Vu 1°), sous le n° 228553, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 décembre 2000 et 25 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CONSEIL SUPERIEUR CONSULTATIF DES COMITES MIXTES A LA PRODUCTION EDF-GDF, dont le siège est ... (750009) ; le COMITE NATIONAL D'HYGIENE, DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL D'EDF-GDF, dont le siège est ... ; la FEDERATION NATIONALE DES MINES ET DE L'ENERGIE CGT ; LE CONSEIL SUPERIEUR CONSULTATIF DES COMITES MIXTES A LA PRODUCTION EDF-GDF, LE COMITE NATIONAL D'HYGIENE, DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL D'EDF-GDF et la FEDERATION NATIONALE DES MINES ET DE L'ENERGIE CGT demandent au Conseil d'Etat : d'une part, d'annuler les décisions GEM 234, GEM 235 et GEM 236 du 8 décembre 1999 du directeur national d'EDF-GDF, ainsi que les décisions implicites de rejet résultant du silence gardé par EDF sur leurs demandes tendant à l'abrogation desdites décisions ; d'autre part de condamner EDF à leur verser 20 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°) sous le n° 241730, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 janvier et 18 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CONSEIL SUPERIEUR CONSULTATIF DES COMITES MIXTES A LA PRODUCTION D' EDF- GDF, dont le siège est ..., LE COMITE NATIONAL D'HYGIENE, DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL D'EDF-GDF et la FEDERATION NATIONALE DES MINES ET DE L'ENERGIE ; le CONSEIL SUPERIEUR CONSULTATIF DES COMITES MIXTES A LA PRODUCTION EDF-GDF, le COMITE NATIONAL D'HYGIENE, DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL D'EDF-GDF et la FEDERATION NATIONALE DES MINES ET DE L'ENERGIE CGT demandent au Conseil d'Etat : d'annuler la décision n° 65/01 du 8 novembre 2001 du directeur d'EDF-GDF services portant création des agences de conduite et la décision dite GEM 258 du 27 août 2001 de la même autorité portant code général des man.uvres des réseaux électriques ouvrages haute tension et de condamner EDF à leur verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du travail ;
Vu l'arrêté du 17 janvier 1989 portant approbation d'un recueil d'instructions générales de sécurité d'ordre électrique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Tabuteau, Conseiller d'Etat ;
- les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat du CONSEIL SUPERIEUR CONSULTATIF DES COMITES MIXTES A LA PRODUCTION EDF-GDF, du COMITE NATIONAL D'HYGIENE, DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL et de la FEDERATION NATIONALE DES MINES ET DE L'ENERGIE CGT et de la SCP Coutard, Mayer, avocat d'Electricité de France,
- les conclusions de Mme Mauguë, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes du CONSEIL SUPERIEUR CONSULTATIF DES COMITES MIXTES A LA PRODUCTION EDF-GDF, du COMITE NATIONAL D'HYGIENE, DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL D'EDF-GDF et de la FEDERATION DES MINES ET DE L'ENERGIE CGT présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la requête n° 228553 :
Considérant qu'en décembre 1998 un document d'orientation intitulé "l'évolution d'EDF-GDF services : face à la concurrence, s'appuyer sur les métiers" a proposé des "principes généraux d'évolution de l'organisation d'EDF-GDF services" ; que par note du 24 mars 1999, le directeur de la direction d'EDF-GDF services a fixé le cadre général dans lequel cette évolution devait avoir lieu ; qu'il a ensuite, par trois notes de service du 8 décembre 1999, défini sous l'intitulé GEM n° 234, les nouvelles fonctions des directeurs des 120 centres d'EDF-GDF services, sous l'intitulé GEM n° 235, les conditions dans lesquelles s'exerceraient les responsabilités de directeur de centre employeur et celles de responsable hiérarchique et enfin précisé, sous l'intitulé GEM n° 236, les compétences des organismes de représentation du personnel pour les nouvelles structures résultant de la réorganisation ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par EDF :
Considérant que par les notes GEM n° 234, GEM n° 235 et GEM n° 236 du 8 décembre 1999, le directeur de la direction EDF-GDF services a déterminé des règles d'organisation et de fonctionnement applicables aux nouvelles structures résultant de la réorganisation engagée par EDF-GDF ; que si la mise en oeuvre de ce nouveau régime est subordonnée à l'intervention de décisions complémentaires propres aux différentes structures concernées, les notes attaquées d'une part, édictent des règles générales nouvelles en vue de l'exercice des fonctions de responsabilité dans l'entreprise et d'autre part, fixent les conditions d'application de ces nouvelles règles dans les centres qui en dépendent ; qu'elles ne constituent pas de simples mesures préparatoires mais ont le caractère de décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que par suite, la fin de non-recevoir opposée par EDF-GDF doit être écartée ;
Sur la légalité des notes GEM n° 234, GEM n° 235 et GEM n° 236 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 432-1 du code du travail, qui est applicable aux établissements publics à caractère industriel et commercial, en vertu de l'article L. 431-1 dudit code lorsqu'ils "emploient du personnel dans les conditions du droit privé" : "Dans l'ordre économique, le comité d'entreprise est obligatoirement informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle du personnel" ; que le CONSEIL SUPERIEUR CONSULTATIF DES COMITES MIXTES A LA PRODUCTION EDF-GDF exerce les fonctions de comité central d'entreprise à EDF-GDF ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les décisions attaquées avaient pour objet de définir les conditions d'application de la nouvelle organisation résultant du projet dont les orientations avaient été définies en 1998 ; qu'en particulier, les notes GEM n° 234 et GEM n° 235 précisaient les missions respectives des nouvelles structures mises en place et les responsabilités exercées par les directeurs des différents centres ; que la note GEM n° 236 tirait les conséquences de ces évolutions sur les compétences des organismes de représentation du personnel pour les nouvelles structures ; que la réorganisation engagée entraînait la création de nouvelles entités, dites "supra centres" et "inter centres", destinées à regrouper des fonctions communes à plusieurs centres ; qu'était également prévue la mise en place d'"agences de conduite" pour exercer la fonction de conduite du réseau précédemment dévolue aux centres dénommés "EDF-GDF services" ; que ces mesures concouraient à une réorganisation d'ensemble de l'entreprise et affectaient directement la gestion et la marche générale de celle-ci mais aussi les conditions d'emploi et de travail du personnel au sens des dispositions législatives précitées ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que lesdites décisions n'ont pas été soumises au CONSEIL SUPERIEUR CONSULTATIF DES COMITES MIXTES A LA PRODUCTION EDF-GDF ; qu'ainsi les requérants sont fondés à demander l'annulation des décisions attaquées qui ont été prises au terme d'une procédure irrégulière ;
Sur la requête n° 241730 :
Considérant que dans le cadre de la réorganisation mentionnée précédemment, le directeur de la direction EDF-GDF services a par décision du 27 août 2001, intitulée GEM n° 258, décidé de la mise en oeuvre du "code général des man.uvres des réseaux électriques ouvrages haute tension" à compter du 1er janvier 2002 ; qu'il a, par décision du 8 novembre 2001, n° 65/01, décidé de la création d'"agences de conduite" auxquelles il a confié la conduite des ouvrages HTA, c'est-à-dire des ouvrages de tension en courant alternatif compris entre 1000 et 50 000 volts et en courant continu compris entre 2 500 et 75 000 volts ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les décisions GEM n° 234, GEM n° 235 et GEM n° 236 ne constituent pas le fondement des décisions attaquées sous le n° 241730 ; que si ces dernières contribuent, comme les précédentes décisions, à la mise en oeuvre du projet mentionné précédemment et dont les orientations ont été présentées par EDF en 1998, elles ne comportent pas de lien justifiant que leur annulation soit prononcée par voie de conséquence de l'annulation des décisions GEM n° 234, GEM n° 235 et GEM n° 236 ; qu'ainsi, le moyen tiré à l'encontre des décisions GEM n° 258 et n° 65/01 du 8 novembre 2001 de l'illégalité des décisions GEM n° 234, GEM n° 235 et GEM n° 236 ne peut qu'être écarté ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que les mesures contenues dans la décision n° 65/01 ont été soumises à plusieurs reprises au CONSEIL SUPERIEUR DES COMITES MIXTES A LA PRODUCTION EDF-GDF de 1999 à 2001 ; qu'elles ont fait l'objet d'une délibération le 29 octobre 2001 d'une formation spécialisée de cette instance ; qu'ainsi et alors même que certaines organisations représentatives du personnel se sont déclarées défavorables au projet, le moyen tiré de ce que la décision n° 65/01 aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière faute d'une consultation du CONSEIL SUPERIEUR CONSULTATIF DES COMITES MIXTES A LA PRODUCTION EDF-GDF ne peut être accueilli ;
Considérant, d'autre part, que le "code général des manoeuvres des réseaux électriques-ouvrages haute tension" a pour objet de déterminer les "relations et. procédures à mettre en oeuvre entre les différents acteurs pour les opérations entreprises lors de la construction, l'exploitation ou l'entretien des ouvrages électriques du domaine haute tension . Il précise en outre la terminologie à utiliser. Il est indépendant des organisations mises en place par les employeurs" ; que la note GEM n° 258 qui a repris les dispositions de ce code général et décidé de leur mise en oeuvre constitue un ensemble de prescriptions techniques en cas d'intervention sur les réseaux électriques ; qu'eu égard tant à son objet qu'à son contenu, cette note ne modifiait pas l'organisation de l'entreprise et n'affectait pas sa marche générale ; qu'ainsi, aucune disposition n'imposait qu'elle soit soumise à l'avis du comité d'entreprise avant son édiction ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de consultation du CONSEIL SUPERIEUR CONSULTATIF DES COMITES MIXTES A LA PRODUCTION EDF-GDF sur la note GEM n° 258 ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 236-2 du code du travail, qui est applicable aux établissements publics à caractère industriel et commercial en vertu de l'article L. 231-1 du même code, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail "est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail, et, notamment avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail" ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que les mesures contenues dans la note GEM n° 258 ont été soumises au comité national d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail d'EDF-GDF entre 1999 et 2000 ; qu'en particulier, il ressort des procès-verbaux des réunions des 12 octobre et 13 décembre 2000 que l'instance consultative a été appelée à se prononcer sur ces mesures ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort également des pièces du dossier que les mesures contenues dans la décision 65/01 ont été soumises à trois reprises en 1999 au comité national d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail d'EDF-GDF et qu'elles ont fait l'objet d'un nouvel échange lors de la réunion du 8 février 2001 ; qu'ainsi le moyen tiré de l'absence de consultation du comité national d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail d'EDF-GDF sur les deux notes attaquées ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
Considérant que les requérants soutiennent que les décisions attaquées seraient intervenues en violation des articles 1.2, 2.1.1 et 2.1.2 de l'instruction UTE 18 510 approuvée par arrêté interministériel du 17 janvier 1989 et des articles 2.1.1 et 2.1.2 du carnet des prescriptions au personnel d'EDF-GDF en ce qu'elles dissocieraient les responsabilités d'encadrement dévolues aux chefs de centre dans l'entreprise ; qu'il ressort toutefois des termes mêmes, tant des articles sus mentionnés de l'instruction UTE 18 510, que de ceux du carnet de prescription au personnel d'EDF-GDF, que ces dispositions ont pour seul objet de définir les notions d'employeur et de chargé d'exploitation sans pour autant désigner les personnes qui au sein d'EDF-GDF exercent ces responsabilités ; qu'ainsi, les décisions attaquées qui précisent le rôle de chacun des responsables ne méconnaissent pas les dispositions invoquées ; que si les requérants soutiennent que les dispositions attaquées ne permettraient pas de garantir la sécurité des personnes, ni celle des ouvrages, elles n'apportent aucun élément de nature à justifier leurs affirmations ;
Considérant enfin qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur de la direction d'EDF-GDF services aurait méconnu les obligations de sécurité de l'entreprise en confiant aux directeurs des agences de conduite la responsabilité de la conduite des réseaux HTA sur le territoire de plusieurs centres EDF-GDF services ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions attaquées sous le n° 241730 ;
Sur les conclusions des requérants tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu pour la requête n° 228553, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner EDF à payer aux requérants la somme de 3 000 euros que demandent ceux-ci au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Considérant en revanche que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle dans la requête n° 241730 à ce que EDF qui n'est pas dans ladite instance la partie perdante, soit condamnée à payer aux requérants la somme que demandent ceux-ci au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les décisions GEM n° 234, GEM n° 235 et GEM n° 236 du directeur de la direction d'EDF-GDF services en date du 8 décembre 1999 ainsi que les décisions implicites de rejet résultant du silence conservé par la direction d'EDF-GDF sur les demandes d'abrogation de ces décisions, présentées les 13 septembre, 29 juin et 26 septembre 2000, sont annulées.
Article 2 : EDF-GDF versera au comité national d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail d'EDF-GDF, au CONSEIL SUPERIEUR CONSULTATIF DES COMITES MIXTES A LA PRODUCTION EDF-GDF et à la FEDERATION DES MINES ET DE L'ENERGIE CGT, une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au CONSEIL SUPERIEUR CONSULTATIF DES COMITES MIXTES A LA PRODUCTION EDF-GDF, au COMITE NATIONAL D'HYGIENE, DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL D'EDF-GDF, à la FEDERATION NATIONALE DES MINES ET DE L'ENERGIE CGT, à Electricité de France et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.