Vu la requête enregistrée le 13 février 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Lahoussaine X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 9 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 6 mai 1993 par laquelle le directeur départemental du travail et de l'emploi a refusé de lui accorder une autorisation de travail et contre la décision implicite du préfet de la Loire rejetant sa demande de carte de séjour temporaire en qualité de salarié ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces deux décisions ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 7 000 F au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret du 2 février 1939 relatif à la délivrance des cartes d'identité de commerçant pour les étrangers ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Edouard Philippe, Auditeur,
- les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 2 février 1939 : En ce qui concerne les personnes morales de droit français exerçant une activité commerciale, industrielle ou artisanale, sont assujettis à la possession de la carte de commerçant étranger : ... b) le ou les gérants d une société à responsabilité limitée ... ; que ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que le gérant d une société à responsabilité limitée puisse se voir délivrer un titre de séjour en qualité de salarié ;
Considérant qu'aux termes de l article R.341-4 du code du travail : ... pour accorder ou refuser le titre de travail sollicité le préfet du département où réside l étranger prend notamment en compte les éléments suivants d appréciation : la situation présente et à venir dans la profession demandée par le travailleur étranger et dans la zone géographique où il compte exercer cette profession ... ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l autorité administrative d apprécier, dans chaque cas, en procédant effectivement à l examen de la situation du marché de l emploi dans la branche considérée, s il y a lieu ou non d accorder l autorisation de travail sollicitée ;
Considérant que pour refuser, par sa décision en date du 6 mai 1993, l autorisation de travail que sollicitait M. X... afin de continuer à exercer en tant que salarié l'activité qu'il exerçait comme gérant de la société à responsabilité limitée SOMADIF, le directeur départemental du travail, de l emploi et de la formation professionnelle s est fondé sur ce qu'il ressortait des données statistiques fournies par l Agence nationale pour l emploi que 12 demandeurs d emploi inscrits à l Agence nationale pour l emploi étaient susceptibles d occuper le poste proposé ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier que le directeur départemental du travail et de l emploi n a pas tenu compte de ce que M. X... exerçait déjà régulièrement un emploi dans la société à responsabilité limitée SOMADIF, et était en outre associé minoritaire de ladite société ; qu'ainsi en estimant, à partir des seuls éléments qu'il a retenus, que la situation de l emploi était de nature à justifier le rejet de la demande d autorisation de travail de M. X..., le directeur départemental du travail, de l emploi et de la formation professionnelle de la Loire a, dans les circonstances de l'espèce, commis une erreur manifeste d appréciation ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l absence d autorisation detravail était le fondement unique de la décision implicite du préfet de la Loire par laquelle celui-ci a refusé à M.LACHKAR la délivrance d un titre de séjour temporaire en qualité de salarié ; qu'aux l illégalité de la décision de refus d accorder une autorisation de travail entraîne par voie de conséquence celle de la décision du préfet lui refusant la délivrance d un titre de séjour en qualité de salarié ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l espèce, de faire application des dispositions de l article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l Etat à payer à M. X... une somme de 5000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : le jugement du tribunal administratif de Lyon, la décision du directeur départemental du travail, de l emploi et de la formation professionnelle de la Loire et la décision du préfet de la Loire sont annulés.
Article 2 : L Etat versera à M.LACHKAR une somme de 5 000 F au titre de l article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Lahoussaine X... et au ministre de l emploi et de la solidarité.