Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 février et 13 juin 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CHAMBRE DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DE LA CORSE DU SUD, dont le siège est Chemin de la Sposata Lieu-Dit Bacciochi à Ajaccio (20090) ; la CHAMBRE DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DE LA CORSE DU SUD demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 14 décembre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, partiellement annulé, à la demande de M. Jean-Jacques A, le jugement en date du 7 avril 2000 du tribunal administratif de Bastia en tant qu'il a rejeté la demande de ce dernier tendant au versement d'une indemnité en réparation tant du préjudice résultant pour lui de la privation de sa rémunération à la suite du licenciement, que du préjudice moral consécutif à ce licenciement, d'autre part, a condamné la chambre de métiers et de l'artisanat de Corse du Sud à verser à M. A une indemnité correspondant au montant de la rémunération qui lui aurait été versée pour la période du 10 janvier 1995 au 14 décembre 2004 sous déduction de sa pension d'invalidité et de l'ensemble des sommes qu'il a pu percevoir au titre d'une activité rémunérée au cours de cette période, dans la limite de la somme de 76 224,51 euros demandée, ainsi qu'une somme de 1500 euros au titre du préjudice moral, enfin a mis à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat les frais d'expertise ;
2°) de mettre à la charge de M. A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Agnès Fontana, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la CHAMBRE DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DE LA CORSE DU SUD et de la SCP Vuitton, Vuitton, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a été recruté en 1983 par la chambre de métiers et de l'artisanat de la Corse-du-Sud en qualité de coordinateur pédagogique ; qu'à la suite d'un accident de la circulation, des douleurs répétées ont justifié à compter de l'année 1991 des arrêts de travail successifs, conduisant M. A à cumuler, fin septembre 1994, une durée totale de trois années de congés de longue maladie sur les six derniers exercices ; que par suite, la CHAMBRE DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DE LA CORSE DU SUD a décidé son licenciement, le 10 janvier 1995 ; qu'après avoir demandé en vain à la chambre de métiers et de l'artisanat une indemnité de licenciement ainsi qu'une indemnité représentative des traitements qu'il aurait perçus s'il était resté en activité, M. A a saisi le tribunal administratif de Bastia, le 28 mai 1996, d'une demande tendant au versement de ces indemnités ; que par un jugement du 7 avril 2000, celui-ci a rejeté ses demandes ; que M. A a interjeté appel devant la cour administrative d'appel de Marseille qui, dans un arrêt du 3 février 2004, a rejeté la demande tendant à l'octroi d'une indemnité de licenciement et, avant dire droit, a ordonné une expertise visant à déterminer si M. A était apte au travail à la date de son licenciement ; qu'ayant pris connaissance du rapport de l'expert, la cour administrative d'appel de Marseille a, par l'arrêt attaqué du 14 décembre 2004, condamné la CHAMBRE DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DE LA CORSE DU SUD à verser à M. A la somme de 1 500 euros au titre du préjudice moral, le renvoyant devant la chambre de métiers et de l'artisanat pour la liquidation de l'indemnité due au titre de la perte de ses traitements entre la date de son licenciement et celle de l'arrêt, et a fait supporter les frais d'expertise par la chambre de métiers et de l'artisanat de la Corse du Sud ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Marseille a déduit de la seule circonstance que « l'invalidité constatée par la sécurité sociale n'était pas totale », que M. A ne pouvait être regardé comme inapte à toute fonction ; qu'en écartant ainsi par principe l'inaptitude à toute fonction à moins que l'invalidité ne soit totale, alors d'ailleurs que l'intéressé était bénéficiaire depuis le 19 janvier 1995 d'une pension d'invalidité de deuxième catégorie qui s'applique, aux termes de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale, aux « invalides absolument incapables d'exercer une activité quelconque », la cour a commis une erreur de droit ; que, contrairement à ce que soutient en défense M. A, ce motif, sur lequel repose le raisonnement suivi par la cour, n'est pas surabondant ; qu'il résulte de ce qui précède que l'arrêt du 14 décembre 2004 doit être annulé en tant qu'il met à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat le versement d'une indemnité représentative des traitements non perçus par M. A ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut « régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie » ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 3 février 2004, qui n'a pas été contesté sur ce point, que le licenciement de M. A par la CHAMBRE DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DE LA CORSE DU SUD a été pris dans des conditions irrégulières ; que l'illégalité de cette décision est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la CHAMBRE DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DE LA CORSE DU SUD ;
Considérant qu'eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment aux difficultés de reclassement dans un emploi de la chambre de métiers et de l'artisanat de la Corse du sud qui résultaient de l'état de santé de M. A, il sera fait une juste appréciation du préjudice que cette décision illégale a causé à l'intéressé en lui allouant une indemnité de 5 000 euros, tous intérêts compris à la date de la présente décision ; que les conclusions d'appel de M. A doivent, en conséquence, être accueillies dans cette mesure ;
Sur les conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CHAMBRE DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DE LA CORSE DU SUD, qui n'est pas, dans la présente affaire, la partie perdante la somme qu'il demande à ce titre ; que dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A la somme demandée par la chambre de métiers et de l'artisanat au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 14 décembre 2004 est annulé.
Article 2 : La CHAMBRE DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DE LA CORSE DU SUD versera à M. A une indemnité de 5 000 euros, tous intérêts compris, en réparation du préjudice subi au titre de la perte d'une chance.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A devant la cour administrative d'appel de Marseille et devant le tribunal administratif de Bastia est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la CHAMBRE DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DE LA CORSE DU SUD tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Les conclusions de M. A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la CHAMBRE DE METIERS ET DE L'ARTISANAT DE LA CORSE DU SUD, à M. Jean-Jacques A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.