Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 octobre 1994 et 20 février 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel X... et autres demeurant à Arsonval (10200) ; M. X... et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 28 juin 1994 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions implicites de rejet que le directeur de l'Institut national des appellations d'origine a opposé à leurs demandes du 11 juillet 1991 aux fins de faire reporter sur le plan cadastral de la commune d'Arsonval (Aube) la délimitation de parcelles qui donneraient droit à l'appellation "Champagne" par décision de la commission interdépartementale prévue par l'article 18 de la loi du 6 mai 1919 modifiée ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions implicites du directeur de l'Institut national des appellations d'origine ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 6 mai 1919, modifiée par la loi du 22 juillet 1927 et la loi n° 51-146 du 11 février 1951 ;
Vu le décret du 30 juillet 1935, modifié par la loi n° 84-1008 du 16 novembre 1984 ;
Vu le décret du 29 juin 1936, modifié par le décret du 11 septembre 1958 ;
Vu la loi n° 80-539 d u16 juillet 1980 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme de Margerie, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Michel X... et autres et de Me Parmentier, avocat de l'INAO,
- les conclusions de M. Honorat, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X... et autres relèvent appel du jugement du 28 juin 1994 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté leurs demandes dirigées contre les décisions implicites de rejet opposées par l'Institut national des appellations d'origine à leurs demandes tendant à obtenir le report sur le plan cadastral de la commune d'Arsonval (Aube) de la délimitation de parcelles ouvrant droit à l'appellation "Champagne", opérée par la décision en date du 22 mai 1936 de la commission interdépartementale prévue par l'article 18 de la loi du 6 mai 1919 modifiée ; qu'ils demandent, en outre, au Conseil d'Etat d'ordonner ce report ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sur les fins de non-recevoir opposées par l'Institut national des appellations d'origine :
Considérant que les demandes de M. X... et autres comportent l'énoncé des faits et l'exposé des moyens qui en constituent le fondement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 29 juin 1936, relatif à la définition de l'appellation contrôlée "Champagne", dans sa rédaction issue du décret du 11 septembre 1958 : "La délimitation communale prévue à l'article 18 de la loi du 6 mai 1919, modifiée par les lois du 22 juillet 1927 et du 11 février 1951, sera reportée sur les plans cadastraux des communes intéressées par les experts désignés par le comité directeur de l'Institut national des appellations d'origine des vins et eaux-de-vie, et ces plans seront, après approbation de l'Institut national, déposés à la mairie des communes intéressées" ; que le rejet implicite par le directeur de l'Institut national des appellations d'origine des demandes de M. X... et autres tendant au report sur les plans cadastraux de la délimitation des parcelles incluses dans les limites de l'appellation contrôlée "Champagne", dont ils sont propriétaires, constitue, quel que soit le nombre de ces propriétaires, une décision faisant grief ; que M. X... et autres justifient d'un intérêt à poursuivre l'annulation de ces décisions, alors même que le report demandé ne vise qu'à tirer certaines conséquences matérielles d'une délimitation préexistante, qui n'est pas elle-même en litige ;
Considérant qu'en annulant une décision de refus, le juge administratif n'adresse pas, par là-même, une injonction à l'administration ; que l'Institut national des appellations d'origine n'est, dès lors et en tout état de cause, pas fondé à soutenir que les conclusions des demandes de M. X... etautres seraient irrecevables pour ce motif ;
Considérant que le fait qu'à la date des décisions attaquées, une procédure de révision de la délimitation de l'aire d'appellation "Champagne" était en cours sur le territoire de la commune d'Arsonval, dans les conditions prévues par l'article 21 du décret du 30 juillet 1935, dans sa rédaction issue de la loi n° 84-1008 du 16 novembre 1984, ne permet pas de regarder ces décisions comme non détachables de cette procédure de révision ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les diverses fins de non-recevoir opposées par l'Institut national des appellations d'origine doivent être écartées ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter l'ensemble des demandes des requérants, l'Institut national des appellations d'origine s'est fondé, non pas sur le motif que les parcelles en cause n'auraient pas été incluses dans l'aire d'appellation "Champagne" à la date de ses décisions, mais sur les difficultés de réalisation du report compte tenu des révisions cadastrales intervenues depuis, ainsi que sur l'affectation de certaines de ces parcelles à d'autres objets que la culture de la vigne ; qu'aucun de ces motifs n'est de nature à justifier le refus de l'Institut national des appellations d'origine de procéder à leur report au plan cadastral en application de l'article 3 du décret du 29 juin 1936 modifié par le décret du 11 septembre 1958 ; que ces décisions sont, par suite, entachées d'erreur de droit ; qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que le décret du 3 avril 1996 relatif à l'appellation d'origine contrôlée "Champagne", qui complète l'article 1er du décret du 29 juin 1936, a procédé, notamment pour la commune d'Arsonval, à une nouvelle délimitation de l'aire de production qui s'est ainsi substituée, postérieurement aux décisions attaquées, à celle dont les requérants demandaient le report au plan cadastral de cette commune ; que l'intervention de ce décret fait obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions des requérants tendant à ce qu'il soit enjoint à l'Institut national des appellations d'origine de procéder au report de l'ancienne délimitation ; que les conclusions aux fins d'injonction doivent, par suite, être rejetées ;
Sur l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions des requérants et de condamner l'Institut national des appellations d'origine à leur verser la somme globale de 20 000 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en date du 28 juin 1994 et les décisions implicites de rejet par l'Institut national des appellations d'origine des demandes qui lui ont été présentées par M. X... et autres sont annulés.
Article 2 : L'Institut national des appellations d'origine paiera à M. X... et autres une somme globale de 20 000 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. X... et autres est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Michel X... et autres, à l'Institut national des appellations d'origine et au ministre de l'agriculture et de la pêche.