Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 novembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 17 novembre 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. Jean-Baptiste X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laville, Conseiller d'Etat ;
- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions aux fins de non lieu présentées par M. X... :
Considérant que si, après l'annulation par le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière pris le 17 novembre 2001 à l'encontre de M. X... une autorisation provisoire de séjour a été remise au requérant le 30 janvier 2002 en application du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, cette autorisation a seulement pour effet de régulariser la situation de l'intéressé jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ; que, par suite, le moyen tiré par le requérant de ce que la délivrance d'un titre de séjour aurait rendu sans objet l'appel du PREFET DE POLICE doit être écarté ;
Sur l'appel du PREFET DE POLICE :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; ( ...) 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Jean-Baptiste X... de nationalité ivoirienne, a séjourné régulièrement en France du 1er décembre 1996 au 13 décembre 2000 sous couvert de cartes de séjour temporaire délivrées annuellement en tant qu'étudiant ; que le PREFET DE POLICE en décidant sa reconduite à la frontière sur le fondement du 1° de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 pour la raison qu'il ne pouvait produire aucun titre de séjour délivré postérieurement à son entrée en octobre 1990 s'est fondé sur un texte qui ne lui était pas applicable ;
Considérant cependant, que le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat de substituer comme fondement légal de son arrêté les dispositions du 4° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; qu'une telle substitution de base légale est possible dès lors que les deux dispositions permettent au préfet de prendre la même mesure et que la substitution de la seconde à la première comme base légale de l'arrêté de reconduite à la frontière n'a pas pour effet de priver l'intéressé de garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. X... n'avait pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire ; que, par suite, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris n'a pas procédé à la substitution de base légale demandée à la barre pour annuler l'arrêté du 18 mars 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Paris et devant le Conseil d'Etat ;
Sur la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant que, par un arrêté du 9 avril 2001, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 13 avril 2001, le PREFET DE POLICE a donné à M. Y... , directeur adjoint de cabinet, délégation permanente de signature, notamment dans toutes les matières relevant de ses pouvoirs en sa qualité de représentant de l'Etat ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait ;
Considérant que l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;
Sur la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant que la substitution comme fondement légal de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué du 4° au 1° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 fait regarder l'arrêté attaqué comme opposant à l'intéressé, non pas l'irrégularité de son entrée en France mais son maintien sur le territoire français au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de son dernier titre de séjour étudiant ; que, dès lors, le moyen tiré d'une erreur de fait doit être écarté ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le PREFET DE POLICE s'est livré à un examen particulier de la situation de M. X... avant de prendre l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 ( ...) 3° L'étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis plus de 15 ans ainsi que l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., entré en France en octobre 1990, a séjourné régulièrement en France du 1er décembre 1996 au 13 décembre 2000 sous couvert de cartes de séjour temporaires portant la mention "étudiant" ; qu'il n'était donc pas au nombre des étrangers qui, à raison de leur durée de résidence en France, ne peuvent, en application du 3° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifié par la loi du 24 août 1993, faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;
Considérant que M. X... qui ne fait pas l'objet d'une mesure d'expulsion prise sur le fondement de l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée mais d'une mesure de reconduite à la frontière, ne peut utilement se prévaloir du 7° de l'article 25 de ladite ordonnance qui n'est pas applicable aux arrêtés de reconduite à la frontière ;
Considérant, enfin, que si M. X... soutient que son éloignement du territoire français l'empêchera de terminer ses études et d'atteindre ses objectifs tant universitaires que professionnels, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à établir que le PREFET DE POLICE aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure de reconduite à la frontière sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 20 novembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 17 novembre 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Article 1er : Le jugement du 20 novembre 2001 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par M. X... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Jean-Baptiste X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.