Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 15 mai 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule les articles 1 et 2 de l'arrêt du 12 mars 1998 par lesquels la cour administrative d'appel de Nancy, faisant droit aux conclusions de l'appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Besançon du 9 décembre 1993 par la S.A. X..., l'a déchargée de l'impôt sur les sociétés auquel elle avait été assujettie au titre des exercices clos en 1985, 1986 et 1987 ;
2°) remette à la charge de la S.A. X... les impositions litigieuses ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Collin, Auditeur,
- les observations de la SCP Lesourd, avocat de la S.A. X...,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du 1. de l'article 39 du code général des impôts : "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment : 1° les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire" ; qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : "Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses ... qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ... L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. Bernard X... a confié en location-gérance le 1er juillet 1981 à la S.A. X... , contre le versement d'une redevance, un fonds de commerce de vente au détail d'alimentation sis à Pontarlier, dans un local de 45 m ; que la S.A. X... a créé, le 1er novembre 1981, à Pontarlier, un autre fonds de commerce d'alimentation dans un local de 400 m appartenant à M. X... ; qu'en 1983, la S.A. X... a transféré son siège social dans les locaux du second magasin tandis que M. X... cédait le premier fonds ; que la S.A. X... a de nouveau transporté son activité en 1985 à une autre adresse, créant cette fois, sur le territoire de la commune de Doubs, un supermarché d'une superficie d'environ 1 200 m ; que le contrat de location-gérance conclu entre la S.A. X... et M. X... a été reconduit à l'occasion de chaque mutation, moyennant une redevance de plus en plus élevée à mesure que la taille de l'entreprise augmentait ; que la S.A. X... a fait l'objet en 1988 d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle le vérificateur a estimé que le fonds de commerce exploité par la société ne correspondait plus au fonds de commerce qui lui avait été confié en location-gérance en 1981 par M. X... et en a déduit que la redevance versée au cours des exercices 1985 à 1987 n'avait pas de contrepartie effective et constituait une libéralité consentie à son dirigeant ; que les versements en cause ont, par suite, été réintégrés dans les résultats imposables de la société au titre des exercices 1985 à 1987 ; que la cour administrative d'appel de Nancy a jugé que l'administration avait, ce faisant, mis en cause la sincérité des avenants à la convention de location-gérance et avait invoqué implicitement mais nécessairement les dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et que la procédure suivie était irrégulière dès lors que la S.A. X... n'avait pas été mise en mesure de demander la saisine du comité consultatif pour la répression des abus de droit et que la notification de redressement ne comportait pas le visa de l'inspecteur principal ;
Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts, l'administration est fondée à refuser la déduction du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés des dépenses qui ne peuvent être considérées comme engagées dans l'intérêt social ; que l'administration, pour réintégrer dans les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la S.A. X... la redevance de location-gérance versée à M. X..., n'a pas prétendu quela convention de location-gérance avait dissimulé la portée véritable d'un contrat et n'a pas cherché davantage à restituer à l'opération son véritable caractère mais s'est bornée à soutenir ainsi qu'il a été dit ci-dessus que la redevance versée n'avait pas de contrepartie réelle ; que la Cour en jugeant, que l'administration invoquait implicitement mais nécessairement les dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales a inexactement qualifié les faits et commis une erreur de droit ; qu'il en résulte que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation des articles 1 et 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 12 mars 1998, déchargeant la S.A. X... des droits et pénalités correspondant à la réduction, à proportion du montant des redevances versées au cours des exercices clos en 1985, 1986 et 1987 à M. X..., des bases des compléments d'impôt sur les sociétés assignés à ladite société au titre de ces exercices ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que si la S.A. X... soutient que l'identité du fonds de commerce initial a toujours été maintenue en dépit de ses transferts successifs dans des locaux dont la surface croissait avec l'expansion de son activité et que les redevances de location-gérance ont ainsi conservé une contrepartie effective, il résulte de l'instruction que le fonds donné en location-gérance à la S.A. X... par M. X... en 1981 a été cédé en totalité en 1983 ; qu'il suit de là que les redevances litigieuses constituaient des libéralités dont l'administration était fondée à refuser la déduction du bénéfice imposable de la société ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la S.A. X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 9 décembre 1993, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande en réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1985, 1986 et 1987 du fait de la réintégration dans son bénéfice imposable des redevances de location-gérance versées à M. X... ;
Article 1er : Les articles 1 et 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 12 mars 1998 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par la S.A. X... devant la cour administrative d'appel de Nancy relatives aux redevances versées par elle à M. X... sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la S.A. X....