Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 septembre et 27 novembre 2001 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Jean-Claude X..., ; M. et Mme X... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 6 février 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Douai 1) a annulé le jugement du 2 octobre 1997 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a omis de statuer sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1983 à 1985 et procédant de la taxation d'office des sommes de respectivement 509 765 F, 259 000 F et 11 181,18 F, et 2) statuant immédiatement par voie d'évocation, a rejeté leur demande présentée devant ledit tribunal tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 1982 à 1985 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 14 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Glaser, Maître des Requêtes ;
- les observations de Me Vuitton, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Vallée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. et Mme X... ont fait l'objet de deux vérifications de comptabilité portant l'une sur leur activité de marchand forain pour les années 1982 et 1983 et l'autre sur l'activité de débit de boissons entreprise par M. X... en 1985 et portant sur la seule année 1985, ainsi que d'une vérification approfondie de leur situation fiscale d'ensemble pour les années 1982 à 1985 ; que l'administration leur a notifié le 14 mai 1987 la taxation d'office de revenus d'origine indéterminée pour les années 1984 et 1985 ; que par jugement en date du 2 octobre 1997, le tribunal administratif de Lille, après avoir prononcé un non-lieu sur les conclusions de M. et Mme X... à concurrence de 84 947 F en ce qui concerne le complément d'impôt sur le revenu auxquels ceux-ci avaient été assujettis au titre des années 1982, 1983 et 1984, a rejeté le surplus de leur demande ; que par un arrêt en date du 6 février 2001, la cour administrative d'appel de Douai a, d'une part, prononcé un non-lieu sur les conclusions de leur requête en ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu des années 1982 et 1983 à concurrence des sommes de respectivement 6 576 F et 24 168 F et, d'autre part, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif en tant qu'il avait omis de statuer sur le bien-fondé des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils avaient été assujettis au titre des années 1983, 1984 et 1985, a, statuant par la voie de l'évocation, rejeté la demande de M. et Mme X... devant le tribunal administratif ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant que la cour administrative d'appel de Douai a adressé à l'avocat de M. et Mme X... une convocation à l'audience, dont il a accusé réception le 10 janvier 2001 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les intéressés n'auraient pas été convoqués à l'audience doit être écarté ;
Considérant qu'au cours de l'instruction devant la cour administrative d'appel, l'administration a accordé à M. et Mme X... le dégrèvement de l'imposition correspondant à la somme de 20 743 F taxée d'office au titre de l'année 1982 ; que, par l'article 1er de l'arrêt attaqué, la cour, par suite de ce dégrèvement, a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête en ce qui concerne les cotisations d'impôt sur le revenu de l'année 1982 ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce qu'elle aurait omis de répondre aux conclusions de M. et Mme X... au titre de l'année 1982 manque en fait ;
Considérant toutefois que, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, la cour administrative d'appel n'a évoqué que dans la limite des conclusions reprises par M. et Mme X... devant elle et n'a en conséquence pas statué sur leurs conclusions relatives à l'année 1985 qui figuraient dans leur demande devant le tribunal administratif et auxquelles ils n'avaient pas renoncé ; qu'en outre, elle a omis de répondre au moyen tiré de la motivation insuffisante de la notification en date du 14 mai 1987 portant sur les années 1984 et 1985 ; qu'elle ne pouvait rejeter les conclusions de M. et Mme X... relatives à l'année 1984 sans se prononcer sur ce moyen ; que son arrêt est dès lors, entaché d'irrégularité et doit être annulé dans cette mesure ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler immédiatement l'affaire au fond ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que M. et Mme X... soutiennent que la notification du 14 mai 1987 ne comprend pas les mentions imposées par l'article L. 76 du livre des procédures fiscales dans la mesure où elle ne donne pas le détail des crédits taxés d'office ; que toutefois la notification en cause, qui indique le total des versements de chèques et d'espèces taxés d'office, se réfère expressément aux deux lettres en date des 10 février et 12 mars 1987 par lesquelles l'administration avait demandé aux intéressés des justifications sur la liste détaillée des sommes portées au crédit de leur compte bancaire et sur le solde de la balance d'espèces ; que, par suite, M. et Mme X... ne sont pas fondés à soutenir que la notification des bases imposées d'office qui leur a été adressée aurait été irrégulière ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant que les sommes mentionnées ci-dessus, dont l'origine est demeurée inexpliquée, ont été taxées d'office à l'impôt sur le revenu au titre des années 1984 et 1985, conformément à l'article L. 69 du livre des procédures fiscales ; qu'il appartient, par suite, en application des dispositions des articles L. 193 et R. 193-1 du même livre, à M. et Mme X... d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions ;
Sur l'année 1984 :
Considérant qu'en réponse aux demandes de justifications concernant leurs revenus pour les années 1983 et 1984, M. et Mme X... ont fait état de la réalisation, échelonnée du 18 février au 6 décembre 1983, de bons anonymes de la Caisse nationale de crédit agricole souscrits antérieurement ; que l'attestation fournie par un chef de bureau du Crédit agricole ne permet pas, compte tenu de ses termes, d'établir que les intéressés étaient effectivement détenteurs de ces bons antérieurement à la période d'imposition ; que les intéressés ne produisent aucun élément permettant d'établir le lien entre la réalisation éventuelle de ces bons au cours de l'année 1983 et les dépôts inexpliqués sur leur compte bancaire au cours de l'année 1984 ;
Sur l'année 1985 :
Considérant que l'administration a taxé d'office M. et Mme X... pour une somme de 44 014 F en 1985 correspondant à 9 850 F de chèques déposés sur leur compte et à 34 164 F représentant le solde inexpliqué d'une balance d'espèces ; que si, pour justifier partiellement ces sommes, ils se prévalent de la remise de chèques de clients pour un montant de 7 567,95 F, qui auraient été déclarés au titre de leur activité commerciale, de divers remboursements de la caisse primaire d'assurance maladie et d'une avance de 3 205 F qui leur aurait été consentie par le précédent exploitant du débit de boissons, les pièces qu'ils produisent sont dépourvues de valeur probante ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de M. et Mme X... devant le tribunal administratif de Lille relative aux années 1984 et 1985 doit être rejetée ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai est annulé en tant qu'il a statué sur le bien-fondé des compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. et Mme X... ont été assujettis au titre de l'année 1984 et en tant qu'il a omis de statuer sur l'année 1985.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme X... devant le tribunal administratif de Lille relative à ces deux années et le surplus des conclusions de leur requête sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Jean-Claude X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.