Vu 1°), sous le n° 182640, la requête, enregistrée le 25 septembre 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT NATIONAL DES DISCOTHEQUES ET LIEUX DE LOISIRS, représenté par son président, la SARL L'ASCOT, représentée par son gérant, la SARL CESAR, représentée par son gérant, la S.A. "LA CLE DES CHANTS", représentée par son président-directeur général, M. X..., exploitant de la discothèque "Le Clip", la SARL "LA LOCOMOTIVE", représentée par son gérant, la S.A. "LE PATIO CLUB", représentée par son président-directeur général ; les requérants demandent au Conseil d'Etat à titre principal d'annuler la décision du 28 juin 1996 de la commission créée par l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, fixant le barème et les modalités de versement de la rémunération prévue à l'article L. 214-1 du même code et, à titre subsidiaire, d'annuler partiellement son article 3 ;
Vu 2°), sous le n° 182643, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 septembre 1996 et 27 janvier 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A. "GENERALE DE LA FERME", représentée par son président-directeur général et la SARL "PLAYA CLUB", représentée par son gérant ; les requérantes demandent au Conseil d'Etat d'annuler la décision visée ci-dessus et de condamner l'Etat à leur verser une somme de 20 000 Fen application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le Traité de Rome ;
Vu la directive CEE 92/100 du Conseil du 19 novembre 1992 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle ;
Vu la directive CEE 77/388 du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
Vu la code de la propriété intellectuelle ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle ;
Vu la loi n° 97-283 du 27 mars 1997 portant transposition dans le code de la propriété intellectuelle des directives du Conseil des communautés européennes n° 93/83 du 27 septembre 1993 et 93/98 du 29 octobre 1993, notamment son article 18 ;
Vu le décret n° 86-537 du 14 mars 1986 pris pour l'application de l'article 24 de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985, codifié à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Ménéménis, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat du SYNDICAT NATIONAL DES DISCOTHEQUES ET LIEUX DE LOISIRS, de la SARL "L'ASCOT", de la SARL "CESAR", de la SA "LA CLE DES CHANTS", de M. X..., exploitant de la discothèque "Le Clip", de la SARL "LA LOCOMOTIVE" et
de la S.A. "LE PATIO CLUB" et de la SCP Boré, Xavier, avocat de la S.A. "GENERALE DE LA FERME" et de la SARL "PLAYA CLUB",
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre une même décision ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, issu de l'article 22 de la loi du 3 juillet 1985, dispose que : "Lorsqu'un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l'artiste-interprète et le producteur ne peuvent s'opposer : 1° A sa communication directe dansun lieu public, dès lors qu'il n'est pas utilisé dans un spectacle ; 2° A sa radiodiffusion, non plus qu'à la distribution par câble simultanée et intégrale de cette radiodiffusion. Ces utilisations des phonogrammes publiés à des fins de commerce ( ...) ouvrent droit à rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs. Cette rémunération est versée par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce dans les conditions mentionnées aux 1° et 2° du présent article. Elle est assise sur les recettes de l'exploitation ( ...)" ;
Considérant que l'article L. 214-3 du code, issu de l'article 23 de la loi du 3 juillet 1985, prévoit que "le barème de rémunération et les modalités de versement de la rémunération sont établis par des accords spécifiques à chaque branche d'activité entre les organisations représentatives des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des personnes utilisant les phonogrammes dans les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article L. 214-1 ( ...) La durée de ces accords est comprise entre un et cinq ans" ; qu'en vertu de l'article L. 214-4 du même code issu de l'article 24 de la loi du 3 juillet 1985 : "A défaut d'accord intervenu avant le 30 juin 1986, ou si aucun accord n'est intervenu à l'expiration du précédent accord, le barème de rémunération et les modalités de versement de la rémunération sont arrêtés par une commission présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire désigné par le premier président de la Cour de cassation" ;
Considérant que le syndicat et les sociétés requérants demandent l'annulation de la décision du 28 juin 1996 par laquelle la commission mentionnée à l'article L. 214-4 du code précité a fixé le barème et les modalités de versement de la rémunération due par les discothèques et établissements assimilés ;
Considérant que, postérieurement à l'enregistrement des requêtes susvisées, l'article 18 de la loi susvisée du 27 mars 1997 a, ainsi qu'il résulte de ses termes mêmes, éclairés par les travaux préparatoires, validé la décision attaquée et limité sa durée d'application à la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2000 ; qu'il suit de là que la légalité de la décision du 28 juin 1996 n'est plus susceptible d'être contestée par la voie contentieuse, dans la mesure où sont invoqués, à l'appui de cette contestation, des moyens tirés de la violation de dispositions de droit interne ;
Considérant en revanche qu'il appartient au Conseil d'Etat de se prononcer sur les autres moyens, soulevés par la S.A. "GENERALE DE LA FERME" et la SARL "PLAYA CLUB" et tirés de ce que la décision litigieuse serait intervenue en violation de plusieurs dispositions du droit communautaire ;
Considérant, en premier lieu, que les sociétés requérantes soutiennent que la rémunération au profit des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes versée par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce, dont le principe est posé par l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, est incompatible avec les dispositions de la directive CEE 92/100 du Conseil du 19 novembre 1992, et contraire aux articles 2, 12, 92 et 95 alors en vigueur du traité instituant la communauté économique européenne, dès lors qu'une partie des droits versés par les utilisateurs est affectée, en vertu de l'article L. 321-9 du code, issu de l'article 38 de la loi du 3 juillet 1985, à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation d'artistes ; que toutefois, ce moyen ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision attaquée, dès lors que son objet est seulement de fixer l'assiette et le taux de la rémunération due par les discothèques et activités assimilées ;
Considérant, en second lieu, que les sociétés requérantes soutiennent que la rémunération susanalysée constitue une taxe sur le chiffre d'affaires incompatible avec les dispositions de l'article 33 de la 6ème directive CEE 77/388 du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires et qu'il en résulte que la décision attaquée est privée de tout fondement légal ; qu'il résulte de l'instruction que cette rémunération constitue une charge pour les utilisateurs de phonogrammes, prélevée à un seul stade et assise sur leurs recettes brutes, sans aucune déduction possible par ceux-ci des charges qu'ils ont eux-mêmes supportées en amont ; que, dans ces conditions, elle ne peut être regardée comme une taxe sur le chiffre d'affaires au sens des dispositions de l'article 33 de la directive du 17 mai 1977 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes susvisées doivent être rejetées ;
Sur les conclusions de la S.A. "GENERALE DE LA FERME" et de la SARL "PLAYA CLUB" tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions susvisées de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la S.A. "GENERALE DE LA FERME" et à la SARL "PLAYA CLUB" la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les requêtes du SYNDICAT NATIONAL DES DISCOTHEQUES ET LIEUX DE LOISIRS, de la SARL L'ASCOT, de la SARL CESAR, de la S.A. "LA CLE DES CHANTS", de M. X..., exploitant de la discothèque "LE CLIP", de la SARL "LA LOCOMOTIVE", de la S.A. "LE PATIO CLUB", de la S.A. "GENERALE DE LA FERME" et de la SARL "PLAYA CLUB", sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DES DISCOTHEQUES ET LIEUX DE LOISIRS, à la SARL L'ASCOT, à la SARL CESAR, à la S.A. "LA CLE DES CHANTS", à M. X..., exploitant de la discothèque "LE CLIP", à la SARL "LA LOCOMOTIVE", à la S.A. "LE PATIO CLUB", à la S.A. "GENERALE DE LA FERME", à la SARL "PLAYA CLUB", au ministre de la culture et de la communication et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.