Vu le recours, enregistré le 24 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 1101557 du 7 juin 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rouen, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de l'arrêté du 18 avril 2011 du préfet de la région Haute-Normandie, préfet de la Seine-Maritime ordonnant la remise de M. Stanley A aux autorités maltaises et a enjoint au préfet d'instruire la demande de titre de séjour présentée par M. A au titre de l'asile ;
il soutient que le juge des référés de première instance a méconnu les pièces du dossier sur l'enregistrement d'une demande d'asile de M. A à Malte ; qu'il s'est fondé sur des faits matériellement inexacts concernant l'âge de M. A ; qu'il a commis une erreur d'appréciation sur les conditions d'examen des demandes d'asile à Malte ; qu'il a méconnu la portée des dispositions de l'article 15 du règlement (CE) n° 343/2003 en appréciant de manière erronée la situation de l'intéressé dont l'intensité des liens personnels avec la France n'est pas telle qu'une réadmission vers Malte serait injustifiée ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2011, présenté par M. Stanley A, qui conclut au rejet du recours et à ce que soit mise à la charge de l'État, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros ; il soutient que le recours présenté par le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION est irrecevable, dès lors que le courrier de notification de l'ordonnance attaquée n'est pas joint à la requête ; que la condition d'urgence est remplie, dès lors que la décision de remise aux autorités maltaises est susceptible d'être exécutée d'office ; que cette décision porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit d'asile ; qu'il n'a pas été informé par écrit dans une langue qu'il comprenait, contrairement aux dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 ; qu'il n'est pas établi qu'il ait bénéficié des contrôles prévus par les dispositions de l'article 18 de ce règlement, permettant de s'assurer qu'il a bien demandé l'asile à Malte ; que la décision de réadmission vers Malte où les conditions d'accueil des demandeurs d'asile ne sont pas décentes méconnaît les dispositions de l'article 7 de la directive 2003/9/CE ; qu'en l'absence de garantie sur l'examen effectif de sa demande d'asile à Malte, il peut être reconduit dans son pays d'origine où il risque de subir de graves persécutions en raison de ses orientations sexuelles ; que son éloignement de France où il est pris en charge par l'IDEFHI (Institut Départemental de l'Enfance, de la Famille et du Handicap pour l'Insertion) dans le cadre de la protection de l'enfance est de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le ministre n'établit pas qu'il aurait demandé l'asile à Malte et l'examen de cette demande par les autorités maltaises ; qu'ayant subi de nouvelles persécutions dans son pays d'origine après sa fuite de Malte, la présente demande d'asile est une nouvelle demande relevant de la compétence de la France ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 ;
Vu la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 ;
Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et, d'autre part, M. A ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 4 juillet 2011 à 15 heures, au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants du MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ;
- Me Barthélemy, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) ;
Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre État en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, de nationalité nigériane, a demandé le 4 avril 2011 auprès de la préfecture de la Seine-Maritime son admission au séjour au titre de l'asile ; qu'après avoir consulté le fichier EURODAC, le préfet a refusé, par un arrêté du 18 avril 2011, l'admission au séjour en application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 et du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que M. A avait présenté une demande d'asile à Malte ; que les autorités maltaises ayant donné leur accord pour la reprise en charge de M. A, le préfet de la Seine-Maritime a pris le 13 mai 2011 une décision de réadmission vers Malte ; que, saisi par M. A sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen, par une ordonnance du 7 juin 2011, a suspendu l'exécution de l'arrêté du 18 avril 2011 et a enjoint au préfet d'instruire la demande de titre de séjour présentée par M. A au titre de l'asile ; que le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION fait appel de cette ordonnance ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par M. A :
Considérant que si, en vertu des dispositions combinées des articles R. 412-1 et R. 811-13 du code de justice administrative, les requêtes d'appel doivent, à peine d'irrecevabilité, être accompagnées d'une copie du jugement ou de l'ordonnance attaqué, l'appel n'est pas irrecevable du seul fait de l'absence de production du courrier de notification de cette décision ; qu'ainsi la fin de non-recevoir opposée pour ce motif par M. A doit être écartée ;
Sur les motifs de l'ordonnance attaquée :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les autorités maltaises ont relevé les empreintes digitales de M. A et les ont enregistrées dans le fichier EURODAC institué par le règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, dans la catégorie des demandeurs d'asile ; que Malte a accepté le 4 mai 2011 de reprendre en charge M. A au titre du règlement n° 343/2003 ; que, dans ces conditions, c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a estimé que le dépôt d'une demande d'asile à Malte n'était pas établi ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des statistiques d'EUROSTAT concernant l'année 2009 et d'un rapport du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe en date du 9 juin 2011 que les autorités maltaises accordent un statut protecteur aux demandeurs d'asile dans une proportion relativement élevée par rapport aux autres pays européens ; que, dans ces conditions, c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a estimé que les demandeurs d'asile ne disposaient pas, à Malte, de garanties suffisantes quant à l'examen effectif de leur demande d'asile ;
Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce qu'a retenu le juge des référés du tribunal administratif de Rouen, la circonstance que M. A, qui n'a aucune attache familiale en France, a noué des relations amicales au sein d'un institut éducatif ne suffit pas à faire regarder l'absence d'application, par le préfet, de la clause humanitaire prévue par l'article 15 paragraphe 1 du règlement n° 343/2003 comme une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ;
Considérant qu'il appartient au juge des référés du Conseil d'État, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A en première instance et en appel ;
Sur les autres moyens de M. A :
Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, en tout état de cause, que M. A serait retourné au Nigeria après sa demande d'asile à Malte ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. A a reçu les 4 et 18 avril 2011, dans la langue anglaise qu'il comprend, les informations sur l'application du règlement n° 343/2003, requises par l'article 3 paragraphe 4 de ce règlement ;
Considérant, en troisième lieu, que s'il résulte de l'instruction, notamment de rapports établis en 2011 par l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, que les autorités maltaises pratiquent à l'égard des demandeurs d'asile entrés irrégulièrement dans ce pays une politique de détention administrative dans des centres fermés ou ouverts, selon les cas, cette politique, dont la contrariété aux dispositions de l'article 7 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile dans les Etats membres n'est pas manifeste, ne suffit pas à faire regarder l'application par la France à M. A du règlement n° 343/2003 comme une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ;
Considérant, en quatrième lieu, que la réadmission de M. A, qui est célibataire et sans enfants, ne porte pas une atteinte manifeste aux exigences qui découlent de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'argumentation tirée des risques que lui ferait courir à Malte son orientation sexuelle n'est pas, en tout état de cause, assortie de précisions suffisantes ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée et le rejet de la demande de M. A ; que, par voie de conséquence, les conclusions de M. A présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance du 7 juin 2011 du juge des référés du tribunal administratif de Rouen est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Rouen, ainsi que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et à M. Stanley A.