Vu la requête et les mémoires, enregistrés les 2 et 26 août, 4 et 23 octobre et 21 novembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Mohamed A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 juin 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mars 2002 du préfet des Hauts-de-Seine décidant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à payer à la SCP Boulloche, Boulloche, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Devys, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boulloche, Boulloche, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a décidé la reconduite à la frontière de M. A : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit... 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans... ;
Considérant qu'indépendamment de l'énumération, figurant à l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne peut légalement décider la reconduite à la frontière d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers ; que, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit recevoir de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des nombreux documents, précis et concordants, produits par l'intéressé, qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. A résidait habituellement en France depuis plus de dix ans ; qu'il pouvait ainsi bénéficier de plein droit d'une carte de séjour temporaire en application des dispositions précitées de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, par suite, le préfet des Hauts-de-Seine ne pouvait, sans méconnaître ces dispositions, décider sa reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mars 2002 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Boulloche, Boulloche, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner celui-ci à lui payer la somme de 1 000 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 20 juin 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 6 mars 2002 du préfet des Hauts-de-Seine décidant la reconduite à la frontière de M. A sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à la SCP Boulloche, Boulloche, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, la somme de 1 000 euros, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Mohamed A, au préfet des Hauts-de-Seine et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.