Vu le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le mémoire rectificatif, enregistrés les 31 décembre 2007, 28 février 2008 et 27 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DU HAVRE, dont le siège est Hôpital Jacques Monod 55 bis rue Gustave Flaubert au Havre Cedex (76083) ; le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DU HAVRE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 30 octobre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Douai, après avoir annulé le jugement en date du 6 décembre 2006 du tribunal administratif de Rouen, a d'une part, condamné le groupe hospitalier du Havre à verser à M. et Mme Thierry A la somme de 9 100 euros au titre de leur préjudice matériel, la somme de 116 000 euros au titre des arrérages de la rente et une rente annuelle de 16 000 euros pour leur fils Armand et d'autre part, condamné le groupe hospitalier du Havre à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre la somme de 198 820,52 euros ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de M. et Mme A devant la cour administrative d'appel de Douai ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean de L'Hermite, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du CENTRE HOSPITALIER GENERAL DU HAVRE, de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. et Mme A et de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Havre,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du CENTRE HOSPITALIER GENERAL DU HAVRE, à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. et Mme A et à la SCP Peignot, Garreau, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Havre ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 29 juin 1999, Mme A, qui était dans sa 27ème semaine de grossesse s'est, à la suite de douleurs, présentée à la maternité du CENTRE HOSPITALIER GENERAL DU HAVRE ; qu'à l'examen de la patiente le médecin et la sage femme de permanence ont constaté que la poche des eaux bombait dans le vagin jusqu'à l'orifice vulvaire ; qu'ils en ont déduit que le col de l'utérus était entièrement dilaté et que Mme A était sur le point d'accoucher ; qu'ils ont alors, afin de faciliter l'accouchement, décidé de rompre la poche des eaux pour accéder au col de l'utérus et en ôter le fil de cerclage qui avait été posé à la 15ème semaine de grossesse ; qu'au décours de cette opération, il a été constaté que le col de l'utérus était en réalité à peine dilaté ; que Mme A a donné naissance quelques heures plus tard à un enfant qui souffre de troubles sérieux du fait de sa naissance prématurée ; qu'attribuant le préjudice résultant de la naissance prématurée de leur enfant à une erreur de diagnostic et à une décision inappropriée de rupture de la poche des eaux prise par les praticiens, M. et Mme A ont recherché la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER GENERAL DU HAVRE ; que par un jugement du 6 décembre 2006, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande ; que par un arrêt du 30 octobre 2007, la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement et condamné le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DU HAVRE à verser diverses indemnités aux époux A, en leur nom propre et en celui de leur fils mineur, ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre ; que le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DU HAVRE se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Considérant qu'en jugeant qu'il résultait de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif, que si le médecin et la sage femme qui avaient examiné Mme A avaient exactement diagnostiqué que la poche des eaux était bombée et descendait dans le vagin de la patiente, ce qui rendait inévitable un accouchement prématuré à bref délai, ils avaient toutefois commis une erreur de diagnostic, que des examens plus approfondis auraient permis d'éviter, en déduisant de cette constatation que le col de l'utérus était dilaté et l'accouchement imminent, la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ; qu'en jugeant que cette erreur de diagnostic, qui avait entraîné la décision de déclencher immédiatement l'accouchement, afin d'en faciliter le déroulement, au lieu de chercher à le retarder le temps nécessaire à l'administration d'un traitement susceptible de réduire certaines séquelles d'une naissance prématurée, constituait une faute de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier, qui avait fait perdre à l'enfant une chance d'échapper à une partie au moins de ces séquelles, la cour administrative d'appel, qui n'a pas davantage dénaturé les pièces du dossier, n'a pas commis d'erreur de droit ni qualifié inexactement les faits de l'espèce ;
Considérant toutefois que, dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé, n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter ce dommage ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ; que par suite, en fixant le montant de l'indemnité due par le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DU HAVRE à la totalité du préjudice subi par les requérants après avoir pourtant relevé que la faute imputable au service public hospitalier n'avait fait perdre qu'une chance à l'enfant de M. et Mme A d'échapper à une partie des séquelles de sa naissance prématurée, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER DU HAVRE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé, en tant seulement qu'il a déterminé le montant des indemnités dues aux époux A pour leur compte et celui de leur enfant, ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge du CENTRE HOSPITALIER GENERAL DU HAVRE, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que demandent M. et Mme A et la caisse primaire d'assurance maladie du Havre au titre des frais exposés par eux devant le Conseil d'Etat ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 30 octobre 2007 est annulé en tant qu'il a déterminé le montant des indemnités dues par le CENTRE HOSPITALIER GENERAL DU HAVRE aux époux A, en leur nom et en celui de leur enfant mineur, ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi du CENTRE HOSPITALIER GENERAL DU HAVRE est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de M. et Mme A et de la caisse primaire d'assurance maladie du Havre tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER GENERAL DU HAVRE, à M. et Mme Thierry A et à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre.