La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2007 | FRANCE | N°282619

France | France, Conseil d'État, 10ème / 9ème ssr, 30 mai 2007, 282619


Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 juillet 2005, l'ordonnance par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R.351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à cette cour par la COMMUNE DE SAINT-DENIS de La Réunion ;

Vu la requête enregistrée le 29 avril 2005 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, et le mémoire complémentaire, enregistré le 10 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la

COMMUNE DE SAINT-DENIS, représentée par son maire; la COMMUNE DE SAI...

Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 juillet 2005, l'ordonnance par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R.351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à cette cour par la COMMUNE DE SAINT-DENIS de La Réunion ;

Vu la requête enregistrée le 29 avril 2005 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, et le mémoire complémentaire, enregistré le 10 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE SAINT-DENIS, représentée par son maire; la COMMUNE DE SAINT-DENIS demande d'annuler le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion du 26 janvier 2005 et de rejeter la demande de première instance de MmeC... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991, notamment son article 27 ;

Vu le décret n° 91-711 du 24 juillet 1991, modifié ;

Vu le décret n° 96-1158 du 26 décembre 1996 ;

Vu l'arrêt attaqué ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne-Marie Camguilhem, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat de la COMMUNE DE SAINT-DENIS et de la SCP Defrenois, Levis, avocat de Mme A... C... épouseB...,

- les conclusions de Mme Claire Landais, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme C...est affectée depuis le 6 juin 1997 à la Maison de la communication François Mitterrand à Saint-Denis de la Réunion où elle exerce les fonctions d'assistante de conservation du patrimoine ; qu'à plusieurs reprises, elle a demandé à bénéficier du versement de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) ; que, par décision du 18 novembre 2002, le maire de la commune de Saint-Denis lui a refusé le versement de la nouvelle bonification indiciaire au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions pour l'obtenir ; que, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a, par un jugement du 26 janvier 2005, annulé cette décision et condamné la commune de Saint-Denis à verser à Mme C... le montant de la nouvelle bonification indiciaire due depuis le 6 juin 1997 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 : " L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond. " ; qu'il résulte des termes mêmes de la loi que l'autorité administrative peut invoquer la prescription quadriennale jusqu'à la date de lecture du jugement par lequel le tribunal administratif se prononce sur un litige relatif à une créance que détiendrait sur elle un tiers ;

Considérant que le maire de la COMMUNE DE SAINT-DENIS a, dans une note en délibéré enregistrée au greffe du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion le 19 janvier 2005, soit avant le prononcé du jugement, opposé la prescription quadriennale à la créance de MmeC... ; que le maire était recevable à invoquer cette exception jusqu'à la date de lecture du jugement ; qu'il appartenait, par suite, au tribunal administratif de viser cette note et de statuer sur ces conclusions et, s'il entendait y donner suite, de rouvrir l'instruction ; qu'en se bornant à viser cette note sans statuer sur ces conclusions, le juge a méconnu son office ; que la COMMUNE DE SAINT-DENIS est, dès lors, fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion en date du 26 janvier 2005 ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sur la légalité du refus de versement de la NBI :

Considérant qu'aux termes de l'article 27 de la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 : " La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires instituée à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulières dans des conditions fixées par décret (...). Les dispositions qui précèdent sont étendues dans des conditions analogues, par décret en Conseil d'Etat, aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. " et qu'aux termes de l'article 1-45° du décret du 24 juillet 1991, modifié, portant attribution de la NBI à certains personnels de la fonction publique territoriale, bénéficient de la nouvelle bonification indiciaire : les " fonctionnaires exerçant leurs fonctions à titre principal soit dans les zones urbaines sensibles dont la liste est fixée par le décret n° 96-1156 du 26 décembre 1996, soit dans les services et équipements situés en périphérie de cette zone, et assurant leur service en relation directe avec la population de ces zones. (...) j) Assistants de conservation du patrimoine et des bibliothèques : 15 points majorés. (...) " ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que Mme C... exerce ses fonctions d'assistante de conservation du patrimoine à titre principal, dans la maison de la communication François Mitterrand, située en périphérie de la zone urbaine sensible des Camélias, et que ses fonctions la mettent directement en contact avec le public ; qu'elle remplit ainsi les conditions posées par les dispositions de l'article 45 du décret du 24 juillet 1991 modifié, pour bénéficier de la NBI ; que la décision du 18 novembre 2002 par laquelle le maire de Saint-Denis lui a refusé le versement de la NBI est, dès lors, entachée d'erreur de droit ; que Mme C...est fondée à demander l'annulation de cette décision et la condamnation de la COMMUNE DE SAINT-DENIS à lui verser le montant de la NBI due à compter du 6 juin 1997 ;

Sur l'exception de prescription quadriennale :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " et qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : " la prescription est interrompue par : toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance(...). Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption (...) ";

Considérant que le fait générateur de la créance de Mme C... est son affectation à la maison de la communication François Mitterrand à compter du 6 juin 1997 ; que le délai de prescription court à compter du 1er janvier 1998 ; que, par un premier courrier en date du 15 octobre 2001, dont il n'est pas contesté qu'il a été reçu avant le 31 décembre suivant, puis par courriers des 29 avril 2002 et 12 septembre 2002, Mme C...a demandé au maire de la COMMUNE DE SAINT-DENIS le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire ; que ces réclamations, qui avaient trait à l'existence et au paiement de la créance, ont valablement interrompu le cours du délai de prescription ; que, par suite, l'exception de prescription quadriennale soulevée par le maire de la commune ne peut qu'être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la COMMUNE DE SAINT-DENIS le versement à Mme C...d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion en date du 26 janvier 2005 est annulé.

Article 2 : La décision du maire de la COMMUNE DE SAINT-DENIS en date du 18 novembre 2002 est annulée.

Article 3 : La COMMUNE DE SAINT-DENIS versera à Mme C...le montant correspondant à la NBI due à compter du 6 juin 1997.

Article 4 : La COMMUNE DE SAINT-DENIS versera à Mme C...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SAINT-DENIS et à Mme C.... Copie en sera transmise pour information au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 10ème / 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 282619
Date de la décision : 30/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMPTABILITÉ PUBLIQUE ET BUDGET - DETTES DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES - PRESCRIPTION QUADRIENNALE - RÉGIME DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1968 - CONTENTIEUX - INVOCATION DE LA PRESCRIPTION DEVANT LA JURIDICTION SAISIE DU LITIGE AU PREMIER DEGRÉ (ART - 7 DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1968) - A) PRESCRIPTION POUVANT ÊTRE INVOQUÉE JUSQU'À LA LECTURE DU JUGEMENT - NONOBSTANT LA CLÔTURE DE L'INSTRUCTION - B) CONSÉQUENCE - OBLIGATION POUR LA JURIDICTION DE STATUER SUR UNE EXCEPTION DE PRESCRIPTION QUADRIENNALE SOULEVÉE DANS UNE NOTE EN DÉLIBÉRÉ [RJ1].

18-04-02-08 a) Il résulte des termes mêmes de l'article 7 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 que l'autorité administrative peut, nonobstant la clôture de l'instruction, invoquer la prescription quadriennale jusqu'à la date de lecture du jugement par lequel le tribunal administratif se prononce sur un litige relatif à une créance que détiendrait sur elle un tiers.,,b) Par suite, lorsque la prescription est invoquée dans une note en délibéré, il appartient au tribunal, non seulement de viser cette note, mais aussi de statuer sur l'exception ainsi soulevée, après avoir, s'il entend y faire droit, rouvert l'instruction.

PROCÉDURE - INSTRUCTION - POUVOIRS GÉNÉRAUX D'INSTRUCTION DU JUGE - CLÔTURE DE L'INSTRUCTION - MÉMOIRES PRODUITS APRÈS LA CLÔTURE DE L'INSTRUCTION - A) POSSIBILITÉ POUR L'ADMINISTRATION D'INVOQUER - DANS UN TEL MÉMOIRE - LA PRESCRIPTION QUADRIENNALE DEVANT LA JURIDICTION SAISIE DU LITIGE AU PREMIER DEGRÉ (ART - 7 DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1968) - EXISTENCE - B) CONSÉQUENCE - OBLIGATION POUR LA JURIDICTION DE STATUER SUR L'EXCEPTION AINSI SOULEVÉE [RJ1].

54-04-01-05 a) Il résulte des termes mêmes de l'article 7 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 que l'autorité administrative peut, nonobstant la clôture de l'instruction, invoquer la prescription quadriennale jusqu'à la date de lecture du jugement par lequel le tribunal administratif se prononce sur un litige relatif à une créance que détiendrait sur elle un tiers.,,b) Par suite, lorsque la prescription est invoquée dans une note en délibéré, il appartient au tribunal, non seulement de viser cette note, mais aussi de statuer sur l'exception ainsi soulevée, après avoir, s'il entend y faire droit, rouvert l'instruction.


Références :

[RJ1]

Comp., en l'absence de texte spécial, 12 juillet 2002, M. et Mme Leniau, n° 236125, p. 278 ;

Section, 27 février 2004, Préfet des Pyrénées-Orientales c/ Abounkhila, n° 252988, p. 94.


Publications
Proposition de citation : CE, 30 mai. 2007, n° 282619
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Anne-Marie Camguilhem
Rapporteur public ?: Mme Landais
Avocat(s) : SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE ; SCP DEFRENOIS, LEVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:282619.20070530
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award