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09/06/2010 | FRANCE | N°320027

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 09 juin 2010, 320027


Vu le pourvoi, enregistré le 25 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Jean- Pierre A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 3 juin 2008 par laquelle la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2007 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en tant que cet arrêté le reclasse au 8ème échelon du grade d'inspecteur des impôts à compter du 1er septembre 2006 ;

2°) réglant l'affair

e au fond, de faire droit à sa demande présentée devant le tribunal administrati...

Vu le pourvoi, enregistré le 25 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. Jean- Pierre A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 3 juin 2008 par laquelle la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2007 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en tant que cet arrêté le reclasse au 8ème échelon du grade d'inspecteur des impôts à compter du 1er septembre 2006 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande présentée devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 95-866 du 2 août 1995 ;

Vu le décret n° 2006-1827 du 23 décembre 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Vareille, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boutet, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, rapporteur public,

- La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boutet, avocat de M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (... ) / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que (...) des moyens inopérants (...) ; qu'un moyen inopérant est un moyen qui, même s'il était fondé, serait sans influence possible sur la solution du litige dans lequel il a été soulevé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, contrôleur principal des impôts, après avoir été inscrit sur la liste d'aptitude prévue par les dispositions du 2° de l'article 7 du décret du 2 août 1995 fixant le statut particulier des personnels de catégorie A des services déconcentrés de la direction générale des impôts et après avoir effectué à compter du 1er septembre 2005 la période probatoire d'un an prévue par l'article 17 de ce décret, a été, par un arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 9 mars 2007 pris en application de l'article 4 du même décret, titularisé dans le grade d'inspecteur des impôts à compter du 1er septembre 2006 ; que, par ce même arrêté, M. A a été reclassé à compter de la même date au 8ème échelon de son grade par application des dispositions du II de l'article 18 du décret du 2 août 1995 dans sa rédaction antérieure au décret du 23 décembre 2006 ; que M. A a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2007 en tant que cet arrêté le reclasse au 8ème échelon de son grade en invoquant un unique moyen tiré de ce que le ministre aurait dû lui faire application des dispositions de l'article 18 du décret du 2 août 1995 dans sa rédaction issue du décret du 23 décembre 2006 ; que, par une ordonnance du 3 juin 2008, la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande au motif que le ministre avait à bon droit appliqué, pour fixer son reclassement, non pas le texte en vigueur à la date de signature de l'arrêté prononçant sa titularisation mais le texte en vigueur à la date à laquelle sa titularisation prenait effet ; qu'une telle motivation écarte le moyen comme non fondé et non pas comme inopérant, contrairement aux mentions de l'ordonnance ; que, par suite, la décision de rejet prise par cette ordonnance n'entre pas dans le champ d'application des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et ne pouvait dès lors être adoptée que par une formation collégiale ; qu'il en résulte que, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi, M. A est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance de la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse du 3 juin 2008 ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 du décret du 2 août 1995 : Les fonctionnaires de la catégorie A des services déconcentrés de la direction générale des impôts sont répartis dans les grades, classes et échelons ci-dessous : / (...) 7° Inspecteur : douze échelons (...) ; qu'aux termes de l'article 4 : Le ministre chargé du budget nomme à tous les emplois de la catégorie A des services déconcentrés de la direction générale des impôts. Il prononce les titularisations dans les grades correspondants ; qu'aux termes de l'article 17 : Les fonctionnaires recrutés au titre des 2° et 3° de l'article 7 ci-dessus sont détachés dans un emploi d'inspecteur et doivent assurer les fonctions correspondant à ce grade pendant une période probatoire d'un an qui peut être renouvelée une fois lorsque leur aptitude n'a pas été complètement établie à l'issue de la première année. / Lorsque leur manière de servir n'a pas été jugée satisfaisante à l'issue de la période probatoire d'un an, éventuellement prorogée, ils sont réintégrés dans leur corps d'origine (...) / A l'issue de la période probatoire, les fonctionnaires dont la manière de servir est jugée satisfaisante sont titularisés dans le grade d'inspecteur (...) ; que la titularisation d'un fonctionnaire après un stage repose nécessairement sur une appréciation de son aptitude à la fin de son stage ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, jugeant satisfaisante la manière de servir de M. A pendant la période probatoire d'un an qui s'était écoulée du 1er septembre 2005 au 31 août 2006, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a décidé, par un arrêté du 9 mars 2007, de le titulariser dans le grade d'inspecteur des impôts ; que, pour régulariser la situation de l'intéressé, il a donné effet à compter du 1er septembre 2006 à sa titularisation dans le grade et, par voie de conséquence, à son reclassement dans ce grade qu'il a prononcé par le même arrêté ; que la situation de M. A doit dès lors être regardée, en ce qui concerne son reclassement, comme définitivement constituée à la date du 1er septembre 2006 ; qu'il en résulte qu'était applicable à son reclassement le décret du 2 août 1995 dans sa rédaction en vigueur à la date du 1er septembre 2006 ;

Considérant que, conformément au principe de non-rétroactivité des actes administratifs, les dispositions transitoires de l'article 35 du décret du 23 décembre 2006 relatif aux règles de classement d'échelon consécutif à la nomination dans certains corps de catégorie A de la fonction publique de l'Etat prévoient que les nouvelles règles de reclassement édictées par ce décret ne s'appliquent qu'aux décisions prenant effet postérieurement à leur entrée en vigueur ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par M. A de ce que le ministre chargé du budget aurait dû fixer son reclassement lors de sa titularisation dans le grade d'inspecteur des impôts en faisant application des dispositions de l'article 18 du décret du 2 août 1995 dans sa rédaction issue du décret du 23 décembre 2006 doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que le moyen tiré des dispositions de l'article 5 du décret du 23 décembre 2006 est inopérant dès lors que la situation de M. A n'est pas régie par ce décret ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 9 mars 2007 en tant que cet arrêté le classe au 8ème échelon du grade d'inspecteur des impôts ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 3 juin 2008 de la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Pierre A et au ministre du budget, des comptes publics, et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 320027
Date de la décision : 09/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT - PRINCIPES INTÉRESSANT L'ACTION ADMINISTRATIVE - NON RÉTROACTIVITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - MÉCONNAISSANCE - ABSENCE - TITULARISATION D'UN AGENT PUBLIC PRENANT EFFET À LA DATE DE FIN DE SON STAGE [RJ1].

01-04-03-07-05 Lorsqu'un agent public est titularisé après son stage, cette titularisation, donc le reclassement de l'agent, prend nécessairement effet à la date de fin de stage, cette rétroactivité étant nécessaire à la régularisation de la situation de l'agent. Le principe de non-rétroactivité des actes administratifs n'est donc pas méconnu.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - ENTRÉE EN SERVICE - STAGE - FIN DE STAGE - TITULARISATION APRÈS LE STAGE - DATE D'EFFET - DATE DE FIN DU STAGE [RJ1] - CONSÉQUENCE - APPLICATION DE LA RÉGLEMENTATION EN VIGUEUR À CETTE DATE.

36-03-04-01 Lorsqu'un agent public est titularisé après son stage, cette titularisation, donc le reclassement de l'agent, prend nécessairement effet à la date de fin de stage. Les textes applicables à la décision de titularisation sont ceux en vigueur à la date de fin de stage, et non à celle de cette décision.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CHANGEMENT DE CADRES - RECLASSEMENTS - INTÉGRATIONS - TITULARISATION APRÈS LE STAGE - DATE D'EFFET - DATE DE FIN DU STAGE [RJ1] - CONSÉQUENCE - APPLICATION DE LA RÉGLEMENTATION EN VIGUEUR À CETTE DATE.

36-04 Lorsqu'un agent public est titularisé après son stage, cette titularisation, donc le reclassement de l'agent, prend nécessairement effet à la date de fin de stage. Les textes applicables à la décision de titularisation sont ceux en vigueur à la date de fin de stage, et non à celle de cette décision.


Références :

[RJ1]

Ab. jur., s'agissant de l'impossibilité de titulariser rétroactivement l'agent à compter de la date de fin de stage, 13 octobre 1989, Linget, n° 78446, T. p. 472 ;

25 juin 1997, Serreau, n° 149605, inédite au Recueil. Comp., dans le cas où l'administration refuse de titulariser l'agent après son stage en raison d'insuffisances professionnelles, de sorte que le stage doit être regardé comme s'étant prolongé jusqu'à la date du refus, Section, 16 mars 1979, Stephan, n° 11552, p. 120.


Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2010, n° 320027
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. François Vareille
Avocat(s) : SCP BOUTET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:320027.20100609
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