Vu la requête, enregistrée le 7 mai 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le préfet de police ; le préfet de police demande au Conseil d'Etat l'annulation de l'arrêt du 6 mars 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement du 12 juillet 1995 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme Joséphine X... tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 1994 relatif aux conditions de fonctionnement d'un commerce sis ..., d'autre part, annulé l'article 2 de cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'arrêté du 28 septembre 1980 du ministre de l'agriculture et du ministre des transports ;
Vu l'arrêté n° 79-561 du 20 novembre 1979 portant règlement sanitaire du département de Paris ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Keller, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat du préfet de police et de Me Spinosi, avocat de Mme Joséphine X...,
- les conclusions de M. Salat-Baroux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un arrêté du 31 juillet 1992 pris sur le fondement du règlement sanitaire du département de Paris, le préfet de police a ordonné la fermeture de l'établissement de restauration appartenant à Mme X... jusqu'à réalisation des travaux prescrits par cet arrêté ; que, par un nouvel arrêté en date du 18 juillet 1994, le préfet de police a, d'une part, abrogé son arrêté précédent et a, d'autre part, interdit dans l'établissement toute opération de cuisson ou de réchauffage des plats, fût-ce au moyen d'un four à micro-ondes, à moins que les travaux et aménagements énumérés à l'annexe de l'arrêté du 31 juillet 1992 précité ne fussent réalisés ;
Considérant que le préfet de police s'est fondé, pour prendre l'arrêté du 18 juillet 1994, sur les dispositions de l'arrêté du 26 septembre 1980 pris par les ministres de l'agriculture et des transports réglementant les conditions d'hygiène applicables dans les établissements de restauration où sont préparés, servis ou distribués des aliments comportant des denrées animales ou d'origine animale et sur l'arrêté du 20 novembre 1979 portant règlement sanitaire du département de Paris ; qu'aux termes de l'article 130-3 de ce règlement relatif aux "ateliers et laboratoires de préparations des aliments", applicable en vertu de l'article 152-2 aux "restaurants et locaux similaires" : "L'aération et la ventilation doivent être assurées en permanence et permettre l'évacuation rapide des odeurs, des buées et vapeurs de cuisson ( ...) Les fourneaux et chaudières dégageant des émanations et des buées doivent être pourvus de hottes ( ...) Ces hottes sont desservies par un conduit de ventilation ( ...) Toutes dispositions seront prises pour que ce conduit assure un tirage satisfaisant sans être une cause d'insalubrité ou de gêne pour le voisinage" ; que ce texte, qui réglemente les conditions d'hygiène dans les établissements de restauration, a également pour objet de protéger le voisinage contre les nuisances olfactives entraînées par leur fonctionnement ; qu'il résulte de ce qui précède que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en estimant que le règlement sanitaire départemental ne pouvait servir de base légale à l'arrêté préfectoral du 18 juillet 1994 ; que son arrêt du 6 mars 1997 doit donc être annulé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur la légalité de l'arrêté du 31 juillet 1992 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées à la requête ;
Considérant qu'en raison des nuisances olfactives dues à l'utilisation d'appareils de cuisson dans les locaux du restaurant "L'Andalouse", qui avaient provoqué des plaintes duvoisinage, le préfet de police a pu légalement, par l'arrêté du 31 juillet 1992, ordonner la fermeture de l'établissement jusqu'à ce que les travaux prescrits dans cet arrêté soient réalisés ; que, contrairement à ce que soutient Mme X..., cet arrêté ne subordonnait pas l'utilisation de fours à micro-ondes à l'installation d'une cheminée d'évacuation ;
Sur la légalité de l'arrêté du 18 juillet 1994 :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après la cessation d'activité du restaurant "L'Andalouse", à l'origine des nuisances qui avaient motivé l'arrêté du 31 juillet 1992, Mme X... a, en avril 1993, donné son fonds de commerce en gérance libre à un nouvel exploitant sous l'enseigne "La Saladerie" ; que l'interdiction d'utiliser dans cet établissement un four à micro-ondes a été prescrite par l'arrêté attaqué, sans qu'il ait été préalablement établi que l'usage de ce type d'appareils pour le réchauffage des plats provoquait des nuisances gênantes pour le voisinage ; que, par suite, Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 18 juillet 1994, en tant que cet arrêté interdit l'utilisation de fours à micro-ondes dans son établissement ;
Sur le préjudice subi par Mme X... :
Considérant que Mme X... a demandé qu'une indemnité lui soit accordée en réparation du préjudice qu'elle a subi en raison de l'illégalité de la décision du préfet de police lui interdisant l'usage de fours à micro-ondes ; que l'état du dossier ne permet pas de déterminer le montant du préjudice subi par Mme X... ; que, par suite, il y a lieu, avant de statuer sur sa demande d'indemnité, d'ordonner une expertise en vue de déterminer le préjudice subi par Mme X... à compter du 18 juillet 1994, jusqu'à la date à laquelle l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 mars 1997 lui a été notifié ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 modifiée : "Lorsqu'il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir sa décision d'une astreinte à compter d'une date qu'il détermine" ;
Considérant que l'arrêté du 18 juillet 1994, abrogeant la décision de fermeture prononcée par l'arrêté du 31 juillet 1992, a eu pour effet de permettre la réouverture de l'établissement de Mme Janvier ; que, par suite, la requérante n'est en tout état de cause pas fondée à demander au Conseil d'Etat d'ordonner au préfet de police, sous astreinte, qu'il autorise l'ouverture de cet établissement ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 6 mars 1997 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 12 juillet 1995 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme X... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 18 juillet 1994, en tant que cet arrêté interdit l'utilisation de fours à micro-ondes dans son établissement.
Article 3 : L'arrêté du préfet de police en date du 18 juillet 1994 est annulé en tant qu'il interdit l'utilisation de fours à micro-ondes dans l'établissement de Mme Janvier.
Article 4 : Il sera, avant de statuer sur la demande d'indemnité de Mme X... procédé par un expert désigné par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat à une expertise en vue de déterminer le préjudice subi par Mme X... en raison de l'interdiction faite à l'établissement "la Saladerie", du 18 juillet 1994 à la date à laquelle l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 mars 1997 a été notifié à la requérante, d'utiliser des fours à micro-ondes.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'emploi et de la solidarité et à Mme Joséphine X....