Vu la requête enregistrée le 5 novembre 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Wai Man X..., demeurant ... de l'Isle à Vitry-sur-Seine (94400) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 octobre 1998 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 septembre 1998 par lequel le préfet du Val-de-Marne a ordonné sa reconduire à la frontière ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Guyomar, Auditeur,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant que, pour ordonner, le 24 septembre 1998, en application de l'article 22-I-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, la reconduite à la frontière de M. X..., le préfet du Val-de-Marne s'est fondé sur ce que l'intéressé, ressortissant cambodgien, s'était maintenu sur le territoire français pendant plus d'un mois à compter de la notification de la décision du 24 mars 1998 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire français ; que, compte tenu du recours gracieux qu'il a formé contre cette dernière décision, M. X... est recevable à en contester la légalité par la voie de l'exception à l'appui de son recours contentieux dirigé contre l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction issue de la loi du 24 avril 1997, applicable à la date de la décision de refus de séjour : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire est délivrée de plein droit : ... 3°) A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de quinze ans ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 24 mars 1998 doit être regardée, ainsi que l'a considéré le préfet du Val-de-Marne, comme opposant M. X... un refus de régulariser sa situation administrative ; qu'à cette date, M. X... justifiait d'une résidence habituelle en France de dix-sept années ; qu'il suit de là que le préfet du Val-de-Marne a commis une erreur de droit en refusant de régulariser la situation administrative de M. X... au motif que celui-ci ne remplissait pas les conditions pour séjourner sur le territoire français ; qu'ainsi M. X... est fondé à se prévaloir de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé ; que, par voie de conséquence, il est fondé à soutenir que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre le 24 septembre 1998 est dépourvu de base légale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Melun a refusé d'annuler l'arrêté du 24 septembre 1998 par lequel le préfet du Val-de-Marne a ordonné sa reconduite à la frontière ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Melun en date du 6 octobre 1998 ensemble l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontrede M. X... par le préfet du Val-de-Marne le 24 septembre 1998 sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Wai Man X..., au préfet du Val-de-Marne et au ministre de l'intérieur.