Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Sill A, domiciliée chez ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1102207 du 7 avril 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné au préfet du Rhône de lui restituer son passeport ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de restituer son passeport à son conseil, Me Couderc, sur justification d'un pouvoir, dans les 10 jours de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que la rétention de son passeport par l'administration, alors que le Conseil constitutionnel a limité la possibilité d'une telle rétention par sa décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 et que la mesure d'éloignement prise à son égard n'est plus exécutable, l'obligation de quitter le territoire français, pour l'exécution de laquelle le passeport a été retenu, ayant été édictée depuis plus d'un an, porte à sa liberté d'aller et de venir une atteinte disproportionnée ; qu'alors que la rétention du passeport ne peut avoir pour seul objet de garantir que l'étranger en situation irrégulière sera en possession du document permettant d'assurer son départ effectif du territoire national, librement et dans les conditions qui lui conviennent, le refus de restitution du passeport tend en réalité à la contraindre à se présenter dans les services de police ou de préfecture afin qu'un arrêté de reconduite à la frontière puisse lui être notifié, ce qui constitue une mesure de rétorsion que la décision du Conseil constitutionnel n'autorise pas ; que la motivation du juge des référés du tribunal administratif de Lyon selon laquelle c'est par son propre comportement de refus d'embarquement qu'elle justifierait le maintien de la rétention de son passeport est une considération d'ordre moral qui ne peut être prise en compte dans le cadre du contrôle de proportionnalité assuré par le juge ; qu'en l'empêchant de justifier par la production de son passeport de son identité et de sa présence ininterrompue depuis trois mois sur le territoire français, obligation à laquelle elle est soumise, en vertu des dispositions de l'article 4 du décret du 28 juillet 2005 relatif aux modalités d'admission des demandes d'aide médicale d'Etat, pour pouvoir bénéficier de cette aide au titre des soins urgents, en application des dispositions de l'article L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles, alors même que sa grossesse nécessite une surveillance médicale, la mesure de rétention de son passeport, en méconnaissant son droit à la santé, porte atteinte à son droit au respect de sa liberté personnelle ; que la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'elle est privée de sa liberté d'aller et de venir ; que si elle ne peut établir le refus verbal de bénéficier de l'aide médicale de l'Etat qui lui a été opposé au vu des documents qu'elle a présentés, la condition d'urgence n'en est pas moins satisfaite du fait des risques de la grossesse qui imposent un suivi médical et alors que le refus des services administratifs d'admettre les justificatifs qu'elle a fournis est vraisemblable ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2011, présenté pour le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, qui conclut au rejet de la requête d'appel de Mme A ; il soutient que Mme A n'a pas besoin de son passeport pour obtenir l'aide médicale de l'Etat afin de bénéficier des soins urgents qu'exigerait sa grossesse, compte tenu du grand nombre de documents que les textes permettent de fournir pour attester de l'identité et de la présence continue en France depuis plus de trois mois ; que Mme A ne justifie pas que le refus de restitution de son passeport porte une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir ; que son passeport lui sera restitué à tout endroit qu'elle indiquera comme étant celui de son départ du territoire français, conformément à la jurisprudence constitutionnelle et administrative ; que la condition d'urgence n'est pas satisfaite ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'action sociale et des familles, notamment son article L. 254-1 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le décret n° 2005-860 du 28 juillet 2005, notamment son article 4 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme Sill A et, d'autre part, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ;
Vu le procès-verbal de l'audience du 26 avril 2011 à 16 heures, au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Meier-Bourdeau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A ;
- Me Garreau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;
- les représentants du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Les services de police et les unités de gendarmerie sont habilités à retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière. Ils remettent en échange un récépissé valant justification de leur identité et sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document retenu ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme A, de nationalité cambodgienne, entrée en France en octobre 2005 après son mariage au Cambodge avec un ressortissant français, a bénéficié, en tant que conjointe de Français, d'un titre de séjour renouvelé jusqu'au 29 septembre 2009 ; que l'administration a refusé de lui accorder le renouvellement de ce titre de séjour après son divorce en janvier 2010 et lui a notifié, le 10 février 2010, en même temps que ce refus, une obligation de quitter le territoire français ; que, par un jugement en date du 1er juin 2010, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision ; que son passeport lui a été confisqué en application des dispositions de l'article L. 611-2 précité ; que Mme A ne s'est pas présentée au départ du vol sur lequel elle devait embarquer pour quitter le territoire français ; qu'elle a alors, le 17 novembre 2010, demandé la restitution de son passeport, qui lui a été refusée par le préfet du Rhône, le 7 mars 2011 ; que, par une ordonnance du 7 avril 2011, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de restitution de son passeport ;
Considérant que, compte tenu de son refus de quitter le territoire français, comme l'obligation, toujours applicable, lui en a été notifiée le 10 février 2010, Mme A ne peut être regardée comme ayant été privée, par la mesure de rétention de son passeport prise à son encontre, de sa liberté d'aller et de venir de manière manifestement illégale ;
Considérant que si Mme A soutient que, en retenant son passeport, le préfet du Rhône lui interdit de bénéficier de la prise en charge des soins urgents prévue par les dispositions de l'article L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles, alors que de tels soins sont nécessités par son état de grossesse, dès lors qu'elle ne peut présenter ce document pour justifier de son identité et de sa présence ininterrompue sur le territoire français, justification qu'imposent les dispositions de l'article 4 du décret du 28 juillet 2005 relatif aux modalités d'admission des demandes d'aide médicale d'Etat, et que cette méconnaissance de son droit aux soins constitue une atteinte à son droit au respect de sa liberté personnelle, il ne résulte pas de l'instruction que, à supposer que la nécessité de ces soins urgents soit avérée, Mme A serait dans l'impossibilité de fournir l'un des nombreux documents justificatifs, autres que le passeport, mentionnés par ces dernières dispositions ou se serait heurtée à un refus de l'administration de l'accepter, qu'elle pourrait alors contester devant la juridiction compétente ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance qu'elle attaque, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Sill A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.