Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 mai et 14 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE GRANDFONTAINE, représentée par son maire, domicilié en cette qualité à la mairie, 1 rue de la mairie à Grandfontaine (25320) ; la COMMUNE DE GRANDFONTAINE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 23 mars 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, sur la requête de M. Charles A, enjoint à la commune de proposer à M. A d'acquérir la parcelle AC 255 à un prix visant à rétablir les conditions de la transaction à laquelle l'exercice alors envisagé du droit de préemption par la commune a fait obstacle et prononcé une astreinte à l'encontre de la commune ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Delion, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de la COMMUNE DE GRANDFONTAINE et de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de M. Dalha,
- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au début de l'année 1994 M. A était en négociation avec M. B aux fins d'acquérir la parcelle n° 118 dont ce dernier était alors propriétaire dans le village de Grandfontaine ; que la commune ayant formé le projet de réaliser un parking sur ce terrain, situé dans une zone où selon le règlement du plan d'occupation des sols le droit de préemption pouvait être exercé, un accord amiable a été conclu le 15 avril 1994 entre le maire, M. A et M. B en application duquel la parcelle a été divisée en deux nouvelles parcelles AC n° 254 et AC n° 255 cédées respectivement à M. A et à la COMMUNE DE GRANDFONTAINE par actes de vente en date des 8 et 10 novembre 1994 et du 8 décembre 1994, la commune renonçant à exercer son droit de préemption ; que, par un jugement du 29 avril 2004, le tribunal administratif de Besançon, sur la requête de M. A, a déclaré nulle et de nul effet une délibération du 6 mai 1994 du conseil municipal de Grandfontaine relative à l'exercice du droit de préemption sur la parcelle AC n° 255 ; que par un arrêt du 23 mars 2006 la cour administrative d'appel de Nancy a confirmé la position du tribunal administratif ; que saisie en application de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, la cour administrative d'appel de Nancy, par un deuxième arrêt du 23 mars 2006, a enjoint à la commune de proposer à M. A d'acquérir cette parcelle à un prix visant à rétablir les conditions de la transaction à laquelle l'exercice alors envisagé du droit de préemption par la commune aurait fait obstacle et prononcé une astreinte à l'encontre de la commune ; que cette dernière se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;
Sur le pourvoi :
Considérant que l'annulation par le juge de l'excès de pouvoir de l'acte par lequel le titulaire du droit de préemption décide d'exercer ce droit emporte pour conséquence que ce titulaire doit être regardé comme n'ayant jamais décidé de préempter ; qu'ainsi cette annulation implique nécessairement, sauf atteinte excessive à l'intérêt général appréciée au regard de l'ensemble des intérêts en présence, que le titulaire du droit de préemption, s'il n'a pas entre temps cédé le bien illégalement préempté, prenne toute mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée ; qu'il lui appartient à cet égard, et avant toute autre mesure, de s'abstenir de revendre à un tiers le bien illégalement préempté ; qu'il doit en outre proposer à l'acquéreur évincé puis, le cas échéant, au propriétaire initial d'acquérir le bien, et ce, à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement sans cause de l'une quelconque des parties les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle ; que, lorsque le juge administratif est saisi de conclusions tendant à ce qu'il prescrive au titre de l'article L. 911-1 ou de l'article L. 911-4 du code de justice administrative les mesures d'exécution qu'implique nécessairement l'annulation de la décision de préemption, il lui appartient, après avoir le cas échéant mis en cause la ou les parties à la vente initialement projetée qui n'étaient pas présentes à l'instance et après avoir vérifié, au regard de l'ensemble des intérêts en présence, que le rétablissement de la situation initiale ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général, de prescrire à l'auteur de la décision annulée de prendre les mesures ci-dessus définies, dans la limite des conclusions dont il est saisi ;
Considérant qu'en faisant application des règles ci-dessus rappelées relatives aux conséquences à tirer de l'annulation de l'acte par lequel le titulaire du droit de préemption décide d'exercer ce droit, alors qu'il avait auparavant expressément relevé que le terrain objet du présent litige avait été acquis par la commune de gré à gré après qu'elle eut renoncé à exercer son droit de préemption, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, par suite, la COMMUNE DE GRANDFONTAINE est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-1 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Sur les conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Nancy au titre de l'article L. 911-4 du code de justice administrative :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'accord précité intervenu le 15 avril 1994 entre M. B, M. A et le maire, relatif au partage à l'amiable de la parcelle n° 118, dont l'existence est constante, la commune a renoncé à exercer son droit de préemption ; que par suite, la seule circonstance que l'acte de vente des 8 et 10 novembre 1994 fasse référence à la délibération du 6 mai 1994 par laquelle le conseil municipal de Grandfontaine aurait autorisé son maire à préempter la parcelle en litige n'est pas de nature à faire regarder cette cession comme fondée sur une décision de préemption ; qu'au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un acte, compromis ou promesse de vente, aurait été signé entre les intéressés ; qu'ainsi, l'existence d'une offre de cession de cette parcelle à M. A ne peut être regardée comme établie ; que ce dernier n'a, dès lors, et en tout état de cause, pas la qualité d' «acquéreur évincé » au sens des règles ci-dessus rappelées relatives aux conséquences de l'annulation d'une décision de préemption ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par M. A sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 23 mars 2006 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. A présentées sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE GRANDFONTAINE, à M. Charles A, à M. B et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.