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07/10/2009 | FRANCE | N°309499

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 07 octobre 2009, 309499


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 septembre et 18 décembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES, dont le siège est Aéroport International de Tahiti Faa'a BP 177 à Papeete (98714), Polynésie française ; la SOCIETE D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif de Polynésie française du 24 mai 2005 par lequel

le tribunal administratif de Polynésie française a rejeté la demande d...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 septembre et 18 décembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES, dont le siège est Aéroport International de Tahiti Faa'a BP 177 à Papeete (98714), Polynésie française ; la SOCIETE D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 28 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif de Polynésie française du 24 mai 2005 par lequel le tribunal administratif de Polynésie française a rejeté la demande de la société hôtelière et de restauration touristique tendant à l'annulation des redevances commerciales pour l'activité de catering prévues à l'annexe 2 de la convention conclue le 30 août 1999 et des stipulations de l'annexe précitée déterminant le mode de calcul desdites redevances ;

2°) de mettre à la charge de la société hôtelière et de restauration touristique la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré enregistré le 2 septembre 2009 présentée pour la SETIL ;

Vu la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 ;

Vu la loi n° 96-313 du 12 avril 1993 ;

Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

Vu la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 ;

Vu le code de l'aviation civile et notamment son article R. 224-1 ;

Vu le décret n° 74- 14 du 4 janvier 1974 ;

Vu le décret n° 2002-24 du 3 janvier 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Laurent, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SOCIETE D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES et de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la société Newrest,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, avocat de la SOCIETE D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES et à la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la société Newrest ;

Considérant que la SOCIETE D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES (SETIL) Aéroports, société concessionnaire de l'exploitation des aéroports de Tahiti-Faa'a et de Bora-Bora, introduit un pourvoi en cassation contre l'arrêt en date du 28 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 24 mai 2005 du tribunal administratif de Polynésie française ayant rejeté la demande de la société hôtelière de restauration touristique (SHRT), devenue la société Newrest, tendant à ce que ce tribunal prononce la nullité de la clause figurant à l'annexe 2 de la convention d'occupation temporaire de dépendances du domaine public aéronautique en date du 30 août 1999 conclu entre la SETIL Aéroports et la SHRT, en tant qu'elle fixe le montant des redevances pour services rendus dues par cette société au titre de son activité de catering à SETIL Aéroports ;

Considérant qu' il résulte des stipulations du contrat d'occupation temporaire de dépendances du domaine public aéronautique en date du 30 août 1999 conclu entre la SETIL Aéroports et la SHRT qu'elles prévoient la perception de redevances pour services rendus résultant de la seule mise en oeuvre de l'article R. 224-1 du code de l'aviation civile applicable en Polynésie française en vertu du décret du 4 janvier 1974, dans sa rédaction complétée par le décret du 3 janvier 2002, aux termes duquel R.224-1 : Sur tout aérodrome ouvert à la circulation aérienne publique, les services rendus aux usagers et au public donnent lieu à une rémunération, sous la forme de redevances perçues au profit de la personne qui fournit le service, notamment à l'occasion des opérations suivantes : Atterrissage des aéronefs ; Usage des dispositifs d'assistance à la navigation aérienne ; Stationnement et abri des aéronefs ; Usage des installations aménagées pour la réception des passagers et des marchandises ; Usage d'installations et d'outillages divers ; Occupation de terrains et d'immeubles ; Visite de tout ou partie des zones réservées de l'aérodrome ; Accès à certaines parties de la zone publique. Les redevances devront être appropriées aux services rendus. Les redevances revenant à l'Etat, à des collectivités publiques et établissements publics sont perçues par un comptable public. Elles sont recouvrées selon les règles propres à la collectivité ou à l'établissement qui en bénéficie et en ce qui concerne l'Etat, selon les règles prévues en matière de créances domaniales ou en vertu de titres de perception émis par les préfets. Lorsque les redevances sont perçues au comptant leur encaissement peut être assuré par un régisseur ; que ces dispositions autorisent la perception de redevances pour services rendus aux usagers ou au public sur tout aérodrome ouvert à la circulation publique aérienne à l'occasion d'occupations de terrains et d'immeubles ; que par suite, relèvent du champ d'application des dispositions de l'article R. 224-1, les redevances pour les services rendus par SETIL Aéroports à la société hôtelière de restauration touristique (SHRT), pour exercer les activités d'exploitation de bars de restauration rapide, de self-service, de restaurants, et de catering, activité consistant en une activité de traiteur auprès des aéronefs des compagnies faisant escale sur les aéroports, et pour laquelle l'annexe 2 à cette convention prévoit le versement par la société SHRT à la SETIL, de redevances dont le montant est calculé, pour les compagnies aériennes, en pourcentage du chiffre d'affaires mensuel réalisé par la SHRT auprès d'elles et variable selon les compagnies en cause ;

Considérant qu'une redevance pour service rendu, pour être légalement établie, doit essentiellement trouver une contrepartie directe dans la prestation fournie par le service ou le cas échéant l'utilisation d'un ouvrage public, et par conséquent doit correspondre à la valeur de la prestation ou du service ; que, si l'objet du paiement que l'administration peut réclamer à ce titre est en principe de couvrir les charges de service public, il n'en résulte pas nécessairement que le montant de la redevance ne puisse excéder le coût de la prestation fournie ; qu'il s'en suit que le respect de la règle d'équivalence entre le tarif d'une redevance et la valeur de la prestation ou du service peut être assuré non seulement en retenant le prix de revient de ce dernier, mais aussi en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire ; que, dans tous les cas, le tarif doit être établi selon des critères objectifs et rationnels, dans le respect du principe d'égalité entre les usagers du service public et des règles de la concurrence ;

Considérant que la cour administrative d'appel de Paris, pour juger illégale les redevances pour l'activité de catering dues par la SHRT, s'est fondée sur ce que les redevances en cause n'étaient pas calculées sur le seul service rendu mais sur le chiffre d'affaires réalisé auprès des compagnies aériennes ; qu'en statuant ainsi alors que la rémunération pour services rendus peut, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, tenir compte de la valeur économique des avantages procurés à la société utilisatrice de l'ouvrage ou du service public, la cour a commis une erreur de droit ;

Considérant que la SHRT soutient que la reprise rétroactive de la jurisprudence nouvelle résultant de la décision d'Assemblée du Conseil d'Etat du 16 juillet 2007 aurait pour effet de la priver du droit de toute personne à un procès équitable énoncé à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions protectrices du droit de propriété prévues à l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite convention ; que toutefois l'application rétroactive d'une jurisprudence nouvelle, qui ne comporte pas de réserve relative à son application dans le temps, n'est que l'effet des voies normales de recours au juge, et en particulier du contrôle du juge de cassation, et ne méconnaît pas les dispositions conventionnelles précitées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêt de la cour doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la recevabilité de la demande de la SHRT devant le tribunal administratif de Polynésie française :

Considérant que le caractère indivisible d'une clause contractuelle au regard de l'ensemble du contrat ne fait pas obstacle à la recevabilité, devant le juge du contrat, d'une action en nullité introduite par l'une des parties au contrat et tendant à ce que cette clause soit déclarée nulle ; que cette indivisibilité implique seulement que, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité de cette clause, le juge se prononce sur les conséquences à ce titre sur le contrat dans son ensemble, après en avoir, le cas échéant, informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; que, par suite les conclusions de la demande présentée par la SHRT devant le tribunal administratif de Polynésie française et tendant à ce que ce tribunal prononce la nullité de la clause figurant à l'annexe 2 du contrat fixant le mode de calcul des redevances pour l'activité de catering ,étaient recevables ;

Sur la légalité des redevances :

Considérant en premier lieu, que la clause figurant à l'annexe 2 de la convention qui liait la SHRT et la SEDIL Aéroports établissait le taux des redevances commerciales spécifiques à l'activité de catering par les dispositions suivantes : Air France : 5% du chiffre d'affaires mensuel/ autres compagnies 7 % du chiffre d'affaires mensuel /. /Note : à compter du 1er octobre 2000 et chaque premier janvier par la suite, les redevances commerciales ci-dessus seront augmentées de 0,25% et ce jusqu' atteindre respectivement les taux de 7% et 9%. Ainsi en 2000, ces redevances seront respectivement de 5,25% et de 7,25% ;

Considérant en premier lieu qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R. 224-1 du code de l'aviation civile en vigueur en Polynésie Française pendant le contrat du 30 août 1999, que des redevances pour services rendus peuvent être perçues sur l'usager des zones publiques des aérodromes au titre de l'occupation de terrains et d'immeubles ; que ces redevances peuvent tenir compte de la valeur économique des avantages procurés à la société utilisatrice du domaine public ; qu'ainsi, la dite clause pouvait légalement prévoir, sans méconnaître les dispositions de l'article R. 224-1 précité, que la redevance pour services rendus dont la SHRT était redevable à SEDIL Aéroports, était calculée proportionnellement au chiffre d'affaires réalisé par la SHRT avec les compagnies aériennes qui recourent à ses services ;

Considérant, en second lieu, que si la SHRT soutient que les dispositions précitées méconnaîtraient le principe d'égalité de traitement entre les usagers du service public en ce que les taux des redevances dont elle est redevable à la SEDIL Aéroports sont d'un montant différent selon qu'ils s'appliquent aux prestations servies par elle à la compagnie Air-France ou aux autres compagnies aériennes, ce moyen est inopérant dès lors que ces différents taux résultent du contrat qui lie la SHRT, en tant que sous concessionnaire, à la SETIL, et ne sont pas directement opposables aux compagnies aériennes ; qu'ainsi le moyen tiré de la violation du principe de l'égalité de traitement entre les usagers du service public ne peut être utilement soutenu par la SHRT ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SHRT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande tendant à ce qu'il prononce la nullité de la clause litigieuse ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de la SETIL Aéroports de mettre à la charge de la société Newrest, la somme de 5 000 euros au titre des frais prévus en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société Newrest de mettre à la charge de SETIL Aéroports, qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, la somme qu'elle demande au titre des frais prévus par l'article L. 761-1 du code de justice administrative et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 28 mai 2007 est annulé.

Article 2 : La demande de la société hôtelière de restauration touristique présentée devant le tribunal administratif de Polynésie française est rejetée.

Article 3 : La Société Newrest est condamnée à payer à la SOCIETE D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES (SEDIL) Aéroports la somme de 5 000 euros.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE D'EQUIPEMENT DE TAHITI ET DES ILES et à la société Newrest.

Une copie sera transmise à la société hôtelière et de restauration touristique.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 309499
Date de la décision : 07/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - PARAFISCALITÉ - REDEVANCES ET TAXES DIVERSES - REDEVANCES - REPRISE RÉTROACTIVE DE LA JURISPRUDENCE NOUVELLE RELATIVE À LA POSSIBILITÉ DE PRENDRE EN COMPTE LA VALEUR ÉCONOMIQUE DE LA PRESTATION POUR FIXER UNE REDEVANCE - QUI NE COMPORTE PAS DE RÉSERVE RELATIVE À SON APPLICATION DANS LE TEMPS - EFFET DES VOIES NORMALES DE RECOURS AU JUGE - RISQUE D'ATTEINTE RÉTROACTIVE AU DROIT AU RECOURS - ABSENCE EN L'ESPÈCE [RJ1].

19-08-02 La reprise rétroactive d'une jurisprudence nouvelle - en l'espèce, celle de la décision d'assemblée du 16 juillet 2007, Syndicat national de défense de l'exercice libéral de la médecine à l'hôpital et autre, n°s 293229 293254, p. 349, relative à la possibilité de prendre en compte la valeur économique de la prestation pour la fixation de redevances, qui ne comporte pas de réserve relative à son application dans le temps, n'est que l'effet des voies normales du recours au juge, en particulier du recours en cassation.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - REPRISE RÉTROACTIVE DE LA JURISPRUDENCE NOUVELLE RELATIVE À LA POSSIBILITÉ DE PRENDRE EN COMPTE LA VALEUR ÉCONOMIQUE DE LA PRESTATION POUR FIXER UNE REDEVANCE - QUI NE COMPORTE PAS DE RÉSERVE RELATIVE À SON APPLICATION DANS LE TEMPS - EFFET DES VOIES NORMALES DE RECOURS AU JUGE - RISQUE D'ATTEINTE RÉTROACTIVE AU DROIT AU RECOURS - ABSENCE EN L'ESPÈCE [RJ1].

54-07-01 La reprise rétroactive d'une jurisprudence nouvelle - en l'espèce, celle de la décision d'assemblée du 16 juillet 2007, Syndicat national de défense de l'exercice libéral de la médecine à l'hôpital et autre, n°s 293229 293254, p. 349, relative à la possibilité de prendre en compte la valeur économique de la prestation pour la fixation de redevances, qui ne comporte pas de réserve relative à son application dans le temps, n'est que l'effet des voies normales du recours au juge, en particulier du recours en cassation.


Références :

[RJ1]

Comp. Assemblée, 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, n° 291545, p. 361.


Publications
Proposition de citation : CE, 07 oct. 2009, n° 309499
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Dominique Laurent
Rapporteur public ?: M. Boulouis Nicolas
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU ; SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:309499.20091007
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