Vu la requête, enregistrée le 19 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-D'OISE ; le PREFET DU VAL-D'OISE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 février 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 26 janvier 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Amon Mathilde X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Albanel, Conseiller d'Etat-;
- les observations de Me de Nervo, avocat de Mme X...,
- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par Mme X... ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...)" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., de nationalité ivoirienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 30 novembre 1999, de l'arrêté du 12 novembre 1999 par lequel le PREFET DU VAL-D'OISE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : 2°) à l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française ( ...) ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge" ; que, cependant, à la date de l'arrêté litigieux Mme X... était en situation irrégulière à l'égard du séjour et ne pouvait ainsi se prévaloir de ces dispositions ; que le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 6 février 2001, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur le motif que celle-ci pouvait prétendre de plein droit, à la date de l'arrêté attaqué, à la délivrance d'une carte de résident en application des dispositions précitées pour annuler son arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X... ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., est entrée en France en 1998, pour y rejoindre son fils, de nationalité française, qui soutient sans être contredit avoir pourvu à ses besoins avant son arrivée en France et dispose des ressources nécessaires pour assumer la charge de sa mère ; que Mme X..., qui est veuve, est hébergée chez son fils et participe à l'éducation de ses petits -enfants ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté du 26 janvier 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et méconnaît, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU VAL-D'OISE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 26 janvier 2001 ;
Article 1er : La requête du PREFET DU VAL-D'OISE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU VAL-D'OISE, à Mme Amon Mathilde X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.