Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 29 janvier 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 octobre 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Elif X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Paris ;Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Glaser, Maître des Requêtes-;
- les conclusions de M. Vallée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X... épouse Y..., de nationalité turque, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 7 juin 2001, de la décision du PREFET DE POLICE du 31 mai 2001 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas visé au 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée susviséeà : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus" ;
Considérant que si Mme X... fait valoir qu'entrée, selon elle, en France en 1995, elle y vit avec son mari et ses quatre enfants qui y sont scolarisés, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment du caractère très récent de la présence de ses enfants en France et de l'absence de preuve de la réalité de sa propre présence en France depuis 1995 et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 2 octobre 2001, qui ne fait pas obstacle à ce que Mme X... emmène ses enfants avec elle, n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été décidée cette mesure ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le moyen tiré de ce que Mme X... entrait dans le champ d'application des dispositions précitées du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner le moyen soulevé par Mme X... devant lui ;
Considérant qu'aux termes du 8° de l'article 25 de l'ordonnance susmentionnée : "Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 : (.) 8° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (.)" ; que ces dispositions ont été rendues applicables aux mesures de reconduite à la frontière par le troisième alinéa de l'article 25 de la même ordonnance ;
Considérant que si Mme X... soutient qu'elle est atteinte d'une maladie thyroïdienne nécessitant une prise en charge spécialisée associée à un traitement quotidien, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment du certificat médical qu'elle produit, qu'elle ne pourrait faire l'objet d'un traitement approprié pour cette maladie dans le pays de renvoi ; que, par suite, en ordonnant dans ces circonstances, la reconduite à la frontière de Mme X..., le PREFET DE POLICE n'a commis ni erreur de droit, ni erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 29 janvier 2002 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 octobre 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... ;
Article 1er : Le jugement du 29 janvier 2002 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par Mme X... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Elif X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.