Vu 1°), sous le n° 311612, la requête, enregistrée le 18 décembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Brahim A élisant domicile ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 26 septembre 2007 par laquelle le consul général de France à Oran a rejeté son recours tendant à ce que lui soient communiqués les motifs de sa décision du 26 septembre 2007 refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité de conjoint et parent d'enfant français ;
2°) d'enjoindre au consul de lui délivrer le visa sollicité, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, à compter de la décision à intervenir ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros au titre des préjudices subis ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°), sous le n° 314653, la requête, enregistrée le 27 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Brahim A et Mme Nassera B, épouse A, élisant domicile ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 24 janvier 2008 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de M. A dirigé contre la décision du 26 septembre 2007 refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité de conjoint et parent d'enfant français ;
2°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères et européennes de délivrer le visa sollicité, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, à compter de la décision à intervenir ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 35 000 euros au titre des préjudices subis ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu le règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006 ;
Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Vu le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Aurélien Rousseau, Auditeur,
- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;
Considérant que la requête n° 311612, qui doit être regardée comme dirigée contre la décision du 24 janvier 2008 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du 26 septembre 2007 du consul général de France à Oran refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité de conjoint et parent d'enfant français qui s'est substituée à cette dernière décision, et la requête n° 314653 sont dirigées contre la même décision ; qu'il convient de les joindre pour statuer par une même décision ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter le recours de M. A, la commission de recours contre les décisions de refus de visa s'est fondée sur l'absence de contribution à l'entretien et à l'éducation de ses enfants depuis leur naissance et, d'autre part, sur l'absence de communauté de vie avec son épouse ;
Considérant, en premier lieu, que M. A, ressortissant algérien, réside en France depuis 1990, où se trouvent désormais ses attaches familiales, en particulier ses deux enfants et son épouse ; qu'à la date de la décision attaquée il exerçait l'autorité parentale sur ses deux enfants français, nés en 1996 et 2005, et établit qu'il participait pleinement à leur éducation et pourvoyait à leur entretien ; que notamment son fils aîné, de 2005 jusqu'à la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. A en février 2007, vivait chez son père ; que depuis qu'il réside à nouveau en Algérie suite à la mesure d'éloignement prise à son encontre, M. A a continué, notamment par l'envoi de plusieurs courriers à maintenir des liens avec ses enfants ; qu'ainsi la commission a commis une erreur d'appréciation en estimant que M. A ne contribuait pas à l'entretien de ses enfants ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'avant de faire l'objet d'une mesure d'éloignement M. A résidait avec son épouse ; que M. A a continué à entretenir des relations avec son épouse malgré la séparation ; que, dès lors, la commission a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en estimant qu'il n'existait pas de communauté de vie entre M. A et son épouse ;
Considérant, en troisième lieu, cependant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ; que le ministre chargé de l'immigration entend substituer aux motifs retenus celui tiré du risque de trouble à l'ordre public que constituerait la présence en France du requérant ; que toutefois, les faits délictueux de trafic de stupéfiants, dont la particulière gravité avait conduit le tribunal correctionnel à assortir sa première condamnation à trois ans d'emprisonnement et 20 000 francs d'amende d'une interdiction définitive du territoire national, n'ont pas été réitérés depuis 1996 ; que l'intéressé a été relevé de la peine complémentaire d'interdiction définitive du territoire par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 14 juin 2007 ; que si, M. A a réitéré des infractions à la législation sur l'entrée et le séjour, à la date de la décision contestée il n'avait pas réitéré de telles infractions depuis quatre ans ; que le requérant avait manifesté une volonté d'amendement ; qu'il s'était ainsi signalé à plusieurs reprises à l'administration pour examen de sa situation et avait commencé une activité professionnelle dans le commerce de son épouse ; que dès lors en se bornant à faire valoir, à l'appui de sa demande de substitution de motif, que M. A a été condamné à une peine d'emprisonnement pour trafic de stupéfiants, antérieure de 12 ans à la décision contestée, et à des condamnations pour infractions à la législation sur le séjour, sans apporter aucune autre indication sur des éléments de nature à constituer une menace pour l'ordre public, le ministre a inexactement qualifié les faits en estimant que la présence de M. A était constitutive d'une telle menace ; qu'il n'y a dès lors pas lieu de procéder à la substitution de motif demandée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à demander l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 24 janvier 2008 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'eu égard aux motifs de la présente décision, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de M. A se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de la décision attaquée, l'exécution de celle-ci implique nécessairement la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour à l'intéressé ; que, par suite, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de prescrire à l'autorité compétente la délivrance à M. A du visa sollicité, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant que les conclusions des requérants tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer les préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision attaquée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, qui n'ont, en tout état de cause, pas fait l'objet d'une demande préalable à l'administration, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de l'État le paiement aux requérants de la somme de 3 000 euros au titre des frais que ceux-ci ont exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La décision du 24 janvier 2008 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration de délivrer un visa d'entrée en France à M. A dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. et Mme A est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Brahim A, à Mme Nassera B, épouse A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.