Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 septembre 2000 et 18 janvier 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS AGRICOLES DE L'ILE-DE-FRANCE, dont le siège est ..., au Chesnay (78) et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir le décret n° 2000-671 du 10 juillet 2000 portant modification des dispositions réglementaires du code rural relatives aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil
Vu le code rural ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole, notamment ses articles 2, 112 à 114 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Sanson, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la FEDERATION DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS AGRICOLES DE L'ILE-DE-FRANCE, - les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;
Sur les moyens invoqués à l'encontre de l'ensemble du décret attaqué :
Considérant que, pour demander l'annulation du décret attaqué dans son entier, la fédération requérante soutient qu'il contiendrait des dispositions excédant le renvoi à un décret en Conseil d'Etat prévu par le dernier alinéa de l'article L. 114-1 du code rural, dans la rédaction que lui a donnée l'article 114 de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 ;
Mais considérant qu'il appartient au gouvernement d'exercer son pouvoir réglementaire, sans qu'il soit besoin qu'il dispose d'une habilitation législative à cet effet ; que, et sous réserve que le décret attaqué ne porte pas sur des matières que la Constitution et notamment son article 34 réserve à la loi, le gouvernement a pu, sans excéder les limites de sa compétence, apporter aux dispositions réglementaires du code rural toutes les modifications qu'il estimait nécessaires ;
Sur les articles 3 et 4 du décret attaqué :
Considérant que les articles 3 et 4 du décret attaqué subordonnent la délivrance de l'agrément d'une SAFER à la mise en place d'un comité technique consultatif dont ils fixent la composition et déterminent les attributions ;
Considérant qu'eu égard au caractère purement consultatif de ce comité, ces prescriptions ne méconnaissent aucune disposition législative relative à l'organisation des sociétés commerciales et n'excèdent pas les compétences du pouvoir réglementaire, à qui il appartient, pour assurer l'application de l'article L. 141-6 du code rural, de déterminer les conditions d'agrément des SAFER ; qu'en prévoyant la participation à ces comités de représentant des syndicats agricoles représentatifs non actionnaires de la SAFER, le décret attaqué ne méconnaît aucune règle ni aucun principe s'imposant au pouvoir réglementaire ;
Sur l'article 17 du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 517 du code civil "Les biens sont immeubles, ou par leur nature, ou par destination, ou par l'objet auquel ils s'appliquent" ; que selon l'article 518 du même code, "Les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par nature" ; qu'en vertu de l'article 524 du même code : "Les animaux et les objets que le propriétaire d'un fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce fonds sont immeubles par destination." ; qu'enfin l'article L. 143-1 du code rural dispose : "Il est institué au profit des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural un droit de préemption en cas d'aliénation à titre onéreux de fonds agricoles ou de terrains à vocation agricole ( ...)" ;
Considérant qu'en introduisant, à l'article R. 143-2 du code rural, des dispositions selon lesquelles sont regardés comme des fonds agricoles ou des terrains à vocation agricole, les biens mobiliers nécessaires à l'exploitation tels que le cheptel ou les stocks nécessaires à l'exploitation ou tout autre élément ou investissement réalisé en vue d'améliorer le fonds ou de diversifier et de commercialiser la production, le gouvernement n'a pas modifié le champ et la portée du droit de préemption des SAFER tel que défini par l'article L. 143-1 précité ; qu'en effet, ce n'est que pour autant que le droit de préemption de la SAFER s'exerce sur un fonds ou un terrain à vocation agricole que les biens mobiliers qui y ont été placés par son propriétaire pour le service et l'exploitation du fonds sont des immeubles par destination et peuvent être regardés comme y étant incorporés ; que dès lors, le gouvernement n'a méconnu ni les dispositions précitées du code civil, ni l'article L. 143-1 du code rural ;
Sur l'article 21 du décret :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 141-1 du code rural, les SAFER "( ...) assurent la transparence du marché foncier rural" et peuvent "3° Acquérir, dans le but d'améliorer les structures foncières, des parts de sociétés civiles à objet agricole ( ...)" ; que si, en vertu des dispositions de l'article R. 143-9 du même code issues de l'article 21 du décret attaqué : "Dans le cadre des missions des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural ( ...), le notaire ou la personne chargée de dresser l'acte d'aliénation doit préalablement déclarer à la société ( ...) 4° Les aliénations portant sur des cessions de parts de société ( ...)", ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, de modifier le champ et la portée du droit de préemption conféré aux SAFER et ne visent qu'à porter à leur connaissance une information nécessaire à l'exercice du droit d'acquisition de parts de sociétés qu'elles tiennent de l'article L. 141-1 du code rural ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la fédération des syndicats d'exploitants agricoles de l'Ile-de-France n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 10 juillet 2000 portant modification des dispositions réglementaires du code rural relatives aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural ;
Sur les conclusions de la fédération des syndicats d'exploitants agricoles de l'Ile-de-France tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la fédération des syndicats d'exploitants agricoles de l'Ile-de-France la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la FEDERATION DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS AGRICOLES DE L'ILE-DE-FRANCE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS AGRICOLES DE L'ILE-DE-FRANCE, au Premier ministre, au ministre de l'agriculture et de la pêche, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au garde des sceaux, ministre de la justice.