Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 janvier 1995 et 9 mai 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Paul X..., demeurant à Labastide d'Armagnac (40240) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler un arrêt en date du 31 octobre 1994, par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 16 mars 1993 du tribunal administratif de Pau ayant rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1986 et 1987 dans les rôles de la commune de Labastide d'Armagnac ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Froment, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X... se pourvoit contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 31 octobre 1994 qui a rejeté l'appel qu'il avait formé contre le jugement du 16 mars 1993 du tribunal administratif de Pau ayant rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1986 et 1987, en tant que cet arrêt, d'une part, lui a refusé la possibilité de déduire de ses revenus globaux, pour les années susmentionnées, les sommes qu'il a dû acquitter, au titre de ces années en tant que caution de la SARL Société d'exploitation des établissements Loubère mises en liquidation, d'autre part, a omis de statuer sur la demande de compensation entre impositions qu'il avait présentée, dans son mémoire en réplique, au titre de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué, en tant qu'il a refusé la déductibilité des sommes acquittées par le contribuable à titre de caution :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts : "1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut ... sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu" ; que l'article 156-1 autorise, sous certaines conditions, que soit déduit du revenu global d'un contribuable le déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; que l'énumération des charges déductibles figurant à l'article 156-I est limitative ;
Considérant qu'il ressort des faits relevés par la cour administrative d'appel, et dont l'exactitude matérielle n'est pas contestée, que M. X... alors gérant de la Société d'exploitation des établissements Loubère s'est porté caution en 1979 d'engagements financiers souscrits par cette société ; qu'à la suite de la mise en liquidation de biens de cette dernière, il a dû acquitter, en sa qualité de caution, des sommes s'élevant à 362 640 F en 1986 et 134 406 F en 1987 ; que M. X... n'a jamais perçu de rémunération de la Société d'exploitation des établissements Loubère ; qu'il ne justifie pas qu'à la date où il s'est porté caution, il existait une quelconque perspective de versement de rémunération ;
Considérant qu'en l'absence de rémunération versée au gérant d'une SARL, les sommes acquittées par le premier à titre de caution de la seconde ne peuvent pas être regardées comme des dépenses effectuées en vue de l'acquisition ou de la conservation d'un revenu au sens de l'article 13 précité ; qu'elles constituent des pertes en capital ; que, par suite, la Cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant que les sommes dont M. X... avait dû s'acquitter en qualité de caution, n'étaient pas déductibles de son revenu imposable alors même que l'article 17 des statuts de la société reconnaissait, dans son principe, le droit de chaque gérant à bénéficier d'une rémunération ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a refusé la déductibilité des sommes qu'il a acquittéesà titre de caution ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué, en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions relatives à la demande de compensation :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par mémoire en réplique du 29 septembre 1994, M. X... avait demandé, en application du droit de compensation prévu par l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, que soit déduite de son revenu global de l'année 1987, établi à 176 540 F, la somme de 170 555 F qu'il aurait versée le 19 mars 1987 en exécution de sa condamnation au paiement solidaire d'une dette de taxe sur la valeur ajoutée de la SARL "Société d'exploitation des établissements Loubère" ; que la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas répondu à ces conclusions ; que M. X... est, dès lors, fondé à demander que, dans la mesure où il est ainsi entaché d'irrégularité, l'arrêt de la Cour soit annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de statuer sur les conclusions en cause ;
Sur le bien-fondé de la demande de compensation :
Considérant que l'administration soutient, sans être sérieusement contestée par le requérant, que la somme de 170 555 F versée le 19 mars 1987, pour le règlement de la dette fiscale précitée dont M. X... était caution solidaire, a été acquittée, non par le contribuable lui-même, mais par le liquidateur de la SARL "Société d'exploitation des établissements Loubère" ; que, par suite, le requérant ne saurait, en tout état de cause, pouvoir bénéficier, au titre des articles L. 203 à L. 205 du livre des procédures fiscales relatifs aux compensations, de la déduction, de son revenu imposable de 1987, d'une charge qu'il n'a pas effectivement supportée ; que les conclusions susanalysées ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions relatives à la demande de compensation ;
Sur l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I susvisé font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante soit condamné à verser à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 31 octobre 1994 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions relatives à la demande de compensation.
Article 2 : Les conclusions relatives à la demande de compensation présentées devant la cour administrative d'appel de Bordeaux sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Paul X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.