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30/09/2009 | FRANCE | N°326230

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 30 septembre 2009, 326230


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mars 2009 et 1er avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 3 mars 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution des décisions du 25 novembre 2008 par lesquelles le maire a résili

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mars 2009 et 1er avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 3 mars 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution des décisions du 25 novembre 2008 par lesquelles le maire a résilié la convention de partenariat signée le 15 février 1988 entre la commune et la maison des jeunes et de la culture ainsi que le contrat de financement du poste de son directeur signé le 10 mars 1988 ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter la demande de suspension de la maison des jeunes et de la culture ;

3°) de mettre à la charge de la maison des jeunes et de la culture le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cytermann, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE et de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la maison des jeunes et de la culture,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la maison des jeunes et de la culture ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le conseil municipal de Saint-Pol-sur-Ternoise a décidé, par une délibération du 13 novembre 2008, de résilier la convention de partenariat du 15 février 1988, signée entre la COMMUNE de SAINT-POL-SUR-TERNOISE et la maison des jeunes et de la culture, association loi 1901, et de dénoncer le contrat de financement du poste de directeur de cette dernière, signé le 10 mars 1988 entre la commune, la Fédération régionale des maisons des jeunes et de la culture du Nord-Pas-de-Calais (FRMJC) et le Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP) ; que par un courrier du 25 novembre 2008, le maire de Saint-Pol-sur-Ternoise a exécuté ces décisions et a notifié au président de la maison des jeunes et de la culture la résiliation des deux conventions ; que la maison des jeunes et de la culture a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande d'annulation des résiliations ainsi prononcées ; qu'elle a assorti ce recours d'une demande de suspension de ces décisions, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; que par une ordonnance du 3 mars 2009, le juge des référés du tribunal administratif a fait droit à cette demande et prononcé la suspension de l'exécution des décisions du 25 novembre 2008 ; que la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE se pourvoit contre cette ordonnance ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant que la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE soutient que le juge des référés a commis une erreur de droit en admettant la recevabilité des demandes de la maison des jeunes et de la culture alors que celle-ci aurait été partie aux deux conventions et donc insusceptible de saisir le juge de l'excès de pouvoir ;

Considérant que le juge administratif n'a pas en principe le pouvoir de prononcer l'annulation de la décision de résiliation d'un contrat par l'administration, sauf dans le cas de la résiliation d'un contrat de recrutement d'un agent public, d'un contrat d'occupation du domaine public ou d'un contrat imposant au cocontractant de réaliser des investissements qui ne peuvent être amortis que sur une longue durée ; que hormis ces exceptions, il lui appartient seulement de rechercher si ces décisions sont intervenues dans des conditions de nature à ouvrir au profit du co-contractant un droit à indemnité ;

Considérant que la convention de partenariat du 15 février 1988 n'a pas pour objet principal l'occupation du domaine public, mais porte sur l'ensemble des moyens immobiliers, matériels et financiers que la commune met à la disposition de l'association maison des jeunes et de la culture pour lui permettre d'accomplir des missions relevant du service public culturel communal, sous le contrôle de la commune, s'agissant notamment du recrutement de son personnel par le cocontractant ; que la convention n'impose pas au cocontractant de la commune de réaliser des investissements importants ne pouvant être amortis que sur longue durée ; qu'il s'ensuit que la maison des jeunes et de la culture n'était pas recevable à contester la décision de résiliation de cette convention de partenariat par la voie d'une requête en annulation, comme l'exige la mise en oeuvre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; que, par suite, l'ordonnance attaquée, qui suspend l'exécution de cette décision, est entachée d'une erreur de droit, laquelle affecte dans sa globalité l'ordonnance ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ordonnance attaquée doit être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à la suspension de la résiliation de la convention de partenariat :

Considérant, ainsi qu'il a été dit, que la maison des jeunes et de la culture n'est pas recevable à demander au juge administratif l'annulation de la résiliation de la convention de partenariat du 15 février 1988 ; que sa demande de suspension sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit donc être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à la suspension de la résiliation du contrat de financement du poste de directeur :

Considérant que le contrat de financement du poste de directeur stipule que sa résiliation donne lieu à un préavis courant jusqu'au 31 décembre de l'année suivante ; que la résiliation étant intervenue le 25 novembre 2008, le terme stipulé par le contrat est le 31 décembre 2010 ; que la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE n'est donc pas fondée à soutenir que la demande de suspension de cette résiliation est sans objet, au motif que la décision de résilier aurait cessé de produire ses effets ;

Considérant que si la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE soutient que la maison des jeunes et de la culture ne peut demander la suspension de la résiliation d'un contrat auquel elle est partie, il résulte de l'instruction que les seuls cocontractants de la commune sont, ainsi qu'il est dit ci-dessus, la FRMJC et le FONJEP ;

Considérant, qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ; que la décision du maire de résilier le contrat de financement du poste de directeur qui, quoique mettant en oeuvre la délibération du conseil municipal du 13 novembre 2008, n'avait pas un caractère purement confirmatif, a été notifiée à la maison des jeunes et de la culture sans mention des voies et délais de recours ; que la circonstance que le président de la maison des jeunes et de la culture ait été membre du conseil municipal de Saint-Pol-sur-Ternoise et qu'il ait participé à la délibération du 13 novembre 2008 est sans incidence sur le point de départ des délais de recours ; qu'il résulte de ce qui précède que la demande d'annulation de la résiliation du contrat du contrat de financement du poste de directeur n'était pas tardive ; que par suite, la commune ne peut soutenir que la maison des jeunes et de la culture ne pourrait en demander la suspension pour ce motif ;

Sur l'urgence :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la résiliation du contrat de financement a pour conséquence, à l'issue du préavis, de priver la maison des jeunes et de la culture d'une part substantielle de ses ressources et de perturber de manière importante son fonctionnement ; que par un jugement du 19 janvier 2009, le tribunal de grande instance d'Arras a constaté l'état de cessation des paiements de l'association et a ouvert une procédure de redressement judiciaire ; que compte tenu de ces circonstances, la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie ;

Sur le doute sérieux :

Considérant que le contrat de financement du poste de directeur pouvait légalement prévoir son entrée en vigueur rétroactive entre parties ; que la commune n'est pas fondée à soutenir qu'il serait entaché pour ce motif de nullité et qu'elle aurait été pour ce motif tenue de le résilier ;

Considérant que l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales dispose : Dans les communes de 3500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal./ Si la délibération concerne un contrat de service public, le projet de contrat ou de marché accompagné de l'ensemble des pièces peut, à sa demande, être consulté à la mairie par tout conseiller municipal dans les conditions fixées par le règlement intérieur./ Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. En cas d'urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc./ Le maire en rend compte dès l'ouverture de la séance au conseil municipal qui se prononce sur l'urgence et peut décider le renvoi de la discussion, pour tout ou partie, à l'ordre du jour d'une séance ultérieure. ; qu'aux termes de l'article L. 2121-13 : Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. ; qu'il résulte de ces dispositions que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, la convocation aux réunions du conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse sur chacun des points de l'ordre du jour ; que le défaut d'envoi de cette note entache d'irrégularité les délibérations prises à moins que le maire n'ait fait parvenir aux conseillers municipaux, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information répondant aux exigences de l'article L. 2121-12 ;

Considérant que la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE compte plus de 3 500 habitants ; qu'il résulte de l'instruction qu'aucune note explicative de synthèse ni aucun document équivalent relatif à la résiliation des conventions proposée par le maire n'a accompagné la convocation au conseil municipal du 13 novembre 2008 ; que cette circonstance est de nature, en l'état de l'instruction, à jeter un doute sérieux sur la légalité de la décision ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la maison de jeunes et de la culture est fondée à demander la suspension de la décision de résiliation du contrat de financement de son poste de directeur en date du 25 novembre 2008 ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 3 mars 2009 du juge des référés du tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision du maire de Saint-Pol-sur-Ternoise, en date du 25 novembre 2008, de résilier le contrat de financement du poste de directeur de la maison des jeunes et de la culture est suspendue.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE et de la maison des jeunes et de la culture est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SAINT-POL-SUR-TERNOISE et à la maison des jeunes et de la culture.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 30 sep. 2009, n° 326230
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: Mme Dominique Laurent
Rapporteur public ?: M. Boulouis Nicolas
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Date de la décision : 30/09/2009
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 326230
Numéro NOR : CETATEXT000021298026 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2009-09-30;326230 ?
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