Vu la requête, enregistrée le 9 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM), dont le siège est Tour Galliéni II 36 avenue du Général-de-Gaulle à Bagnolet Cedex (93170) ; l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 9 mars 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'ordonnance du 8 juillet 2005 du juge des référés du tribunal administratif de Nice le condamnant à verser à MM. Alexandre et Arnaud A une allocation provisionnelle de 5 000 euros à chacun et a porté celle-ci à 10 000 euros chacun ;
2°) statuant comme juge du référé-provision d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice et de mettre l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX hors de cause ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Nice la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 ;
Vu le code de la santé publique ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat de l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM), de Me Cossa, avocat des consorts A et de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Nice,
- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie » ;
Considérant que, par un arrêt du 9 mars 2006, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) tendant à l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice le condamnant à verser à MM. Alexandre et Arnaud A une provision en réparation du décès de Mme B, leur mère, dû à une infection nosocomiale consécutive à des soins réalisés en octobre et novembre 2001 au centre hospitalier de Nice ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 98 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, : « Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé..., ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère » ; que selon le II du même article, lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, les victimes d'un accident médical, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale peuvent prétendre à la réparation de leurs préjudices au titre de la solidarité nationale dans des conditions tenant au degré de leur invalidité et précisées par décret ; qu'en vertu de l'article L. 1142-22 du même code, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) est chargé de cette indemnisation au titre de la solidarité nationale ;
Considérant qu'en vertu de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002, et comme l'a expressément confirmé l'article 3 de la loi du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité médicale, ces dispositions sont applicables aux infections nosocomiales consécutives à des soins réalisés à compter du 5 septembre 2001 ;
Considérant il est vrai qu'aux termes de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 30 décembre 2002 : « sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'incapacité permanente supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales (...) » ; que ces dispositions, distinctes de celles qui résultaient de la loi du 4 mars 2002 précitée, ont créé un nouveau régime de prise en charge par la solidarité nationale des dommages résultant des infections nosocomiales, à la seule condition qu'elles aient entraîné un taux d'incapacité permanente supérieur à 25% ou le décès du patient ; qu'il ne résulte ni des termes de la loi du 30 décembre 2002 ni de ses travaux préparatoires que le législateur ait entendu conférer à ces nouvelles dispositions une portée rétroactive, en sorte que ce nouveau régime n'est entré en vigueur qu'à la publication de cette loi au Journal officiel le 1er janvier 2003 ; qu'il en résulte que la charge de l'indemnisation des infections nosocomiales consécutives à des soins réalisés entre le 5 septembre 2001 et le 1er janvier 2003 n'incombait à l'ONIAM qu'à la double condition que l'établissement de soins ait apporté la preuve d'une cause étrangère à l'infection et que le taux d'incapacité permanente de la victime soit supérieur à un taux fixé par décret ; que, par suite, en jugeant que le principe de l'indemnisation par la solidarité nationale était applicable à toutes les infections nosocomiales consécutives à des soins réalisés à compter du 5 septembre 2001 dès lors qu'elles avaient entraîné une incapacité supérieure à 25% ou le décès du patient la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit pour ce motif être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé-provision engagée ;
Considérant que, compte tenu ce qui a été dit ci-dessus, l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Nice a estimé que cet établissement avait l'obligation non sérieusement contestable de réparer les dommages résultant du décès de Mme B résultant d'une infection nosocomiale consécutive à des soins pratiqués au cours du dernier trimestre 2001 sans rechercher si le centre hospitalier de Nice avait apporté la preuve de la cause étrangère de l'infection ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise diligentée devant le tribunal administratif de Nice que le décès de Mme B trouve sa cause directe dans une infection nosocomiale contractée dans les services du centre hospitalier de Nice, soit à la suite de la première intervention chirurgicale réalisée le 31 octobre 2001, soit lors de la reprise chirurgicale du 1er novembre 2001 ; que ce centre, qui ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère à l'infection, a l'obligation non sérieusement contestable de réparer les conséquences résultant du décès de Mme B ; que dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice en fixant à 10 000 euros le montant de la provision que le centre hospitalier de Nice versera à chacun des deux fils de Mme B ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que l'ordonnance attaquée a mis à sa charge le versement d'une provision à raison du décès de Mme B ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du centre hospitalier de Nice la somme de 3 000 euros que demande l'ONIAM en application de ces dispositions ; que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'ONIAM les sommes que demandent les consorts A et le centre hospitalier de Nice en vertu de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 9 mars 2006 et l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice en date du 8 juillet 2005 sont annulés.
Article 2 : Le centre hospitalier de Nice versera une provision de 10 000 euros à M. Alexandre A et de 10 000 euros à M. Arnaud A.
Article 3: Le centre hospitalier de Nice versera à l'ONIAM la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande des consorts A est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM), à MM. Alexandre et Arnaud A, au centre hospitalier de Nice et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.