Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés peut ordonner la suspension de l'exécution d'un acte administratif à la condition, notamment, que l'urgence le justifie ; que tel est le cas lorsque l'exécution d'un acte porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;
Considérant que l'arrêté du 13 juillet 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé étend trois avenants à la convention collective nationale de l'immobilier mettant en place des garanties de prévoyance et de santé complémentaires au profit des salariés de la branche, assurées par un unique organisme de prévoyance ; que cette extension a notamment pour effet de rendre obligatoire, à compter du premier jour du mois suivant la publication de l'arrêté litigieux, c'est-à-dire depuis le 1er août 2011, l'adhésion des entreprises relevant du champ d'application de la convention collective nationale de l'immobilier " aux contrats de base obligatoire de prévoyance et de frais de santé ", sauf si elles ont, avant cette date, souscrit un contrat couvrant les mêmes risques " à un niveau strictement supérieur " ;
Considérant que, pour justifier de l'urgence à suspendre l'exécution de cet arrêté, l'UNION DES SYNDICATS DE L'IMMOBILIER soutient que l'application sans délai de ces avenants conduit les entreprises ayant déjà souscrit des contrats de prévoyance-santé dont le niveau des garanties n'est pas strictement supérieur à celui offert par l'organisme retenu par ces avenants à payer, pour leur salariés, une double cotisation, dans la mesure où les contrats en cours ne peuvent être immédiatement modifiés ou résiliés ; qu'elle fait également valoir que, dans l'hypothèse où l'arrêté d'extension serait ultérieurement annulé pour excès de pouvoir, cette situation emporterait des effets difficilement réversibles ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés ainsi que des indications recueillies à l'audience que, compte tenu de l'échéance des contrats en cours, la période concernée par cette éventuelle double cotisation ne devrait pas excéder la date du 31 décembre 2011 et que le montant du surcoût pouvant en résulter ne dépasserait pas 0,3 % de la masse salariale des entreprises en cause ; qu'eu égard à cette circonstance et compte tenu de l'intérêt général qui s'attache à la mise en place immédiate d'une protection sociale complémentaire en faveur de l'ensemble des salariés de la branche, l'argumentation présentée par la requérante n'est pas de nature à caractériser l'existence d'une situation d'urgence pouvant justifier une mesure de suspension ; que, par suite, la requête de l'UNION DES SYNDICATS DE L'IMMOBILIER doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le syndicat national des résidences de tourisme (SNRT), le syndicat national des professionnels immobiliers (SNPI), la fédération des sociétés immobilières et foncières (FSIF) et le syndicat national de l'urbanisme, de l'habitat et des administrateurs de biens CFE-CGC (SNUHAB CFE-CGC) au titre de ces mêmes dispositions ;
Considérant enfin que, s'il résulte des dispositions combinées de l'article 1635 bis Q du code général des impôts et des articles R. 411-2 et R. 411-2-1 du code de justice administrative que la requête, présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du même code, devait donner lieu au paiement de la contribution pour l'aide juridique de 35 euros, à peine d'irrecevabilité, et si cette contribution est au nombre des dépens mentionnés à l'article R. 761-1 de ce code, il n'appartient pas au juge, en l'absence de conclusions des parties en ce sens, de statuer sur la charge définitive de la contribution acquittée par la requérante ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de l'UNION DES SYNDICATS DE L'IMMOBILIER est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le syndicat national des résidences de tourisme (SNRT), le syndicat national des professionnels immobiliers (SNPI), la fédération des sociétés immobilières et foncières (FSIF) et le syndicat national de l'urbanisme, de l'habitat et des administrateurs de biens CFE-CGC (SNUHAB CFE-CGC) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'UNION DES SYNDICATS DE L'IMMOBILIER, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé, au syndicat national des résidences de tourisme (SNRT), au syndicat national des professionnels immobiliers (SNPI), à la fédération des sociétés immobilières et foncières (FSIF) et au syndicat national de l'urbanisme, de l'habitat et des administrateurs de biens CFE-CGC (SNUHAB CFE-CGC).