Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mars et 20 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE GRANDIS, dont le siège est ZAC du Croissant BP 49 à Saint-Pair-sur-Mer (50380) ; la SOCIETE GRANDIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 4 décembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté ses requêtes tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 11 mars 2008 du tribunal administratif de Caen annulant, à la demande de Mme Annette A, la décision du 15 septembre 2006 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement annulant la décision du 11 mai 2006 de l'inspecteur du travail de la 2ème section de la Manche refusant d'autoriser le licenciement pour inaptitude physique de Mme A et autorisant ce licenciement, d'autre part, au rejet de la demande de première instance de Mme A et enfin au sursis à exécution de ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses requêtes d'appel ;
3°) de mettre à la charge de Mme A la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Bachini, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Carbonnier, avocat de la SOCIETE GRANDIS et de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A,
- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Carbonnier, avocat de la SOCIETE GRANDIS et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A ;
Considérant que si la SOCIETE GRANDIS soutient que la cour administrative d'appel aurait omis de répondre au moyen tiré de ce que le tribunal administratif n'avait pas répondu au moyen par lequel elle avait fait valoir que le reclassement de Mme A à un poste de matelassage à aiguilles à mi-temps lui ferait courir des risques importants en termes de compétitivité et de productivité, il ressort des termes mêmes de l'arrêt attaqué, qui énonce que le jugement du tribunal administratif n'est entaché d'aucune irrégularité, que la cour administrative d'appel de Nantes a répondu au moyen ainsi soulevé ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une maladie professionnelle, Mme A, qui occupait un poste de finition couture au sein de l'établissement de confection de vêtements exploité à Saint-Pair-sur-Mer par l'entreprise Kelisa, reprise en 1993 par la SOCIETE GRANDIS, et qui avait la qualité de déléguée syndicale, a, le 10 octobre 2005, été déclarée inapte à son emploi par le médecin du travail, mais reconnue apte à tenir un autre emploi en raison de sa polyvalence ; que, par une décision du 11 mai 2006, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour inaptitude physique de Mme A ; que, saisi d'un recours hiérarchique, le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a annulé cette décision le 15 septembre 2006 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-32-5 du code du travail alors applicable : Si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. (...) / S'il ne peut proposer un autre emploi, l'employeur est tenu de faire connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. (...) / L'employeur ne peut prononcer le licenciement que s'il justifie soit de l'impossibilité où il se trouve de proposer un emploi dans les conditions prévues ci-dessus, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions ;
Considérant qu'en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique consécutive à un accident du travail, il appartient à l'inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des possibilités de reclassement du salarié dans l'entreprise ou d'adaptation de son poste de travail ;
Considérant que c'est par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation et sans commettre d'erreur de droit que la cour administrative d'appel, d'une part, a relevé que la SOCIETE GRANDIS n'avait, à aucun moment, envisagé une modification de l'organisation de son activité et, d'autre part, a jugé que cette société s'était bornée à affirmer qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de proposer à Mme A un poste compatible avec ses aptitudes physiques sans rechercher sérieusement, par la mise en oeuvre des mesures prévues par l'article L. 122-32-5 du code du travail précité, si cette dernière pouvait se voir offrir, eu égard à sa polyvalence, un poste de reclassement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE GRANDIS n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la SOCIETE GRANDIS et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière le versement à Mme A d'une somme de 3 000 euros au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la SOCIETE GRANDIS est rejeté.
Article 2 : La SOCIETE GRANDIS versera à Mme A la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE GRANDIS, à Mme Annette A et au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.