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13/10/2006 | FRANCE | N°272099

France | France, Conseil d'État, 3eme sous-section jugeant seule, 13 octobre 2006, 272099


Vu la requête, enregistrée le 13 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE ; le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 13 août 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 9 août 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Joao Sebastiano A en tant qu'il fixe l'Angola comme pays de destination à la frontière ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal admin

istratif de Rennes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention europé...

Vu la requête, enregistrée le 13 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE ; le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 13 août 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 9 août 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Joao Sebastiano A en tant qu'il fixe l'Angola comme pays de destination à la frontière ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Rennes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Danièle Burguburu, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions de M. A tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 août 2004 du PREFET D'ILLE-ET-VILAINE prononçant sa reconduite à la frontière mais fait droit à celles tendant à l'annulation de la décision distincte contenue dans cet arrêté fixant l'Angola comme pays de destination de la mesure d'éloignement, au motif que l'autorité administrative ne pouvait prendre une telle décision sans avoir préalablement vérifié la situation de l'intéressé au regard de l'asile aux Pays-Bas ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE avait connaissance, lors de la décision litigieuse, d'un procès-verbal d'audition de M. A, le 4 mai 2004, par les services de police du Nord dans le cadre d'une précédente procédure, audition au cours de laquelle l'intéressé avait affirmé bénéficier du statut de réfugié ou de demandeur d'asile aux Pays-Bas, cette allégation, au demeurant non étayée de précisions et contradictoire avec d'autres déclarations, n'a à aucun moment été invoquée par M. A après son interpellation, le 8 août 2004, auprès des services de la police aux frontières de Saint-Malo ; que lors de son audition par ces services, l'intéressé a indiqué résider depuis son départ d'Angola en Belgique où il avait présenté sans succès une demande d'asile et a précisé qu'il souhaitait être renvoyé vers ce pays ; que, dans ces conditions, et en tout état de cause, il n'incombait pas au PREFET D'ILLE-ET-VILAINE, qui a procédé à un examen de la situation individuelle M. A, de vérifier la réalité et l'issue de démarches dont celui-ci ne se prévalait pas ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé sa décision fixant l'Angola comme pays de destination de la mesure de reconduite ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. A ;

Considérant que M. Gilles Lagarde, secrétaire général de la préfecture d'Ille-et-Vilaine, qui avait régulièrement reçu délégation de signature du PREFET D'ILLE-ET-VILAINE, par arrêté en date du 10 mai 2004 pour signer les arrêtés de reconduite à la frontière prévus à l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, tenait de cette délégation compétence pour signer la décision fixant le pays de renvoi de M. A qui avait fait, le même jour, l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; que M. A n'est ainsi pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays à destination duquel il serait renvoyé, qui est suffisamment motivée, aurait été signée par une autorité incompétente ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ; que si M. A soutient qu'il a quitté son pays en raison de la guerre civile, que son père et le reste de sa famille ont été assassinés par l'armée de l'Unita en 1969 et qu'il encourt personnellement des risques en cas de retour dans son pays d'origine, ses allégations ne sont pas assorties de précisions ou de justifications de nature à en établir le bien-fondé ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la reconduite de M. A à destination du pays dont il a la nationalité méconnaît les stipulations précitées ;

Considérant que si M. A soutient qu'il n'a plus d'attaches en Angola, et que son épouse et leur fils résident régulièrement aux Pays-Bas, il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'il n'est pas marié avec Mme Limwei, a cessé toute vie commune avec elle en 1994 et n'établit pas avoir conservé des liens avec elle et leur fils, et, d'autre part, qu'il réside lui-même en Belgique et qu'il a tenté à plusieurs reprises de gagner la Grande-Bretagne ; que, dès lors, et en tout état de cause, la décision litigieuse n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET D'ILLE-ET-VILAINE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 9 août 2004 fixant le pays de renvoi de M. A ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du 13 août 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 9 août 2004 fixant l'Angola comme pays de destination de la reconduite à la frontière de M. A.

Article 2 : Les conclusions de M. A présentées devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de la décision du 9 août 2004 fixant l'Angola comme pays de destination de la reconduite sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET D'ILLE-ET-VILAINE, à M. Joao Sebastiano A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 3eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 272099
Date de la décision : 13/10/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 oct. 2006, n° 272099
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin Laprade
Rapporteur public ?: M. Glaser

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:272099.20061013
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