La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/02/2005 | FRANCE | N°264869

France | France, Conseil d'État, 5eme sous-section jugeant seule, 25 février 2005, 264869


Vu la requête, enregistrée le 23 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Salim X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 23 janvier 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 27 novembre 2003 du préfet de l'Isère ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le pays à destination duquel il sera reconduit ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisa

tion provisoire de séjour dans le délai d'un mois et ce sous astreinte de 100 euros...

Vu la requête, enregistrée le 23 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Salim X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 23 janvier 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 27 novembre 2003 du préfet de l'Isère ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le pays à destination duquel il sera reconduit ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Fabre-Aubrespy, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Terry Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 3 mars 2003, de la décision du 26 février 2003 du préfet de l'Isère lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant que l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée dispose en son article 27 bis que un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ; qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : L'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte des documents, appuyés de témoignages précis et concordants, produits par M. X et dont l'authenticité n'est pas contestée, que celui-ci, à raison des responsabilités particulières qu'il avait exercées, a fait l'objet de la part de mouvements islamistes de menaces de mort répétées au cas où il ne satisferait pas à leurs exigences ; que les autorités algériennes n'ont pris aucune mesure pour assurer sa protection ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, le ministre de l'intérieur n'a pu, sans commettre une erreur manifeste d'appréciation, refuser le bénéfice de l'asile territorial à M. X ; que, par suite, M. X est fondé à soutenir, par la voie de l'exception, que l'illégalité de la décision ministérielle en date du 23 octobre 2002 lui ayant refusé le bénéfice de l'asile territorial entraîne celle de la décision préfectorale du 26 février 2003 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et de l'arrêté du 27 novembre 2003 ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête dirigée contre les arrêtés du 27 novembre 2003 ordonnant sa reconduite à la frontière et désignant l'Algérie comme pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. X :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions dans ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ; que le III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose que : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière il incombe au préfet, en application des dispositions précitées du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que dès lors il appartient au juge administratif lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions dans ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet de l'Isère de se prononcer sur la situation de M. X dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement en date du 23 janvier 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble, ensemble les arrêtés du 27 novembre 2003 par lesquels le préfet de l'Isère a ordonné la reconduite à la frontière de M. X et désigné l'Algérie comme pays de destination, sont annulés.

Article 2 : Le préfet de l'Isère examinera à nouveau la demande de titre de séjour de M. X dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. X en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Salim X, au préfet de l'Isère et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : 5eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 264869
Date de la décision : 25/02/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 fév. 2005, n° 264869
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hubac
Rapporteur ?: M. Hervé Fabre-Aubrespy
Rapporteur public ?: M. Olson

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:264869.20050225
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award