Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 24 novembre 1997 et 24 mars 1998, présentés pour le CONSEIL DES INDUSTRIES DE DEFENSE FRANCAISES-CIDEF, représenté par son président en exercice, domicilié en cette qualité au siège dudit conseil, ... ; il demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision implicite par laquelle le ministre de la défense et le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur ont rejeté sa demande en date du 28 mai 1997 tendant à l'abrogation de l'arrêté interministériel du 5 mars 1996 définissant le cadre général dans lequel sont déterminés les coûts de revient des prestations des sociétés intervenant dans le domaine aéronautique et spatial ;
2°) prescrive aux autorités compétentes, en application des dispositions de l'article 6-1 de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée, l'abrogation de l'arrêté du 5 mars 1996 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'article 54 de la loi du 23 février 1963 ;
Vu le code des marchés publics, notamment son article 223 ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée, notamment son article 6-1 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Le Chatelier, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du CONSEIL DES INDUSTRIES DE DEFENSE FRANCAISES-CIDEF,
- les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par plusieurs demandes adressées le 28 mai 1997 au ministre de la défense et au ministre délégué aux finances et au commerce extérieur, le CONSEIL DES INDUSTRIES DE DEFENSE FRANCAISES-CIDEF a demandé l'abrogation de l'arrêté du 5 mars 1996 définissant le cadre général dans lequel sont déterminés les coûts de revient des prestations des sociétés intervenant dans le domaine aéronautique et spatial ;
Considérant qu'aux termes de l'article 223 du code des marchés publics : "Conformément à l'article 54 de la loi de finances pour 1963 (2ème partie : Moyens des services et dispositions spéciales) dans les cas prévus ci-dessous, les entreprises titulaires des marchés fournissent au service contractant, si celui-ci en fait la demande, tous renseignements sur les éléments techniques et comptables du prix de revient des prestations qui font l'objet du marché. Lesdites entreprises ont l'obligation de permettre et de faciliter la vérification éventuelle sur pièce ou sur place de l'exactitude de ces renseignements par les agents de l'administration. Les obligations prévues ci-dessus sont applicables aux marchés de travaux, fournitures ou études pour lesquels la spécialité des techniques, le petit nombre d'entreprises compétentes, des motifs de secret ou des raisons d'urgence impérieuses ne permettent pas de faire appel à la concurrence ou de la faire jouer efficacement. Les entreprises soumises aux dispositions des alinéas précédents peuvent être assujetties à présenter leurs bilans, comptes de pertes et profits et comptes d'exploitation ainsi que leur comptabilité analytique d'exploitation ou , à défaut de celle-ci, tous documents de nature à permettre l'établissement des prix de revient, sous des formes déterminées, par nature d'entreprise, par arrêté du ministre de l'économie et des finances et du ministre chargé du secteur économique intéressé. Ces arrêtés peuvent également déterminer les règles à suivre pour la tenue de comptabilités spéciales à chaque marché." ;
Considérant que par l'arrêté du 5 mars 1996 les ministres susmentionnés ne se sont pas bornés à déterminer les formes selon lesquelles devaient être présentés les comptes des entreprises qui sont soumises à ces dispositions, ni à fixer les règles à suivre pour la tenue de comptabilités spéciales à chaque marché, mais ont excédé le champ de l'habilitation qu'ils détenaient en vertu des dispositions précitées de l'article 223 du code des marchés publics notamment en édictant le principe d'une rémunération forfaitaire pour certains coûts de production et en en excluant d'autres du calcul du prix des produits vendus ; que, dans ces conditions, le CONSEIL DES INDUSTRIES DE DEFENSE FRANCAISES-CIDEF est fondé à demanderl'annulation des décisions implicites rejetant ses demandes tendant à l'abrogation de cet arrêté, dont les dispositions forment un ensemble indivisible ;
Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit fait application de l'article 6-1 de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée :
Considérant qu'aux termes de l'article 6-1 introduit dans la loi du 16 juillet 1980 par la loi du 8 février 1995 : "Lorsqu'il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir sa décision d'une astreinte à compter d'une date qu'il détermine" ; que l'annulation des décisions des ministres refusant d'abroger l'arrêté du 5 mars 1996 implique nécessairement l'abrogation de cet acte ; qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'ordonner cette abrogation dans un délai de quatre mois" ;
Article 1er : Les décisions implicites nées du silence gardé aux demandes formées le 28 mai 1997 par le CONSEIL DES INDUSTRIES DE DEFENSE FRANCAISES-CIDEF et rejetant ses demandes d'abrogation de l'arrêté du 5 mars 1996 sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de la défense d'abroger l'arrêté du 5 mars 1996 dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au CONSEIL DES INDUSTRIES DE DEFENSE FRANCAISES-CIDEF, au ministre de la défense et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.