Vu la décision, en date du 9 mai 2005, par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a sursis à statuer sur la requête, enregistrée le 5 mai 2003 au secrétariat du contentieux, présentée par M. Nicolae A, élisant domicile au ... et tendant à l'annulation du jugement du 1er avril 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne en date du 26 mars 2003 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant la Roumanie comme pays à destination duquel il doit être reconduit, ainsi que de ces deux décisions, jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur la question de savoir ce qu'il convient d'entendre par date de première entrée au sens des stipulations du premier paragraphe de l'article 20 de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 et, notamment, si doit être regardée comme première entrée sur le territoire des Etats parties à cette convention toute entrée intervenant à l'issue d'une période de six mois n'ayant donné lieu à aucune autre entrée sur ce territoire, ainsi que, dans le cas d'un étranger qui effectue des entrées multiples pour des séjours de courte durée, toute entrée suivant immédiatement l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de la précédente première entrée connue ;
Vu l'arrêt rendu le 3 octobre 2006, dans l'affaire C-241/05, par la Cour de justice des Communautés européennes, déclarant que l'article 20, paragraphe 1, de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les Gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée le 19 juin 1990 à Schengen, doit être interprété en ce sens que la notion de première entrée figurant à cette disposition vise, outre la toute première entrée sur les territoires des Etats contractants audit accord, la première entrée sur ces territoires intervenant après l'expiration d'une période de six mois à compter de cette toute première entrée ainsi que toute autre première entrée intervenant après l'expiration de toute nouvelle période de six mois à compter d'une précédente date de première entrée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment ses articles 62 et 68 ;
Vu la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990, publiée par le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 ;
Vu le règlement n° 539/2001 du Conseil de l'Union européenne du 15 mars 2001, modifié notamment par le règlement n° 2414/2001 du 7 décembre 2001 ;
Vu la décision 1999/436/CE du Conseil de l'Union européenne du 20 mai 1999 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée notamment par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marisol Touraine, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, alors en vigueur : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ; qu'aux termes du II du même article : Les dispositions du 1° du I sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne : / b) (...) si, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à cette convention, il ne peut justifier être entré sur le territoire métropolitain en se conformant aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, 21, paragraphe 1 ou 2, de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ; qu'aux termes du III : Les dispositions du 2° du I sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne si, en provenance directe du territoire d'un des Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, il s'est maintenu sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, 21, paragraphe 1 ou 2, de ladite convention ; qu'aux termes de l'article 20, paragraphe 1, de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 : Les étrangers non soumis à l'obligation de visa peuvent circuler librement sur les territoires des Parties contractantes pendant une durée maximale de trois mois au cours d'une période de six mois à compter de la date de première entrée, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e ;
Considérant, d'une part, que, par un arrêt du 3 octobre 2006, la Cour de justice des Communautés européennes, saisie d'une question préjudicielle, en application des articles 68 et 234 du traité instituant la Communauté européenne, par une décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, en date du 9 mai 2005, a déclaré que l'article 20, paragraphe 1, de la convention d'application de l'accord de Schengen devait être interprété en ce sens que la notion de première entrée à laquelle se réfère cet article vise, outre la toute première entrée sur les territoires des Etats contractants, la première entrée sur ces territoires intervenant après l'expiration d'une période de six mois à compter de cette toute première entrée ainsi que toute autre première entrée intervenant après l'expiration de toute nouvelle période de six mois à compter d'une précédente date de première entrée ;
Considérant, d'autre part, que, s'il appartient aux étrangers qui s'en prévalent d'établir, à la demande des autorités compétentes, la régularité de leur situation au regard des stipulations précitées de l'article 20, paragraphe 1, de la convention d'application de l'accord de Schengen, cette preuve peut être rapportée, en ce qui concerne les dates d'entrée et la durée de séjour, non seulement par la production des cachets normalement apposés sur le document de voyage des intéressés à l'occasion du franchissement des frontières extérieures des Etats parties à la convention, mais également, en l'absence de texte en disposant autrement, par tout autre moyen ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité roumaine et, à ce titre, non soumis à l'obligation de visa, a séjourné sur le territoire des Etats parties à la convention d'application de l'accord de Schengen, et notamment en France, du 15 août au 2 novembre 2002, puis de la fin du mois de novembre 2002 à la fin du mois de janvier 2003 ; que, revenu en France en transitant, selon ses dires, par la Hongrie, l'Autriche et l'Allemagne, il a, le 25 mars 2003, été interpellé par les services de police ; que, par un arrêté du 26 mars 2003, pris sur le fondement des dispositions précitées du b) du II de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet du Val-de-Marne a ordonné sa reconduite à la frontière ;
Considérant que, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier — et qu'il n'est d'ailleurs pas soutenu par le préfet du Val-de-Marne — que M. A soit entré sur le territoire des Etats parties à la convention d'application de l'accord de Schengen entre le 1er janvier 2002, date d'entrée en vigueur du règlement n° 2414/2001 du Conseil de l'Union européenne du 7 décembre 2001 modifiant le règlement n° 539/2001 du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation, qui a exempté les ressortissants roumains de l'obligation de visa, et le 15 août 2002, cette dernière date doit être regardée, pour l'application des stipulations de l'article 20, paragraphe 1, de la convention, comme la date de toute première entrée de l'intéressé sur le territoire des Etats parties à celle-ci ; qu'il ressort des timbres humides apposés sur le passeport de M. A que celui-ci a, en vue du séjour en France à l'occasion duquel il a fait l'objet de la mesure de reconduite à la frontière litigieuse, quitté la Roumanie à destination de la Hongrie le 23 février 2003 ; qu'alors même que son passeport ne comporte pas de timbre à date attestant le franchissement ultérieur, à un point de passage autorisé, de la frontière extérieure de l'Autriche ou d'un autre des États parties à la convention d'application de l'accord de Schengen, il établit ainsi, en tout état de cause, être entré sur le territoire de ces Etats, en dernier lieu avant l'intervention de l'arrêté litigieux, le 23 février 2003 ou postérieurement à cette date ; que cette entrée, intervenue après l'expiration du délai de six mois ayant couru à compter du 15 août 2002, date de sa toute première entrée sur le territoire des Etats parties à la convention, doit elle-même, ainsi qu'il a été dit plus haut, être regardée comme une première entrée au sens des stipulations de l'article 20, paragraphe 1, de cette convention ; que, dès lors, et alors même que l'intéressé se serait trouvé, à l'occasion de son précédent séjour, en situation irrégulière au regard des mêmes stipulations, cette entrée faisait courir un nouveau délai de six mois au cours duquel M. A pouvait régulièrement séjourner sur le territoire des Etats parties à la convention d'application de l'accord de Schengen pour une durée n'excédant pas trois mois ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'à la date du 26 mars 2003 à laquelle a été pris l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. A, dont il n'est pas soutenu qu'il ne remplissait pas les conditions d'entrée mentionnées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e de la même convention, devait être regardé comme justifiant être entré et séjourner sur le territoire métropolitain de la France en se conformant aux stipulations de l'article 20, paragraphe 1, de celle-ci ; que, dès lors, le préfet du Val-de-Marne ne pouvait légalement ordonner sa reconduite à la frontière sur le fondement des dispositions du b) du II de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, non plus, d'ailleurs, que sur le fondement de celles du III du même article ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne en date du 26 mars 2003 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant la Roumanie comme pays à destination duquel il doit être reconduit ;
D E C I D E :
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Article 1er : Sont annulés le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun en date du 1er avril 2003, ensemble l'arrêté du préfet du Val-de-Marne en date du 26 mars 2003 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A et la décision du même jour fixant la Roumanie comme pays à destination duquel ce dernier doit être reconduit.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Nicolae A, au préfet du Val-de-Marne et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Une copie pour information sera adressée à la Cour de justice des Communautés européennes.