Vu la requête, enregistrée le 9 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Alexey A, Mme Marina B et Mme Nina B demeurant ... ; M. A et les autres requérants demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite résultant du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur leur recours dirigé contre les décisions du consul général de France à Moscou leur refusant un visa d'entrée et de long séjour en France, ensemble la décision en date du 14 octobre 2004 confirmant ces décisions ;
2°) d'enjoindre au consul général de France à Moscou de délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France aux intéressés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Paule Dayan, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par les décisions contestées, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France doit être regardée comme ayant rejeté le recours de M. Alexey A, ainsi que de Mmes Marina et Nina B, son ex-épouse et sa mère, dirigé contre la décision du consul général de France à Moscou leur refusant un visa d'entrée et de long séjour en France ; que les requérants auxquels des visas de court séjour d'un an dits de « circulation » ont été délivrés le 16 février 2004, demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir les seules décisions de refus de visas d'entrée et de long séjour ;
Sur les conclusions du ministre des affaires étrangères tendant à ce que le Conseil d'Etat donne acte du désistement des conclusions de la requête, en tant qu'elles sont dirigées contre le refus de visa de long séjour opposé à M. A ;
Considérant que si M. A a fait savoir devant la commission de recours qu'il se satisferait d'un visa de court séjour, cette affirmation ne saurait être regardée, en l'absence d'autres éléments produits au cours de la procédure devant le Conseil d'Etat, comme équivalant à un désistement ; que, par suite, les conclusions susanalysées du ministre des affaires étrangères doivent être rejetées ;
Sur les conlusions dirigées contre le refus de visa de long séjour opposé à M. A :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. A, directeur général d'un parc d'attraction en Russie, disposait d'une épargne de 60 000 euros pour financer son séjour en France et d'une propriété dans le sud de la France ; qu'ainsi, en fondant sa décision tendant au refus du visa sollicité sur l'insuffisance des ressources de l'intéressé, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de la décision du 14 octobre 2004 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Moscou lui refusant un visa d'entrée et de long séjour en France ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'eu égard aux motifs de la présente décision, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de prescrire au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de M. A, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;
Sur les conclusions dirigées contre les refus de visa de long séjour opposés à Mme Marina B et à Mme Nina C :
Considérant que par les décisions attaquées, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté les recours des intéressées contre les décisions du consul général de France à Moscou refusant de leur délivrer des visas de long séjour au motif qu'elles s'étaient vues délivrer des visas de court séjour ; que la circonstance ainsi relevée ne pouvait, à elle seule, justifier légalement de telles décisions ; qu'ainsi, le motif retenu dans les décisions attaquées est entaché d'une erreur de droit ;
Considérant, cependant, que, pour établir que la décision attaquée était légalement fondée, le ministre des affaires étrangères invoque, dans son mémoire en défense communiqué à Mmes Marina et Nina B, un autre motif, tiré de ce que celles-ci ne justifiaient pas, à la date de ces décisions disposer des ressources suffisantes pour séjourner en France durant un an ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Marina B qui travaille en Russie dans l'entreprise de son ex-époux, a fait état lors de sa demande de visa d'un solde créditeur de 16 000 euros de son compte bancaire et que Mme Nina B est prise en charge par un fils qui dispose, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de moyens financiers pour le faire ; que, par suite, en estimant que les intéressées ne disposaient pas des moyens de subsistance leur permettant d'assurer le financement du séjour envisagé, la commission de recours a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il n'y a pas lieu, dès lors, de procéder à la substitution demandée ;
Considérant qu'il suit de là que Mmes Marina et Nina B sont fondées à demander l'annulation des décisions attaquées ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ;
Considérant qu'eu égard aux motifs de la présente décision, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de prescrire au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de Mmes Marina et Nina B dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les décisions de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 14 octobre 2004 refusant un visa long séjour à M. A et à Mmes Marina et Nina B sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer les demandes de M. A et de Mme Marina et Nina B dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Alexey A, Mme Marina B, et à Mme Nina B, et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.